Triste coïncidence en ce jeudi 5 juillet 2018. Sous des formes différentes, mais avec la même redoutable efficacité, l’Ange de la mort a frappé deux destinées consacrées à la mémoire de la Shoah.
Dans la matinée, on apprenait avec tristesse et émotion le décès de Claude Lanzmann, écrivain et cinéaste, le réalisateur de Shoah, ce long documentaire qui était une plongée dans l’enfer de la destruction des Juifs planifiée par le régime nazi et exécutée sans états d’âme par tant de gens qui ne faisaient « que ». Que leur petite part de ce sale boulot, qu’exécuter des ordres, que se soumettre sans se poser de questions, que d’être des bourreaux à la conscience tranquille puisqu’ils remplissaient la mission qui leur était assignée par plus puissants et donc nécessairement infaillibles dans leurs décisions.
Claude Lanzmann, par la parole et l’image, a permis au grand public de savoir.
Même si son œuvre ne se résume pas, tant s’en faut, à ce monument qu’est Shoah, elle culmine indiscutablement dans cet ouvrage dont le titre même est devenu celui donné à l’entreprise maudite qui a coûté la vie à six millions de Juifs – et nous n’oublions ni les Tziganes ni les handicapés ni les homosexuels, qui furent également victimes de la même volonté d’éradication de leur présence de la surface de la terre.
« Shoah », le mot est ainsi devenu le nom du Mémorial dédié aux victimes de l’indicible, au cœur du Marais parisien qui vit la disparition des Juifs y vivant humblement, étrangers ou d’origine étrangère pour la plupart, comme dans d’autres quartiers de la capitale, et comme ailleurs sur le territoire de ce qui était devenu l’État français ou la zone d’occupation allemande – bénéficiant de l’appui actif des services français qui y demeuraient et s’étaient mis au service des nazis.
Et, à l’instant où était annoncée la mort de l’auteur de Shoah, un autre homme voyait le Mémorial de la Shoah lui donner le coup de grâce.
Georges Bensoussan a consacré 25 ans de sa vie à travailler, au sein de cette institution, sur l’histoire de la Shoah dont il est devenu l’un des spécialistes mondialement reconnus. Et, en ce 5 juillet 2018, à 8 heures du matin, il lui fut permis de pénétrer pour quelques heures dans son bureau pour y récupérer ses archives, ses dossiers, ses livres. La serrure en avait déjà été changée. Georges Bensoussan n’était plus qu’un paria, un indésirable, pressé de remplir des cartons de ce qu’il voulait emporter et de jeter le reste.
L’accès à son bureau lui avait été interdit au soir du 29 juin par le Directeur du Mémorial, soutenu par certains membres du conseil d’administration. A l’évidence, tous n’étaient pas d’accord puisque – maigre consolation, mais victoire tout de même – Georges Bensoussan a pu brièvement y revenir : quelques heures pour récupérer ses effet personnels.
La raison l’a donc emporté sur la vindicte de certains. C’est heureux, malgré tout.
Mais il reste à continuer ce travail de réflexion et à s’interroger sur l’injustice inadmissible, incompréhensible, indéfendable faite à l’historien et à l’homme.
Georges Bensoussan avait parfaitement le droit de travailler sur les causes et les conséquences des idéologies mortifères non seulement anciennes mais présentes. Non seulement sur celles qui ont présidé aux génocides des Juifs, des Arméniens, des Tutsis. Mais aussi sur une idéologie tout aussi mortifère, comme en témoigne l’éradication des Yézidis et des Chrétiens d’Orient là où les Islamistes ont réussi à s’emparer du pouvoir. Taire un péril ne l’a jamais fait disparaître. Et le péril islamiste qui menace la civilisation occidentale est une réalité. Les attentats le prouvent, tout comme les discours tenus et répétés par un islam intégriste qui menace également les musulmans qui ne partagent pas cette vision.
Georges Bensoussan a mené ses travaux, tant sur la condition des Juifs en terres arabo-musulmanes que sur la situation anti-républicaine et donc anti-juive (mais aussi sexiste et homophobe) dans des zones de plus en plus étendues de notre pays, non pas au sein du Mémorial et / ou au nom du Mémorial, mais en sa qualité d’historien, et de citoyen français bénéficiant de sa liberté de parole dans des débats intellectuels.
En voulant néanmoins le faire taire au moyen de procédés relevant du harcèlement, certains dirigeants du Mémorial de la Shoah, à l’instar de la LICRA lors du procès en première instance de Georges Bensoussan, ont prêté main-forte au CCIF et à tous les tenants de la censure à l’encontre de ceux qui osent réfléchir, écrire et parler. Ils en répondront devant l’Histoire. Mais ils doivent déjà, hic et nunc, être amenés à assumer les conséquences de leur pleutrerie, de leur soumission. Il en va de l’honneur de l’institution, il en va du respect dû à ceux qui ont disparu dans la nuit et le brouillard parce qu’aucune voix ne s’était élevée pour reprendre en écho les cris d’alerte qui avaient été poussés par certains que l’on ne voulut pas entendre et que l’on fit taire, déjà.
La coïncidence entre le décès de Claude Lanzmann et la disparition de toute présence de Georges Bensoussan au sein du Mémorial de la Shoah est ainsi glaçante.
Comme le disait Albert Einstein, « le hasard n’existe pas. C’est Dieu qui se promène incognito ». A ceux qui se prétendent dirigeants de la communauté juive de réfléchir ce jour à ces propos et d’en tirer les conséquences.
Danielle Khayat*
mabatim.info
* Magistrat en retraite
Quant des gens agissent mal c’est leurs libre arbitre qui s’exprime et non pas D-ieu
Le film documentaire de Lanzmann est un très grand film, mais son titre, passé dans le langage commun pour désigner le génocide des juifs en Europe est très mal choisi comme celui d’holocauste chez les anglo-saxons. L’un a un rapport avec le divin (une offrande) et l’autre avec un phénomène naturel qui est très commun (une violente tempête) sans pour autant désigner une « catastrophe » exceptionnelle.
Pourtant le néologisme génocide dit parfaitement ce qu’il s’est passé: la volonté, mise en œuvre, d’une extermination totale d’êtres humains par d’autres êtres humains. Dieu ni la nature n’ont rien à voir là-dedans.
Voir l’article de Henri Meschonnic : https://www.lemonde.fr/idees/article/2005/02/19/pour-en-finir-avec-le-mot-shoah-par-henri-meschonnic_398817_3232.html
« Le scandale est d’abord d’employer un mot qui désigne un phénomène de la nature pour dire une barbarie tout humaine. »