Leïla, Habibi, Ma sale juive à moi, par Sarah Cattan

Hier je suis allée dîner dehors. Et puis au ciné aussi. J’avais pas enregistré mon doc et j’ai perdu des heures de travail. J’étais troooop dégoûtée L’Iran Israël Le Manifeste trop virulent La Juge que tu sais Le jour du jugement de Georges Bensoussan qui arrive.

En rentrant bien sûr j’ai regardé les news et puis tu sais pour se détendre on fait tous un tour sur les réseaux sociaux 

Elle avait appelé son post Baisser de rideau.

Et elle écrivait : Hier, des enfants de mon quartier, les mêmes qui ont chassé mon fils de son école, ont jeté des manches à balai dans mon jardin sur mes enfants qui jouaient.

Ces enfants ont entre 10 et 15 ans.

Ces mêmes enfants m’ont regardé droit dans les yeux et m’ont dit :  » Même si vous parlez en arabe, on sait que vous êtes des Juifs. »

Ce matin, des croix gammées taguées sur la porte d’entrée de mon pavillon.

Ce matin, une plainte déposée devant un agent insensible et qui ne garantissait même pas une enquête de voisinage.

Ce matin la colère, la rage, le dégoût.

Mais ce soir, le calme, la solitude, le silence assourdissant, l’impuissance et la résignation.

J’avais pour habitude de dire  » Ils ne nous auront pas ». Faux, naïve que je suis, ils nous ont déjà eus.

Je baisse les bras, je dépose les armes, je cesse ce vain combat.

Des centaines, des milliers, des millions de concitoyens français ne vivent que pour détruire l’autre et élèvent leurs enfants pour nous haïr et nous anéantir. La relève est monstrueuse, nos demains seront bien sombres.

Danton a dit : « Il nous faut de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace, et la France sera sauvée. »

Il n’y a plus rien à sauver.

Wa Choukrane. 

Il lui fut répondu qu’elle était en train de faire l’expérience que ce qui s’exportait du bled n’était pas forcément le dessus du panier et qu’elle retrouvait là beaucoup de dérives home made mais exacerbées encore par les frustrations de l’exil. Que lorsqu’on était un peu singulier comme elle et sa petite famille, ils étaient sans pitié.

Elle, elle répliqua que l’objet de leur haine était Tous ceux qui n’étaient pas musulmans : Soyons clairs et appelons donc un chat un chat au point où nous en sommes, pria-t-elle. Elle ajouta qu’à ces gosses on avait rempli le cœur et le cerveau de haine minimum une fois par semaine dans des cours de langue arabe et ou d’islam et qu’ils étaient devenus des monstres.

Charles parla des Hitlerjugend[1]. Tous on pensait au procès que se prenait Georges Bensoussan.

Elle, elle précisa qu’elle n’était pas Juive : Le père de mes enfants oui, et donc ils portent prénoms et noms juifs… Elle ajouta qu’elle refusait d’expliquer ça aux petites frappes car cela équivaudrait à accepter que l’être était une honte.

Il lui fut répondu que dans leur logique aberrante et fanatique elle était pire que les Juifs parce que, née musulmane, elle avait pactisé avec eux. Que pour eux elle avait souillé la Oumma ze3ma

Elle raconta que pour eux, elle était Mme Assouline, la maman des enfants Assouline. Que ce n’étaient nullement les frustrations de l’exil qui exacerbaient cette haine du Juif insoumis : Ces gens ne se considèrent pas en exil mais en terre conquise. Elle ajouta qu’au-dessus de tout, c’était l’assurance de l’impunité et le sentiment de liberté qui leur permettaient de se défouler ainsi.

Beaucoup parlèrent du suicide français là où moi j’en viendrais à parler d’assassinat. De non-assistance à personne en danger.

Churchill fut convoqué mais c’était hors sujet : lui n’avait pas eu à combattre un adversaire interne sur le sol anglais mais un ennemi extérieur. Que là on était face à des citoyens qu’on avait faits français et qui minaient la France de l’intérieur, corrompant les valeurs qui l’avaient, jadis, constituée.

