En direct du front : J’habite Un Territoire perdu, par Sarah Cattan

Les Territoires Perdus, j’y habite. Mieux : j’y vis. J’y ai enseigné. J’y ai élevé mes enfants. J’y ai donné des années de cours de Français aux enfants de ces Territoires déjà alors abandonnés d’un Etat défaillant. Incapable et lâche.

Dans les Territoires perdus, me restent quelques amis. J’y reçois aussi ceux qui, nombreux, en parlent. En parlent sans y avoir habité.

Mes amis traversent alors le périphérique. Prennent le risque de garer leur Harley ou leur Aston Martin.

Une fois abrités dans mon joli appartement, inévitablement nous discutons de ce que d’aucuns nomment inconscience, d’autres témérité : bref, ils parlent du fait d’habiter là. Et d’écrire ce que j’écris.

Je suis aux premières loges

Ici, comme d’autres qui se reconnaîtront, je suis aux premières loges. J’ai donné le meilleur, emmenant mes élèves à l’Opéra, à la Comédie Française, leur enseignant avec succès les Classiques. Faisant montre d’exigence. De sévérité. De tolérance zéro envers le manque de respect. De bienveillance. D’enthousiasme. Sinon C’est pas la peine : barre-toi et va enseigner ailleurs.

Les territoires déjà perdus, je pouvais les quitter. Les abandonner.
J’ai choisi d’y rester.

Des supermarchés de pauvres, une population prise en otage

Dans les Territoires perdus, il y a à présent ce que j’appelle des supermarchés de pauvres : de grandes enseignes y traitent le client comme une merde. Un cordon oblige la foule à se mettre à la queue leu leu sans choisir sa caisse : une police te drive tout ça.

Idem à la poste.
La banque ne s’ouvre qu’après diverses manips.
Le commissariat : plusieurs flics, kalach à la main, filtrent l’accès. Eh oui.

Dans les territoires perdus, une médiathèque exceptionnelle a fleuri. Une salle de concert. Mult pistes cyclables. Quelques îlots paradisiaques où peu s’aventurent : Tu tiens à ta peau.

Très souvent, la population est prise en otage : la gare se ferme. Pour travaux. Tu passeras le week end dans ton ghetto. Et ceux à venir aussi.

Une station d’auto-lib’

Paradoxalement, dans ce territoire perdu, une station auto-lib’ jouxte la mosquée qui elle-même jouxte le terrain de foot.

Je ne les fréquente pas, tous ces lieux. Un narcissisme suffisamment bon[1] me permet d’être témoin et acteur mais pas victime.

Une place de la Nakba

Quand tu restes dans les Territoires perdus, un matin tu vois que le Maire voisin, Dominique Lespare, à Bezons,  dans le Val-d’Oise, a inauguré une nouvelle place et l’a appelée Place de la Nakba. Tiens ? Pourquoi ne l’a-t-il pas dans un geste un seul, appelée Place de l’antisémitisme ? Place de la haine libérée des Juifs ?

C’est que, me diras-tu, Lecteur, Bezons compte quelque 85 % de maghrébins. A quoi je te répondrai que ce maire communiste injurie de facto ces 85%, pensant que tous goberont le truc, comme quoi Ben Gourion était un criminel de guerre. Tout un Conseil municipal s’est rendu coupable de l’imposture. Gaza : ils n’ont trouvé que ça. L’Histoire ? Ils l’ont délibérément oubliée pour n’en retenir que ce qui pouvait, croient-ils, apaiser leurs rues.

Le Parisien te rassure : il s’agit d’une allée. Baptisée temporairement du nom de la Nakba. De par l’idée du Président de l’association West-Bani-Zaïd, du nom de la ville de Cisjordanie jumelée avec Bezons.

Un vrai baptême sera proposé au vote.

Mes amis musulmans, ma boussole

OMG. L’info m’est venue ce matin de mon ami Saïd.

Parallèlement, Toi, Maryam, tu me disais que Hambourg et New York déclaraient fériés les jours des Aïds musulmans. Tu m’écrivais que tu voulais bien… A condition qu’au Niqab accepté en Europe, la mini-jupe devienne légale à Téhéran et qu’à Rabat, tu ne risques plus ta peau, courtement vêtue. Si Nietzsche, poursuivais-tu, était au programme philo de Rabat. Si ta femme de ménage était lettrée. Si ta voisine n’en était pas à son énième hymen renouvelé.

Bref si cet islam qui exigeait le respect en terre judéo chrétienne était d’abord respectable en terre d’islam.

Tu concluais en disant que pendant les fêtes, tu avais pris la poudre d’escampette : Me voici en terre libre.

Yassine Belattar et pas Malek Boutih

Moi je restais obsédée par ce sinistre spectacle qui se déroulait sous nos yeux : oui je me répète et me répèterai encore : comment cela ne vous fait-il pas hurler quand notre PR promeut un Yassine Belattar et laisse en plan un Malek Boutih. Ne l’entends-tu pas, Lecteur, le bruit sourd de la guerre civile qui se dessine dans le pays. Sous les yeux effarés des quelques humanistes rendus inaudibles, étouffés par les cris furieux des indigénistes et ceux, bientôt satisfaits, des racistes.

[1] L’expression est empruntée au psychanalyste Donald W. Winnicott.

Sarah Cattan

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2 Comments

  1. Ma chère Sarah, je respecte toujours vos articles mais moi, je suis parti car résident dans une « cité » depuis 1976 j’ai assez vite compris le dialogue impossible, la non rencontre, la haine contre la France, l’antisémitisme véhiculé par des rumeurs et des imams autoproclamés, j’ai donné le meilleur de moi-même pour les réfugiés, les jeunes en déshérence, les élèves et étudiants, aujourd’hui je respecte mes racines et mes ancêtres, je ne souscris à aucune tolérance à ceux qui veulent nous détruire…par exemple, vous et moi, je combattrai comme un lion et j’admire votre combat de « LIONNE »
    Bien à vous

  2. Vos articles sont remarquables d’intelligence et de lucidité;en outre vous écrivez « bien »
    mais;malheureusement ;une infime minorité de gens vous entend,vous comprend,
    Votre pessimisme fort combatif ,qui est le mien aussi ‘les perspectives sombres sont devant nos yeux et presque personne en prend la mesure !
    Les élites s’en foutent totalement ;or nous allons vers de très sombres périodes
    Quant à l’antisionisme et à l’antisémitisme c’est là le symptôme majeur du malaise dans la civilisation.

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