Dans une déclaration historique, Bahreïn soutient le droit d’Israël à se défendre

Si plusieurs monarchies du Golfe partagent en coulisses une affinité discrète avec Israël, Bahreïn est la première à prendre officiellement le parti de l’État hébreu contre l’Iran.

Bahreïn a brisé un tabou. Quelques heures après les frappes israéliennes contre des positions iraniennes en Syrie, qui auraient abouti à la destruction de 70 cibles militaires iraniennes, le petit royaume du Golfe a légitimé l’action de l’État hébreu en soulignant le « droit d’Israël de se défendre ».

Dans un tweet qui fera date dans l’histoire des relations israélo-arabes, le ministre bahreïni des Affaires étrangères, cheikh Khaled ben Ahmad al-Khalifa, a déclaré que « l’Iran a violé le statu quo dans la région et envahi des pays avec ses forces et ses missiles, et n’importe quel État, y compris Israël, a le droit de se défendre en détruisant les sources de danger ».

Le message est clair : « Nous avons le même ennemi. » Autrement dit, l’Iran est perçu comme une plus grande menace que l’État hébreu pour Bahreïn, qui n’a probablement pas pu faire une telle sortie sans consulter préalablement l’Arabie saoudite. « La déclaration de cheikh Khaled est une rupture », souligne à L’Orient-Le Jour Michael Horowitz, consultant pour le Moyen-Orient à LeBeck International, basé à Bahreïn. « Il y a un rapprochement entre les États du Golfe et Israël, mais discret et non officiel, même si cette évolution est très discutée dans les médias. Les propos du ministre bahreïni tranchent par rapport aux non-déclarations des autres pays du Golfe », ajoute-t-il.

Bahreïn s’est-il fait le porte-parole de la nouvelle vision stratégique des pays du Golfe ? C’est fort probable, compte tenu de la recomposition des alliances régionales en réponse au gain d’influence de Téhéran dans les pays arabes. Les affinités entre l’État hébreu et les pays du Golfe, qui partagent une même aversion pour la République islamique d’Iran, sont ainsi devenues un secret de polichinelle. Mais pour les pétromonarchies, qui en recueillent des avantages sécuritaires et économiques, le coût politique d’un rapprochement avec Israël peut s’avérer extrêmement élevé, car il pourrait éroder le prestige saoudien dans les opinions publiques arabes, et renforcer le monopole iranien de la « résistance » à Israël. L’initiative bahreïnie peut ainsi s’interpréter comme un ballon d’essai. « L’Arabie saoudite a de bonnes raisons de maintenir cette relation secrète, car elle peut prêter le flanc à la rhétorique iranienne de collaboration avec l’ennemi sioniste. Bahreïn est un petit État et peut se permettre de tester les réactions internationales, même si je doute que cela serve complètement ses intérêts », explique M. Horowitz. Pour Israël, au contraire, cette relation n’a de sens que si elle est publique, car elle revient quelque part à normaliser l’existence de l’État hébreu au Proche-Orient.

La déclaration de Bahreïn ne remet toutefois pas en question la politique des pays du Golfe par rapport au conflit israélo-palestinien. Ceux-ci semblent faire une nette distinction entre leur position par rapport aux tensions irano-israéliennes et leur soutien à la cause palestinienne. Autrement dit, il y a Israël contre l’Iran, et Israël face aux Palestiniens. Dans cette seconde « réalité », les pays du Golfe demeurent officiellement fidèles au plan arabe de paix (mis au point par le roi défunt Abdallah d’Arabie saoudite en 2002), qui implique une reconnaissance d’Israël en contrepartie, seulement, de la création d’un État palestinien sur la base des frontières de 1967. (blablablablabla…….)

Politiquement payant

Bahreïn a également ses propres raisons de prendre aujourd’hui le parti israélien. De manière générale, le minuscule royaume présente une autre facette du rapprochement israélo-arabe. Des précédents moins retentissants ont précédé la déclaration d’hier. Au moment de signer son accord de libre-échange avec les États-Unis en 2004, le pays avait assuré publiquement qu’il ne boycotterait pas les entreprises américaines commerçant avec Israël. « La monarchie a une tradition de proximité avec la petite communauté juive de l’île », confirme M. Horowitz. Manama avait désigné comme ambassadrice de Bahreïn aux États-Unis une figure appartenant à cette quarantaine de nationaux juifs, Huda Azra Ibrahim Nunu.

Un certain instinct de préservation de la dynastie régnante a aussi précipité la concrétisation du rapprochement avec Israël. Avec l’éclosion de l’axe Washington/Tel-Aviv/Riyad contre Téhéran, Bahreïn a choisi de se ranger derrière les lignes qui menacent le moins ses intérêts. Le retrait américain de l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien a satisfait sur toute la ligne simultanément les Israéliens et les Saoudiens. Il est politiquement payant pour Manama de dénoncer l’agressivité de l’Iran pour renforcer sa relation avec Riyad et Washington. L’empathie pour les inquiétudes existentielles de l’État hébreu est un gage supplémentaire donné aux deux puissances tutélaires du « petit poucet » du Golfe.

« Bahreïn ressent la menace iranienne bien plus intensément que les autres États du Golfe. La menace est encore plus existentielle que pour l’Arabie saoudite », décrypte M. Horowitz. Bahreïn est atypique, car il abrite la seule dynastie sunnite à régner sur une population majoritairement chiite de toute la région. Depuis février 2011, cette dynastie fait face à une protestation de basse intensité, mais extrêmement résiliente. Presque chaque jour se tient un nouveau rassemblement, mobilisant des dizaines de personnes tout au plus, surtout dans les localités chiites en dehors de la capitale Manama. Une constante justifie l’emballement répressif de la famille régnante al-Khalifa contre cette rébellion « à feu moyen » : lutter contre les « cellules terroristes » affidées de Téhéran. Les renseignements bahreïnis affirment régulièrement déjouer des opérations séditieuses téléguidées par l’Iran. Bahreïn se range aussi naturellement derrière Donald Trump et ses alliés qui ont justifié le retrait de l’accord nucléaire par la « politique régionale iranienne de soutien au terrorisme ».

Source lorientlejour

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