Depuis novembre 2017, la mairie de Tel Aviv installe des panneaux alertant touristes et résidents du risque de tsunami. Une mesure qui fait écho à la crainte d’un tremblement de terre dévastateur et imminent, auxquels les autorités se préparent.
La première fois que l’on a vu, dans une rue menant à une plage de Tel-Aviv, un panneau indiquant en hébreu, arabe et anglais, la «tsunami evacuation route», avec son pictogramme fuyant une vague à la Kanagawa pointée dans la direction opposée de la mer, on a souri, incrédule. C’était en novembre, quand la mairie du poumon économique et balnéaire israélien a commencé à installer ces avertissements. Depuis, ils se sont multipliés, au point d’intégrer le décor comme un élément aussi banal que le poc-poc des raquettes de matkot. L’Etat hébreu se serait-il découvert une nouvelle menace existentielle, celle-ci naturelle ? Seuls trois tsunamis sur ses côtes ont été recensés dans l’histoire, le plus récent en 1956, réplique d’un tremblement de terre du côté de la Grèce. Les précédents remontent au XIXe (à Acre) et XIIe siècle (Césarée). Autant dire que la menace n’apparaît pas urgente au premier abord.
«Nombre magique»
Plus que les tsunamis, ce sont les tremblements de terre (les premiers sont généralement la conséquence des seconds) qui inquiètent les autorités israéliennes et alimentent depuis des années les scénarios apocalyptiques et messianiques. D’un point de vue géologique, le pays, et plus spécifiquement la vallée du Jourdain, est situé sur le grand rift est-africain. Pour les sismologues, un tremblement de terre majeur suivant cette faille est attendu environ tous les 80-90 ans. Les deux derniers remontent respectivement à 1837 et 1927, quand un séisme, d’une force de 6,2 sur l’échelle de Richter, avait causé la mort de 500 personnes dans la Palestine mandataire. «Ce tremblement de terre et sa récurrence tous les siècles, ainsi que les années en « 7 » ont atteint un statut un peu mythique en Israël, mais qui n’a rien de scientifique», remarque Amotz Agnon, professeur en géologie et océanographie à l’université hébraïque de Jérusalem. Ce «nombre magique» expliquerait donc en partie l’implantation des panneaux en 2017. Mais pas seulement : «Il n’y aucun doute qu’Israël sera touché à un moment donné par un grand tremblement de terre. La question est quand. On a déjà du mal à prédire la pluie, alors il faut rester modeste», relativise le géologue.
Mais les recherches continuent : une équipe de chercheurs basée à Beer-Sheva, dans le sud d’Israël, a publié début mars une étude remettant en cause l’efficacité des sismographes traditionnels et recommandant d’étudier des radiations électromagnétiques pour mieux prévenir ces événements. Pour l’Etat hébreu, la question de la prédiction d’un «Big One» cataclysmique, semblable à celui attendu en Californie, est cruciale. D’une part, le très secret réacteur nucléaire où a été confectionnée la bombe H est situé à Dimona, pile sur le fameux rift. Ensuite, la plupart du bâti israélien, ces HLM sur pilotis construits à la va-vite dans les années 50-60, n’ont pas été conçus pour résister à de telles secousses. En 2012, le major-général à la tête du commandement du Front intérieur, qui organise chaque été des exercices de réaction à un tel scénario, considérait qu’un «tremblement de terre serait plus dangereux pour Israël qu’une guerre». Dans un rapport livré à la Knesset l’année suivante, les experts ont estimé qu’un séisme d’une magnitude de 7,5 sur l’échelle de Richter tuerait environ 7 000 personnes et détruirait au moins 370 000 foyers.
Memento mori
La catastrophe attendue inspire. Elle sert de colonne vertébrale à Me Voici (L’Olivier, 2017), dernier roman de l’Américain Jonathan Safran Foer, qui imagine Israël ravagé par un séisme dont profitent ses ennemis, métaphore de l’angoisse perpétuelle israélienne de l’annihilation prochaine. Sur de nombreux blogs pseudo-théologiques, les sionistes évangéliques l’espèrent quant à eux avec ferveur : après le retour des juifs en Terre Sainte, un «tremblement de terre de l’armageddon» annoncerait le retour du Christ à Jérusalem. Quant aux tsunamis, le professeur Agnon se veut rassurant : «La plupart des villes côtières sont sur des falaises. Le risque n’est pas grand, mais c’est toujours bien que les gens le gardent à l’esprit.» Et les panneaux verts de la municipalité de Tel-Aviv d’apparaître comme une sorte de memento mori géologique, à l’heure de la baignade.
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