Hey Michèle Tu t’en souviens, Toi, comment ça nous est tombé grave lourd sur la tête. Qu’à force d’entendre nos copines encore plus féministes que nous hurler à la trahison, escortées de nos amis les Hommes : Tous ils répétaient : zavez rien à faire dans un poulailler. Nothing. Nada. Kloum. שום דבר
Nous, On s’est dit : De toutes façons ils ne viennent pas nous visiter, dans L’Poulailler. Toi t’as suggéré : Et si on se barrait ? On irait à FeujCity T’as dit
Et alors que le poète s’en était parti pour les îles nacrées de L’Archipel des Tuamotu, nous, nous décidâmes d’aller à CouscousBoulettesCarpeFarcieFeufcity. Ce s’rait notre nouvelle adresse.
J’étais même allée voir avant. Y avait un Feujcity Soirées sur les réseaux sociaux. Y avait même une société multimedia qui s’appelait Feujcity
What ? FeujWord ? Y avait un réseau social aussi ? Qui organise des voyages casher et des rencontres !
C’était une good destination alors. Y aurait du beau linge, comme dirait l’élégante Xavière. Nous ce serait donc CouscousBoulettesCarpeFarcieàFeufcity
Allez. On s’est pris tooooute une page. On s’ferait un mur.
Ce serait plus près des boutiques. Plus près de Zara. Parce que moi, j’l’avais lue ta chronique tragique sur les vêtements que toute seule on peut pas les fermer. Hey Michèle… Y a certains bijoux… Mon collier en perles Eh ben je ne peux le porter que si mon amoureux est là pour le fermer
Non j’en ai pas. D’amoureux. He’s gone.
Bon Vendredi Chabbat Chabes
C’est hier au cours d’un raid chez Zara que je me suis rendue compte que je n’avais pas de mari et que ça pouvait avoir de bien fâcheuses conséquences.
Est-ce vraiment le lieu d’une profonde introspection sentimentale?
Je vais vous répondre deux choses :
Cette pulsion réflexive peut vous surprendre n’importe où , puisqu’elle est par essence non maîtrisée et bienheureuse que ce soit chez Zara et pas au milieu de la chaussée un jour d’averse…
Cette réflexion était moins déplacée qu’elle en avait l’air, puisque motivée par un éclair d’incandescente lucidité dont je ne vais pas vous cacher la teneur plus longtemps.
J’errais dans les allées encombrées de clientes sous acide, cherchant paresseusement un T shirt blanc, qui ne soit ni long ni court ni large ni moulant, ni mat ni brillant, ni écru ni coquille d’œuf, ni trop blanc non plus, enfin vous voyez, quoi, un T shirt blanc chic , discret, élégant, qui mette en valeur ma carnation de polak mâtinée des restes d’un viol mongol perpétré sur une aïeule un funeste jour de pogrom tatare..
Un T shirt blanc, c’est tout!!
Hey Michèle Mais t’as quel âge ! Un T shirt blanc. Pile poil comme on aime. Tu croyais vraiment le trouver comme ça, Toi ? Ben non. Le T shirt blanc, La Chemise blanche : tu partais en expédition et tu l’savais pas.
Or, en arpentant les allées, je m’avisai que de nombreux arachnéens petits tops blancs se fermaient dans le dos. Par un ou deux microscopiques boutons perle qu’on lie à une délicate boucle de fil.
Ben voilà ! L’histoire de mon collier.
Même si on n’est pas victime d’une arthrose galopante, qui peut se vanter d’avoir suivi un stage de contorsionnisme propre à vous permettre de vous attacher seule sur la nuque un de ces microscopiques boutons?
Qui, vous demandé je?
Allons! Pas vous, bien sûr, qui avez déjà du mal à remonter une fermeture éclair sans lunettes…
Ah Mais tu l’sais pas, Toi, le coup de la fermeture éclair ? Tu t’allonges. Tu zipes
Ni vous, ni vous non plus… Personne en fait… Et c’est là que je m’avisai que ces petits tops ne pouvaient s’assortir qu’à un mari patient et délicat aux doigts souples et déliés qui pourraient un matin de signature de contrat par exemple vous aider à fermer ces délicieuses petites attaches qui se coincent dans vos cheveux dès qu’on tente de s’en approcher…
Comment tu dis ? Un mari patient et délicat. Un amoureux, quoi ?
Vu statistiquement le nombre de familles monoparentales qui constituent une part importante du paysage social français, je me suis donc dit que Zara serait bien avisé de proposer un catalogue d’hypothétiques époux à celles qui comme moi avaient eu la regrettable idée de briser les liens sacrés sans réfléchir aux tragiques conséquences d’un divorce sur les mini boutons perle d’un exquis top en lin fermé derrière …
Ah Ah Ah Ah Ben pourquoi un catalogue ! On a déjà Facebook !
Que cette journée permette aux célibataires de rester élégantes sans service après-vente conjugal et à tous de se gaver des joies de l’amour et de l’amitié…
Ben oui ! Tu venais de soulever là un vrai problème. L’histoire sans solution de mon collier de perles.
What ? Tu m’dis à quoi ça sert un mari sinon.
Oh Ma belle C’était un jour sans, ça ? Toi si légère Si rieuse.
J’en étais certaine : les propositions ne manquèrent pas d’affluer. Certaines pleines d’esprit. D’autres… Non, rien
Nos amies Les Filles comprenaient bien pour certaines le souci et pendant que Diane considérait que le boutonnage des perles Zara était un dommage collatéral essentiel dans notre situation de séduisante célibataire, Isabelle osa élever le débat et se risqua, non sans humour, à demander s’il fallait être ascétique ou débauchée.
