Donald Trump, un président qui se renforce

Quand Donald Trump a été élu président des États-Unis en novembre 2016, beaucoup d’observateurs, surpris de cette victoire improbable, affirmèrent que ce succès serait sans lendemain et que l’écrasante majorité de l’opinion publique américaine se détournerait rapidement de l’ancienne vedette de téléréalité.

Dix-huit mois plus tard, le paysage politique américain s’est radicalement modifié. Le président est certes toujours désapprouvé par la majorité de la population mais il a conservé et même conforté sa base républicaine ce qui rend très aléatoire tout pronostic pour le scrutin présidentiel de 2020.

Les débuts difficiles d’une présidence impopulaire

Le scrutin de novembre 2016 fut  décevant pour le candidat républicain. Il emporta certes la majorité des sièges de délégués qui sont appelés à désigner le président mais il fut minoritaire en voix avec 3 millions de suffrages de moins que son adversaire Hillary Clinton ce qui lui permit de clamer que le scrutin était truqué et qu’il aurait dû être majoritaire en voix. Signe des évolutions à venir, ces affirmations accueillies alors avec dédain par les élites des deux partis furent approuvées par une part appréciable de son électorat en dépit de leur invraisemblance manifeste.

Les instituts de sondage soulignèrent aussi que le nouvel élu battait tous les records d’impopularité par comparaison avec ses prédécesseurs. En janvier 2017, au moment de son entrée en fonction, seuls 40% des sondés avaient une opinion favorable de lui contre 54% d’opinions  défavorables.

Depuis, une série d’événements ont accentué le caractère erratique d’une présidence qui a profondément déconcerté la classe politique et a été vivement critiquée par les médias de la côte Est. On a ainsi assisté à des remaniements incessants de l’état-major de la Maison-Blanche pendant que le procureur spécial Mueller menait une très longue enquête sur le rôle de la Russie dans la campagne électorale de 2016 et d’éventuelles complicités entre l’équipe de Trump et des agents d’influence russe. Plusieurs anciens collaborateurs du président et son propre avocat sont actuellement l’objet de poursuites. Certains d’entre eux ont accepté de collaborer avec la Justice et de lui fournir de précieuses informations pour éviter une condamnation à de longues années de prison. Les conclusions de Mueller sont donc attendues avec impatience par les uns et inquiétude par la Maison-Blanche.

Par ailleurs, le bilan législatif du président et du Congrès républicain est maigre. La réforme du système de santé imposée par Obama n’a pas été annulée, contrairement aux engagements de Trump. La grande réforme de la fiscalité votée avec enthousiasme par les Républicains n’est approuvée que par une minorité des électeurs tant il est évident qu’elle favorise surtout les grandes entreprises et le 1% des plus riches de la population.

Dans ces conditions on pourrait s’attendre à un effondrement de la cote du président en attendant les midterm élections de novembre 2018 qui renouvelleront un tiers du Sénat et la totalité du Congrès.

Une remontée dans les sondages et un électorat fidèle

En fait, il n’en est rien. L’ensemble des enquêtes enregistrées en avril et mai 2018 montre que Donald Trump remonte dans les sondages. 42% des électeurs dont 90% des Républicains le soutiennent. Les opinions hostiles sont en légère baisse, à 52%. L’écart entre les deux est le plus faible depuis janvier 2017.

Comment expliquer cette évolution positive qu’on perçoit mal en Europe tant l’image du président est mauvaise sur notre continent ?

Il faut d’abord tenir compte de la conjoncture économique qui est, pour le moment, très favorable au pouvoir. Le taux de chômage est extrêmement bas et les États-Unis entrent dans leur huitième année d’expansion. Ces bons résultats sont, dans une large mesure, le fruit de la politique d’Obama mais la présidence de  Trump  en bénéficie largement.

Toutefois, le succès relatif du milliardaire new-yorkais  est surtout le résultat d’une mobilisation permanente et efficace de son électorat. Trump doit son élection à la conjonction de deux grandes familles d’électeurs, les blancs peu diplômés du Middle West, qui s’inquiètent de leur avenir, et les communautés blanches évangélistes du Sud. Or, le président n’a cessé d’accomplir des gestes en leur faveur. Sa politique agressivement protectionniste et son rejet des migrants rassurent les salariés modestes qui craignent de perdre leur emploi. Sa reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël et son hostilité au droit à l’avortement sont plébiscités par les évangélistes. Il n’est donc pas étonnant que ses électeurs de novembre 2016 continuent à l’approuver massivement.