Il lui fut suggéré de rentrer au Maroc. Quoi, répondirent-ils tous ? Pour y être persécutés ? Marginalisés ? Vivre dans cette bulle réduite et la fuir dès que possible ?

Fut rappelé l’ignoble copinage de la France avec les barbus. Fut suggéré d’envoyer ce post aux signataires du Manifeste contre le nouvel antisémitisme. Leur montrer qu’elle était là, l’épuration ethnique à bas bruit. Celle que trop jugèrent démesuré. Certains évoquèrent ces années noires qui se préparaient.

Tant disaient Pars et elle répétait Je suis française mais Marco nota que le comportement du flic était un signe qui ne trompait pas : Dès lors que la police a peur, on a le choix entre faire sa propre police ou fuir.

Il fut dit que Bensoussan était tellement loin de la réalité, tellement loin. Que cette Gauche était criminelle de demeurer dans son déni et d’accuser les français du péché d’amalgame au lieu de dénoncer le mal et le prendre au collet.

Il y en eut bien un pour dire que tout ça c’était exagéré mais il lui fut demandé de descendre de cet arbre sur lequel il vivait perché. Que ça faisait 1400 ans que les musulmans étaient en guerre contre l’Occident et que étrangement lui était passé à côté. Que dans la douce France qu’on tentait encore de nous vendre, y avait des Mohamed Merah qui attendaient nos enfants à la sortie des écoles juives, qui attrapaient nos fillettes par les cheveux et leur tiraient une balle de 45 dans la bouche pour être sûr de ne pas rater le cerveau. Que cette douce France dont les effectifs de police livrèrent en 42 les Juifs aux allemands avait fait l’économie de l’actuel problème par clientélisme électorale. Que aux Halimi et Knop qui s’étaient faites égorger en son sein et aux yeux de tous répondait le silence assourdissant de média et de dirigeants préoccupés à ne surtout pas fâcher l’électorat musulman. Que la dite douce France demandait aujourd’hui à ses Juifs de mourir patriotiquement et en silence pour éviter le désordre social en France ou la guerre civile. De juste mourir. Le temps que ses musulmans soient capables de procéder à une exégèse pour faire évoluer l’islam.

Y en eut bien un qui tenta de dire que le Maroc était moins antisémite mais il lui fut rétorqué que tous ses Juifs s’étaient barrés du Maroc. Que si Le roi sautait ils seraient capables de lyncher les quelques Juifs qui restaient.

A Leila il fut rappelé la phrase de Billy Wilder à propos des Juifs européens dans les années 30. Comme quoi Les optimistes avaient fini à Auschwitz. Les pessimistes à Beverly Hills.

Et il lui fut raconté cette blague …juive :

« Un juif commence à avoir peur des Pogroms qui sévissent partout en Ukraine. Il décide de Partir en Allemagne. Il arrive là-bas et voilà que ça recommençait. Il fuit et arrive à Paris. Il va directement à la Préfecture et demande comment changer de nom. Comment vous appelez-vous Lui demande le préposé? Simon Catman!

Bon pour le prénom ça va être facile, lui dit le préposé On va changer Simon en Pierre, c’est juste une traduction… Pour le nom on devrait faire la même chose… Comment se traduit « cat »?
Ben… Chat, lui dit Simon-Pierre!
Et « man », continue le préposé?
L’homme, répond Simon.
Eh bien c’est simple, lui dit le préposé, désormais vous vous appellerez PIERRE SHALOM.

Leïla. Ton père est musulman et ta mère catho? Ils sont agnostiques? Sale Juive quand même Leïla. Pourquoi? Parce que.

C’est quoi d’abord ces prénoms hébreux que tu donnes à tes gosses. Cheli. Shaï. Yoni. Yaniv. Adam. Et ce nom, là ? Assouline. Après tu t’étonnes.

Quoi ils ont 14 ans. 10 ans. 7 ans. 5 ans. 3 ans. Et alors ?

Leila Welcome. Sache que jamais tu t’habitueras. Que le déni « des autres » te sera autant de coups de poignards. Que pourtant jamais tu ne baisseras la tête. Tu te demandes si c’est pas pire en France que dans ce Maroc que t’as fui? Oui Habibi. Disons que tu avais cru vivre au Pays des Lumières. Mais ça c’était avant mon Trésor.

