Véritable laboratoire pour la recherche sur l’embryon, Israël a fixé ses règles bioéthiques de façon pragmatique, en s’appuyant sur la tradition religieuse juive et les impératifs des avancées d’une société libérale.
L’État d’Israël investit 4,3 % de son PIB dans la recherche et le développement – record mondial –, dont le tiers alloué à 1 350 sociétés se consacrant aux sciences de la vie et à la biotechnologie. Un secteur qui génère de spectaculaires profits, tel celui de la société Neuroderm (traitement de la maladie de Parkinson), récemment vendue au géant japonais de la pharmacie Mitsubishi Tanabe pour 1,1 milliard de dollars.
Résultat : le congrès annuel Mixiii-Biomed (ex-Ilsi-Biomed) de Tel-Aviv est le second en importance après Bio, la grande manifestation organisée aux États-Unis. « Le premier bébé cloné verra le jour en Israël ou en Corée du Sud », prédit Étienne Lepicard. Ce docteur en médecine représente la sensibilité chrétienne au Comité national de bioéthique d’Israël. Cette instance est codirigée par la généticienne Ephrat Levy-Lahad et le médecin et rabbin Avraham Steinberg, qui vient aussi d’être nommé à l’Académie pontificale pour la vie.
« La société israélienne est largement sécularisée. Mais face au défi bioéthique, sa législation globalement très libérale, du moins en ce qui concerne le début de la vie, reflète aussi la dimension religieuse d’une tradition plurimillénaire », affirme Étienne Lepicard, qui s’en est expliqué devant la Conférence épiscopale catholique (2015), lors du 2e Synode sur la famille.
Exemple de ce paradoxe : dès 1996, Israël a été le premier pays à légiférer sur la gestation pour autrui (GPA, interdite en France). Mais la loi sur le don d’ovules et la fécondation in vitro (FIV) n’est intervenue qu’en 2010. « Les Israéliens ne se sont pas demandé si l’embryon était ou non une personne au sens ontologique. Ils se sont référés aux textes du Talmud pour en fixer le statut juridique », explique Étienne Lepicard. Selon ces écrits, avant le 40e jour, l’embryon est assimilé à « de l’eau ».
Au ministère de la santé, une commission publique professionnelle interdisciplinaire sur le statut de l’embryon a pour mission de suivre l’évolution de la recherche en la matière. Dans la perspective de la philosophie juive, le plein statut d’humain s’acquiert non pas lors de la fécondation, mais à la naissance. Pragmatiquement, rabbins et juristes ont établi une jurisprudence qui a fixé des limites à la recherche.
En tenant compte de la halakha (tradition religieuse juive), la Knesset (Parlement) a ainsi voté en 1999 une loi, reconductible tous les cinq ans, qui permet d’utiliser les embryons surnuméraires pour la recherche. La justification étant que ceux-ci n’ont aucune chance de survie s’ils ne sont pas implantés ultérieurement dans l’utérus d’une receveuse – ce qui est interdit. Est aussi autorisée l’expérimentation à partir des cellules souches issues d’embryons surnuméraires. Ce texte interdit en revanche le clonage reproductif humain, tout comme les interventions sur le génome transmissibles à la descendance (modification de la lignée germinale). Il a été reconduit en mai 2016 pour trois ans.
Les équipes scientifiques et médicales israéliennes, en pointe dans ces domaines de recherche, sont déjà passées pour certaines à une étape ultérieure. Plutôt que de continuer à utiliser des cellules souches embryonnaires, elles cherchent à mettre au point des cellules de synthèse qui rempliraient le même office, à savoir : réparer des cellules malades, comme des cellules cancéreuses ou les cellules du pancréas chargées de produire de l’insuline. Ce qui permettrait de dépasser le problème éthique. En effet, certains rabbins s’opposent à la création délibérée de pré-embryons aux fins de destruction, considérant que cela dévalorise la vie humaine.
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