Au surplus, Trump se révèle comme un remarquable manipulateur des médias et des réseaux sociaux. Il bénéficie du soutien inconditionnel de la chaîne d’information Fox News, très populaire dans l’Amérique profonde. Par railleurs il a choisi de communiquer en permanence avec ses fidèles grâce à son compte Twitter qui a 50 millions d’abonnés. De ce fait, il court-circuite en permanence les médias traditionnels qui lui sont souvent hostiles. Il fait même mieux, il discrédite ces mêmes médias en les accusant de diffuser des fake news à son sujet.

Or les études d’opinion montrent que ces attaques incessantes produisent un effet. La crédibilité des médias est en baisse et les opinions favorables sur la gestion du président en ce qui concerne l’économie et les relations internationales sont en hausse. Quant au parti républicain, ses militants ont surmonté leurs réticences et le soutiennent désormais de manière inconditionnelle.

Une cohabitation forcée avant des présidentielles incertaines

Face à ce nouveau défi, les Démocrates s’efforcent de jouer la carte des élections de novembre 2018. Compte tenu de la mobilisation massive de leurs  électeurs et notamment des minorités noires et hispaniques, une victoire au Congrès paraît probable. Beaucoup de sortants républicains en ont tiré les conséquences, 48 d’entre eux dont leur leader Paul Ryan ont décidé de ne pas se représenter par crainte d’être battus.

Cependant le vrai enjeu sera la présidentielle de 2020. Or Trump est loin d’avoir perdu ses chances de réélection. D’une part, comme l’a observé récemment Maureen Dowd, l’éditorialiste du New York Times, une cohabitation du président avec une majorité démocrate ne lui nuira pas forcément. Il n’aura pas de mal à convaincre à coup de tweets son fidèle électorat qu’il est injustement persécuté par l’establishment corrompu de Washington. D’autre part, les Démocrates peinent à se trouver une tête d’affiche capable d’affronter un sortant populiste qui aura tenté avec obstination de réaliser ses promesses électorales.

Ce que craignent beaucoup d’observateurs américains c’est que la présidence Trump, surtout si elle est renouvelée pour quatre ans, n’entraîne des mutations irréversibles dans le fonctionnement d’une démocratie malade. Dans un livre paru en début d’année et qui a été très commenté, How Democracies Die, deux universitaires américains, Steven Levitsky et Daniel Ziblatt  soulignent l’ampleur du courant populiste animé par Donald Trump et montrent que ce courant risque de se perpétuer en alimentant une hostilité croissante aux médias et aux corps intermédiaires y compris les plus respectés comme le FBI ou les tribunaux. Par bien des côtés, Trump ressemble aux démagogues d’Amérique du Sud comme Peron ou Chavez qui étaient en prise directe avec le peuple et  ont réussi à se maintenir longtemps au pouvoir.

Antoine de Tarlé

Source telos

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1 Comment

  1. Vous dites : « les communautés blanches EVANGELISTES du Sud » et « … son hostilité au droit à l’avortement sont plébiscités par les EVANGELISTES » :

    Or il faut bien faire la distinction entre l’adjectif « évangéliQUE », c’est-à-dire le fait d’être en relation avec l’Evangile, et le nom commun « évangéliSTE » qui correspond à un ministère, une fonction en relation avec la prédication. En effet, les membres des communautés évangéliQUES (adjectif) ne sont pas tous des évangéliSTES (nom commun, prédicateurs de l’Evangile)… En fait dans la première phrase vous employez pour adjectif le nom commun. Et dans la deuxième phrase, c’est comme si les évangélistes (prédicateurs) seuls étaient concernés par l’hostilité à l’avortement alors que l’avortement, qui est un MEURTRE, concerne la position de toutes les personnes « évangéliques », donc pas que les prédicateurs, mais tous ceux qui sont en lien avec l’enseignement divin biblique…

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