Leïla. Tu m’as dit ton désarroi de voir que Shaï, ton fils de 10 ans, devenait raciste. Développait de la haine. Tu m’as expliqué combien ça te faisait mal.

Tu m’as redit ton père musulman. Ta mère catho. Les deux agnostiques. Comme Toi. Tu m’as parlé de ta conversion : j’en ai gardé votre culture, je l’ai mélangée aux miennes.

Tu as ajouté : J’ai fui l’islam du Maroc Je trouve pire ici. Les Français sont fous.

Tu m’as raconté que ta propre famille t’avait dit : Ma fille : cela coule dans leur sang.

Tu m’as raconté que tu avais été condamnée au Maroc pour avoir donné naissance hors mariage à ton dernier petit garçon. Tu m’as parlé de cette grande chef d’entreprise qui croupissait là-bas en prison : pour un supposé adultère.

Et tu répétais : Ça c’est l’islam

Tu essayais que je comprenne : Je ne me renie pas. Je suis fière de cette partie de ma culture

Pour te consoler je t’ai parlé de nos extrémistes complètement violents et fous. Tu m’as dit à raison : Tu ne peux pas comparer une religion dont l’exception est l’extrémisme à une autre dont l’extrémisme est l’institution. Que le Maroc soi-disant modéré était une usine à radicaux.

Leïla qui veut juste Travailler Elever ses enfants Boire une verre Aller au cinéma Etre en paix et en sécurité 

A la fin on a tout mélangé Choukrane Toda Boker or

Leïla. T’avais noté comme il est proche le sens de ton prénom en hébreu et en arabe. La nuit. La pénombre.

[1] Les jeunesses hitlériennes.

Sarah Cattan

Voici le témoignage de Leïla, édifiant et à lire

J’ai quitté le Maroc pour sauver mes enfants et me sauver aussi d’une radicalisation ambiante effrayante pour une femme libre et agnostique.

