Tribune Juive

J’ai dit qu’Israël devrait avoir honte, maintenant c’est moi qui ai honte

Mardi, Daniel Sugarman a écrit un article sur les affrontements à la frontière de Gaza. Aujourd’hui, il reconnaît qu’il avait tort.

Ce n’est jamais facile de dire que qu’on est désolé.
D’admettre qu’on a tort. D’annoncer publiquement, « j’ai fait une erreur ».

Mais s’excuser quand ces excuses sont liées à ce qui est, peut-être, le conflit le plus difficile à résoudre sur terre, est encore mille fois plus difficile.

Mais c’est ce que je suis. DESOLE.

Il y a quelques jours, j’ai écrit une chronique sur la dernière vague de violence à la frontière avec Gaza.

C’était un cri du cœur. J’aime Israël. Je l’ai toujours aimé et je ne peux pas imaginer un moment où je ne l’aimerai plus. Mais dans mon bureau, je suis assis près d’un téléviseur. Et lundi, j’ai vu ceci.

A gauche, à Jérusalem, j’ai vu des visages heureux. Visages satisfaits et suffisants. J’ai vu le Premier Ministre d’Israël parler de l’ouverture de l’ambassade des Etats-Unis à Jérusalem, un grand pas vers la paix.

Et à droite, simultanément, à Gaza, j’ai vu du gaz lacrymogène, de la fumée et des balles.

Et c’est dans ce contexte que j’ai écrit mon article, qui était extrêmement personnel. Je l’ai écrit dans l’angoisse. Je l’ai écrit en précisant que je méprisais le Hamas et tout ce qu’il représentait. Mais j’ai quand même écrit ce qui suit:

« Chaque balle qu’Israël tire, chaque vie qu’Israël prend, aggrave la situation. Il existe des moyens de disperser les foules sans utiliser les tirs réels. Mais Tsahal a fait le choix de tirer en rafale et de tuer des dizaines de personnes. Vous ne pouvez pas me dire qu’Israël, une terre de miracles technologiques qui doivent être vus pour être vraiment crus, est incapable de trouver une façon de neutraliser les manifestants sans abattre des douzaines d’entre eux. Mais non. Devant le monde entier, Israël continue de tirer et des manifestants, y compris de très jeunes manifestants, continuent de mourir. Vous pouvez me dire que le Hamas veut ces morts, veut créer des martyrs, veut remplir le cœur des Gazaouis de rage contre Israël parce que l’alternative est que les gens regardent leur vie à Gaza et se révoltent contre le Hamas. Mais si vous me le dites, pourquoi ne vous demandez-vous pas pourquoi Israël donne si volontiers au Hamas exactement ce qu’il souhaite? »

J’ai reçu beaucoup d’éloges pour mon article, des gens que j’admire beaucoup, mais aussi de nombreuses sources inattendues, y compris de la part de la communauté juive.

J’ai également reçu beaucoup de critiques. On m’a traité de traître, et de la pire de toutes les insultes qu’un juif puisse donner ou recevoir, de « Kapo ».

Les gens ont également répondu. On m’a dit que, en tant que juif ne vivant pas actuellement en Israël, mon plus grand souci était de savoir si Starbucks aurait du lait d’amande-soja pour mon café au lait.

Mais la critique qui m’a le plus touché provenait de personnes qui ont souligné qu’il était absurde de traiter des hypothèses. J’avais dit qu’il devait sûrement y avoir un moyen d’arrêter les manifestants sans leur tirer dessus à balles réelles – qu’Israël, avec ses incroyables capacités technologiques, devait être capable de le faire. C’était un cri d’angoisse, mais ce n’était pas un argument. Si une telle technologie n’existe pas actuellement, il était absurde de ma part de blâmer Tsahal de ne pas l’avoir utilisée par un tour de magie. La technologie traditionnelle d’arrêt de foule n’aurait pas fonctionné efficacement. Les balles en caoutchouc sont efficaces à courte portée. Idem pour les canons à eau. Et avec des dizaines de milliers de personnes se précipitant à la frontière, il aurait été impossible de se défendre efficacement. La frontière aurait été brisée. Et puis, sans aucun doute, beaucoup de gens en Israël seraient morts. C’était, après tout, le but déclaré du Hamas.

Mais ce qui m’a encore plus bouleversé, c’était hier, lorsqu’un agent du Hamas est passé à la télévision et a affirmé que, sur les 62 personnes tuées ces deux derniers jours, cinquante étaient des membres du Hamas. Le Djihad islamique en a revendiqué trois de plus, ce qui signifie que plus de 80% des personnes qui ont été tuées alors qu’elles tentaient de franchir la frontière appartenaient à des organisations terroristes dont le but direct est d’apporter la mort et la souffrance en Israël.

Et j’ai ouvert mes yeux et j’ai vu ce que j’avais fait.

J’étais tombé dans le piège dans lequel j’avais toujours cru ne jamais tomber. J’avais condamné Israël pour sa défense.

Il y a des choses que l’on peut écrire sur la façon dont Israël aurait pu agir différemment face à ces tentatives d’intrusion. Mais ce n’était pas le sujet de mon article original. J’ai écrit que, en tuant les Palestiniens qui couraient vers Israël, Tsahal donnait au Hamas exactement ce qu’il voulait – des martyrs pour la cause.

Je n’ai pas compris que, d’une manière ou d’une autre, Israël donnerait au Hamas ce qu’il voulait. Si vous tirez sur ceux qui vous attaquent, le Hamas aura ses martyrs. Si vous ne tirez pas, le Hamas franchira la barrière et apportera la souffrance et la mort – son but déclaré – aux Israéliens vivant à quelques centaines de mètres seulement de cette barrière. La marche a pu être à l’origine, comme cela a été déclaré, la volonté de Palestiniens de retrouver des maisons qu’ils ont dû quitter 70 ans auparavant. Mais le but du Hamas était beaucoup plus simple – « Nous allons abattre la frontière et nous arracherons leurs coeurs de leurs corps. »

J’ai écrit dans mon précédent article qu’Israël était une puissance régionale et qu’elle était assez forte pour être critiquée par les Juifs de la diaspora.

Je crois toujours que c’est vrai. Je ne crois tout simplement pas que ma critique était valide. Étant donné les circonstances et la situation sur le terrain, je n’arrive pas à trouver une meilleure solution. Le choix était, littéralement, de tirer sur des gens qui vous attaquaient dans le but déclaré de vous tuer, vous et vos familles, ou de ne pas tirer et de les laisser faire.

Il y a quelques jours, j’ai dit que je ne pouvais pas défendre les actions d’Israël, et ne le ferais pas. Maintenant, dans la lumière froide du jour, je ne pourrais pas ne pas défendre Israël, et je le ferai.

J’ai dit qu’Israël devrait avoir honte de ses actions. Mais aujourd’hui, c’est moi qui ai honte.

Traduit et adapté d’un article de Daniel Sugarman

Line Tubiana

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