Voilà un très mauvais signal qui est délivré par la XVIIème Chambre du TGI de Paris. Elle relaxe Alain Soral. Par Marc Knobel.
Le site internet Egalité et Réconciliation avait publié un photomontage représentant Emmanuel Macron, alors candidat à l’élection présidentielle, les bras ouverts, porteur d’un brassard évoquant ouvertement celui des nazis mais où la croix gammée est remplacée par le signe du dollar, avec devant lui le globe terrestre et derrière lui les photographies de Messieurs Patrick Drahi, Jacob Rothschild et Jacques Attali, et les drapeaux israélien et américain, la légende inscrite sur ce photomontage étant « En Marche vers le chaos mondial. »
En janvier 2018, les parties civiles (UEJF – J’accuse ! – SOS racisme – LICRA et le MRAP) estimaient que ce dessin était constitutif d’une provocation publique à la haine raciale à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes déterminé, et à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion. Etant précisé que pour caractériser ce délit, il n’est pas forcément nécessaire que le message vise individuellement chaque personne composant le groupe considéré, l’infraction étant constituée dès lors que la teneur ou la portée du propos en lien direct avec l’origine, l’ethnie, la nation, la race ou la religion, rejaillit sur la totalité de la communauté ainsi définie.
Dans ses conclusions, Maître Stéphane Lilti, avocat de l’UEJF et de J’Accuse !, expliquait que le montage photographique incriminé comportait trois plans distincts :
➢ Au premier plan, symbolisant le monde et l’humanité toute entière, le globe terrestre,
➢ Au deuxième plan, symbolisant le personnel politique aux ordres, le candidat à l’élection présidentielle, représenté en pleine lumière, les bras écartés, dont la caractéristique principale est d’être porteur d’un brassard rouge et blanc frappé d’un symbole du Dollar américain, et dont la représentation évoque à l’évidence celui des nazis,
➢ Au troisième plan, trois personnalités juives du monde des affaires, de la finance ou de la politique et dont l’image apparait voilée.
Ces trois plans apparaissent visuellement hiérarchisés entre eux : le troisième plan (les personnalités juives) surplombe le deuxième (Emanuel Macron), qui surplombe le premier (le monde), de manière à signifier sans la moindre équivoque un rapport de domination et de subordination, d’autorité et d’obéissance.
Selon l’avocat, le tribunal devait relever avec intérêt que les photographies des trois personnalités choisies comme juives, volontairement reléguées au dernier plan de l’image, se trouvent légèrement sous exposées afin de mettre en image l’influence occulte exercée sur le candidat officiel qui avance, lui, en pleine lumière.
Dans le photomontage, la mention « En marche vers le chaos » -ce dernier terme étant synonyme de « destruction, ruine, désordre » selon la définition du Robert- marque l’objectif poursuivi par « l’attelage » composé de Patrick Drahi, Jacob Rothschild, Jacques Attali et de Monsieur Emmanuel Macron.
Tout au long de cette audience (et de l’audience suivante du mercredi 14 mars 2018), les délires complotistes, les pires stéréotypes ont été assénés ad nauseam : la « domination des Juifs » et/ou d’Israël, le « pouvoir des Juifs », « l’argent des Juifs », « l’instrumentalisation par les Juifs », le judaïsme comme « instrument de mort et de domination », le judaïsme qui « prône le génocide [des non-Juifs] »…sans que le tribunal n’émette de protestation.
Dans son attendu rendu le 20 mars 2018, le tribunal estime que « la mise en cause de ces trois personnalités et de ces deux Etats, ne rejaillit pas non plus sur la communauté juive dans son ensemble ; qu’en particulier, la publication visée de reprend pas, à un titre quelconque, les symboles de la religion juive ou des institutions communautaires liées au judaïsme », « le montage en cause, aussi contestable soit-il, ne constitue ainsi pas une provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence, contenant un appel ou une exhortation même implicite, rejaillissant sur la totalité d’une communauté définie par l’appartenance à la communauté juive ».
Dans ces conditions, Alain Soral est relaxé.
Comment expliquer ce décalage étonnant entre d’une part la jurisprudence établie et elle est constante ainsi qu’une volonté politique de lutter contre l’antisémitisme qui menace la République et ses valeurs, et d’autre part une décision de justice qui semble absoudre la propagation d’une propagande ignominieuse et raciste ?
Pourquoi ce raisonnement juridique feint-il d’ignorer que dans ce monstrueux photomontage les Juifs apparaissent ici comme les maîtres du monde, qui voudraient semer le chaos parce qu’ils accumuleraient argent et richesses ?
Faudra-t-il donc dorénavant, pour qualifier une caricature ou un photomontage antisémite que tous les juifs soient représentés ? Question posée par Dominique Sopo, Président de SOS Racisme.
Les parties civiles font appel de cette décision.
Marc Knobel
Source crif
Je trouve ces magistrats suspects.
Les magistrats des chambres de la Cour de Cassation, les Conseillers d’Etat honorent maintenant, notre République. Un TGI, malgré sa pompe, présente malheureusement un niveau juridique reprochable; pour cette raison, ses jugements ne font pas jurisprudence.
Dans l’espèce, seul M. Attali étant identifiable pour le commun des mortels, il suffisait à manifester l’intention antisémite. Si l’on suit le TGI, un acte antisémite devrait « rejaillir sur la communauté juive dans son ensemble » Le meurtre de Mme Halimi n’était donc pas antisémite puisqu’il n’intéressait qu’une personne. L’antisémitisme, par essence, attaque tous les Juifs.
Le drapeau d’Israël était le drapeau sioniste, avant la reconnaissance internationale d’Israël et sert l’identité du peuple Juif. Outre ces divagations juridiques qui feraient honte à un étudiant de première année, le TGI sort dangereusement du terrain du Droit en évoquant, à répétition, une « appartenance à une communauté juive » qui est une définition politique.
L’antisémitisme vise tous les Juifs, qu’ils appartiennent ou non à une « communauté juive ». Vichy parlait des « israélites », Berlin de « race juive », tout le monde était jeté dans le panier mortel, même s’il avait rejoint une « communauté » catholique ou protestante.
Le TGI aurait pu ajouter que M. Macron était parfaitement capable de créer le chaos par son propre talent, sans complot Juif ou Américain, et que, par ce moyen, le délit n’était pas constitué.
Très bonnes remarques, en particulier le lien non obligatoire entre français juifs et une « communauté juive » ou des « institutions communautaires » dont parle le TGI. Comme le fait remarquer Shmuel Trigano, ramener les juifs en France à une « communauté » c’est les exlure en douce du peuple français en les considérant comme des quasi étrangers à l’image de cette autre fameuse et souvent fantasmée « communauté musulmane ». Comme si les juifs étaient des immigrés arrivés dans les années 70…