Encore moins facile quand on a 5 enfants qu’on élève et assume seule et dont les 4 premiers ont des origines juives de par leur père dont ils portent fièrement l’héritage culturel par leurs prénoms et leur nom. Partir était la seule option.
Revenir en France à 39 ans après plus de 10 ans d’absence est une chose, trouver un logement en est une autre, malgré toutes les facilités logistiques que j’avais, il a fallu 2 mois pour trouver un toit pour accueillir ma tribu. Inutile de préciser que j’ai tout essayé pour atterrir dans une zone préservée, mais au pays des aveugles le borgne est roi : pas d’autre choix que de m’installer dans une banlieue lointaine de Paris avec une forte concentration de musulmans.
Une jolie maison malgré un quartier à l’ambiance ambiguë, des voilées partout, des hommes barbus au coin des rues, pas de réelle sensation d’insécurité, mais une réalité sociale et culturelle indéniable, ancrée. Le terrain est conquis.
A leur arrivée et au bout de seulement 24 heures, mes enfants ont déclaré « maman pourquoi tout le monde parle en arabe en France » ?
Inscriptions faites pour ceux du primaire, mon aînée et unique fille à été inscrite au collège, passage à la validation pour la cantine : vont-ils manger du porc ? Oui évidemment que oui, je ne vois pas le problème…
Les primaires font donc leur rentrée avec une semaine négligeable de retard, ils sont heureux et moi j’arrive à occulter cette ambiance orientale dans laquelle je baigne, je suis occupée par mes démarches administratives, par mon installation dans ma jolie maison hors du temps…
Lundi 15 janvier, premier jour d’école pour Shaï et Yoni, respectivement dix et sept ans. Ils sont excités, pas un poil d’anxiété. 
Ils rentreront à 16h55 de leur journée, le sourire jusqu’aux oreilles et moi qui leur fait passer un interrogatoire pendant qu’ils prennent leur goûter : Maman c’est bien ! Maman elle est belle notre école ! Maman on a été dans un gymnase !
Je suis heureuse, épreuve scolaire passée avec brio, un soulagement pour moi, l’école de la République est là.
Au bout de quelques minutes Shaï lève la tête et me dit : »par contre maman à la cantine les enfants m’ont demandé pourquoi je mangeais du porc, que ce n’était pas bien. »
Évidemment… A quoi m’attendais-je ?
« Qu’as-tu répondu Shaï ?
Que ce n’était pas leur problème. »
Bon, énervant voir révoltant de voir des petits de maximum 10 ans voir déjà le code alimentaire comme reférence du bien et du mal, mais rien à craindre si ce n’est au pire quelques billes volées et des chamailleries. J’explique à mes enfants qu’effectivement, la religion ne regarde qu’eux et qu’ils n’ont pas à donner d’explication : ils n’ont pas de religion spécifique et nous sommes ici dans un pays libre.
Je suis plus inquiète pour ma fille. Je l’ai inscrite ce même lundi matin au collège, et une des personnes de l’administration du collège à clairement conseillé à Chéli de ne pas donner l’origine étymologique de son prénom, elle m’a regardé droit dans les yeux en m’expliquant qu’il fallait « éviter ces sujets sensibles » et qu’eux même faisaient en sorte de ne pas évoquer cela.
Cette dame blonde, française, a ajouté que quand elle est arrivée il y a plusieurs années ici on lui avait fait sentir « on va t’avoir p’tite blonde » mais qu’elle avait réussi à s’affirmer.
Serions-nous sur un front idéologique et identitaire ? Je debarque en guerre ?
Ma fille a été au collège, mardi, elle plutôt zen, moi, la peur et l’angoisse au ventre. Je pense à cette jeune fille de Sarcelles, tailladée au couteau parceque juive. Je dois chasser ces idées noires. J’exagère non ?
La journée s’est bien passée et même le repas de cantine était bon. Miracle. Je me sens donc apaisée.
Pourtant, ce n’est que tard dans la nuit que j’ai réalisé que des fonctionnaires de l’éducation nationale avaient conseillé de cacher les origines juives de mon enfant pour éviter des débordements.
Ce n’est que tard dans la nuit et après avoir discuté avec un.contact et lu les commentaires à son récit de mon expérience que j’ai mis des mots sur une situation : les administrations sont impuissantes et démissionnent plutôt qu’éduquer.
Ce n’est que tard dans la nuit que j’ai réalisé que notre sécurité avait une faille dans cette banlieue.
Ce n’est que tard que j’ai appréhendé la réalité : pour être en sécurité il faut cacher son identité culturelle si elle est empreinte de judaïsme, et ce dès le banc de l’école.
Je ne ferai pas payer le prix de mes choix et batailles à mes enfants. Je ne les stigmatiserai pas non plus. Je veux les élever dans la dignité.
Alors que faire ? Comme l’a écrit quelqu’un en République Française en 2018, si tu as des origines juives, peu importe ton histoire, tu les caches. À moins d’habiter Neuilly, Boulogne, Levallois le 16ème ou le 17ème.
Je ne suis pas venue en terre de liberté pour devenir l’otage d’une communauté sectaire, prosélyte violente et qui élève ses enfants dans le rejet de l’autre.
Non, de grâce, ne me dites pas #pasdamalgame. Ce que je vous décris est la réalité sociale dans les communautés musulmanes.
Mon statut est public.
Je ne me cacherai pas dans ma propre maison même si j’ai parfois l’impression que des djihadistes en sommeil rôdent autour. Et je pèse mes mots.
Mes enfants ne seront pas les maranes des banlieues volées à la France.
Wa Choukrane

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5 Comments

  1. Ma chère Sarah, puis-je vous appeler ainsi,
    votre article met le doigt sur nous tous « hybride » reconnus par tous et personne, merci.
    Bien à vous.

  2. Ce lit d’injures montre à quel point vous êtes dans le juste raisonnement et la juste analyse, vous n’êtes pas seule, à échelle moindre je passe pour un « illuminé, dérangé etc… », continuons tous notre combat qui fait notre raison et laissons aux incultes leur stérilité …
    Bien à vous.

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