Pendant ce temps, le petit top blanc faisait monter la température chez nos amis masculins et tous se proposaient.
Mais tous convinrent que nous pouvions être top sans … top, que de toutes façons Zara c’était pas top, et que Toi, Michèle ma belle, t’étais rien qu’une adorable mais compliquée Polak
L’humour était bien sûr au rendez-vous et Nadine ajouta : Annetisémit aurait dit mon père avec son acson. Mais elle revint à la dure réalité et au constat qui était que Pas de mari pas de fermeture dans le dos
Ah !! c’est à ça que sert un mari ?? Je comprends pourquoi je n’en ai jamais eu besoin : je n’aime pas les fermetures dans le dos dit celle-là.
Comme il y a des escort boys, on pourrait créer un job: button boys salaire proportionnel au nombre de petites perles…, risqua cette autre.
On convoqua Sören. Oui ! Kierkegaard. Et son Journal d´un séducteur
Et puis, ça partit dans tous les sens : Un amant. A défaut d’un mari. Ou alors un T-shirt à encolure ronde. En V. Bateau si tu y tiens. Mais sans boutons
Une amie se voulut rassurante : Quand j’avais un mari celui-ci était absolument incapable de boutonner quoi que ce soit… Le jour du mariage de notre fille j’avais une très jolie robe corsetée à la Scarlett O’Hara qu’il fallait fermer par une longue lanière en passant celle-ci par des petits « trous » formant une espèce de tresse qu’il fallait ensuite serrer… Après 20 minutes d’essais infructueux, alors que nous avions répété, il a abandonné et moi et la partie! Bref je pense que les maris ne sont pas faits pour cela…
Une autre suggéra que Zara qui forcément aurait eu vent du sujet ouvrît une plate-forme de services avec Meetic : Jeune femme, trentenaire, cherche époux (après confirmation suite à période d’essai) aux doigts fins pouvant boutonner fermetures dorsales T Shirts. Joindre photos des mains.
Après Kierkegaard, Juliette fut convoquée avec son Délicieux Langoureux Déshabillez-moi Déshabillez-moi Oui Mais pas tout de sui-te Pas trop vi-te
Mais Chantal-Isabelle continua : Pour avoir usé trois maris, je peux te confier qu’aucun n’a été fichu de me servir de femme de chambre. Les amants oui. A méditer.
Elle qui en avait usé 3 fut sommée de s’expliquer quelque peu. Tous décédés jeunes. Infarctus. Les 3 avaient manqué de savoir-vivre Elle portait la poisse quoi ! ! Ils ne tenaient pas le coup avec elle. Peut-être les choisissait-elle de mauvaise qualité.
Ce qui ne lui avait point ôté, outre l’extrême générosité dont je la savais dotée, un esprit certain : elle nous conseilla des amants, mais comme s’il s’agissait du choix d’un rouge-gorge, ajouta : Surtout s’ils sont déjà mariés, ça aide. ET jamais le mari d’une copine.
Ainsi, tout cela tendait à prouver qu’il nous fallait – a minima bien sûr- un mari et un amant – qui lui-même évidemment pouvait être aussi un mari ailleurs
Ça devenait usant cette affaire. Un mari ou un amant.
Un mari donc.
Et ça servait à quoi, le concept?
Vaisselle
Aspi
Poubelle
Conseiller artistique
Conseiller financier
Conseiller fiscal
Ôteur d’emballages en cellophane autour des rouge à lèvres
Traducteur de modes d’emploi indéchiffrables
Déchiffreur des notices toutes marques confondues
Metteur en service de tout nouvel ustensile
Quand on en avait point, on appréhendait la mort de son smart phone plus que nos copines qui en avaient un
Tout ça pour ça
Alors ? Tout ça pour ça ? On déménageait pas jusqu’à CouscousBoulettesCarpeFarcieàFeufcity pour qu’on nous marie? Parce que en vrai, des amoureux, on en avait ? Que ça s’pourrait on avait tous pris un mauvais pli. Qu’on était tous devenus hyper exigeants
A vouloir Le beurre L’argent du beurre La crème
Et la crémière aussi rajoutaient nos mères désespérées
Nos mères à Tous. Leurs mères à Eux.
Un ashké ou un séph
Et d’ailleurs que nous fallait-il donc ? Un ashké ou un séph ? Un Juif c’était sûr : ne m’étais-je pas surprise récemment à conseiller la dame roumaine qui faisait le ménage chez ma mère : Prenez un Juif Ce sont de super maris
La drôlesse avait éclaté de rire. L’air de dire Ouai Ouai Et pour quoi T’en prends pas, Toi, alors, s’ils sont si bien
Ben La réponse Je l’avais pas. Les maris de mes copines ils me faisaient pas rêver. Moi aussi Mon grand amour il était mort. Plus là pour fermer le collier en perles juste avant d’aller à l’opéra. Le défaire juste avant d’embarquer sur Orphée. Et même que depuis j’faisais plus rien que comparer
Et mon collier de perles
Eh bien voilà. Tout ça pour ça : je vais reporter mon collier de perles Mon voisin Stéphane, j’suis sûre qu’il voudra me le fermer. Ou mon fils. Ou mon ami gay.
Je l’porterai
Avec un jean
Une chemise de mec
Des talons de pétasse
Pour casser le truc hein les filles
Et puis je danserai sur la bonne musique de Joe Enchain my heart Baby let me be
Enchain my heart ‘cause you don’t care about me
Sinon, Michèle, à CouscousBoulettesCarpeFarcieàFeufcity, On est à deux pas de la Rue Bonaparte. Allons ensemble chez Majestic filatures
Sarah Cattan et Michele Chabelski
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