Les résultats des élections législatives italiennes traduisent la déroute du centre gauche (Parti démocrate, PD), avec moins 18 % des suffrages, la victoire du Mouvement populiste Cinq étoiles, premier parti italien avec 32% des voix et la force de la coalition droite-extrême droite (Forza Italia plus Ligue du Nord), qui recueille 37 % du vote.
CE RAPPORT de forces est consternant pour tous les démocrates italiens et pour l’Union européenne. Dans la combinaison droite-extrême droite, c’est cette dernière qui arrive en tête et ne peut être écartée du pouvoir que si Forza Italia, dirigée par Silvio Berlusconi, lui-même non éligible, trahit le mouvement de Matteo Salvini en s’alliant au PD. Renversement d’alliances bien improbable et qui bafouerait le message de l’électorat. Un autre hypothèse reposerait sur l’union des populismes, avec une association contre nature entre Cinq étoiles, Forza Italia et Ligue du Nord. Cette possibilité ne serait pas plus crédible, le mouvement dirigé par Luigi di Maio proposant des solutions qui n’ont aucun rapport avec celles de Berlusconi et de Salvini. Le président de la République italienne, Sergio Matarella, doit en priorité s’adresser au parti qui a remporté le plus de suffrages pour qu’il forme une coalition. Entreprise que les programmes des uns et des autres rendent plus qu’aléatoire.
Le risque d’un nouveau rendez-vous électoral.
Il n’est donc pas impossible qu’après des tractations compliquées et longues, l’Italie décide de procéder à de nouvelles élections. Ce serait la pire des solutions, car l’abstention serait considérable et contribuerait à un résultat encore moins significatif. La péninsule est, grosso modo, victime de deux failles béantes : la première, c’est la déception infligée au peuple italien par l’ancien président du Conseil et ancien maire de Florence, le jeune Matteo Renzi qui, parvenu à imposer le Parti démocrate, a gouverné d’une manière plutôt autoritaire qui lui a été reprochée et a tenté de changer la Constitution, proposition très majoritairement rejetée par les Italiens. Ils ont renvoyé Renzi à ses chères études. Mais les gouvernements dirigés par ses successeurs du PD, notamment Paolo Gentiloni, actuellement président du Conseil des ministres, ont été reconnus par les Européens comme des hommes compétents attachés à une réforme générale du pays et de ses institutions.
Dès lors qu’ils n’y sont pas parvenus, et c’est la deuxième faille, ils ont été victimes du scrutin proportionnel qui offre les deux tiers des sièges à l’Assemblée mais ne permet pas, comme on en fait aujourd’hui l’expérience, de dégager une majorité forte. On peut toujours estimer qu’un scrutin majoritaire, comme celui de la France, aurait consacré le populisme de toute façon. Mais au moins y aurait-il eu un gouvernement, ce qui, même dans l’hypothèse de négociations réussies, prendra plusieurs semaines et même plusieurs mois et assurera l’instauration d’un ordre populiste, celui-là même que Berlusconi voulait écarter en s’associant à la Ligue du Nord, laquelle, au contraire, a pris le train de Forza Italia pour être en mesure de prendre le pouvoir.
Le dilemme migratoire de l’Europe.
Au-delà de l’usine à gaz que sont devenues les institutions italiennes et qui explique la confusion post-électorale, il y a dans la péninsule un problème majeur qui n’a cessé de peser sur l’état d’esprit de l’électeur, c’est l’immigration. L’Italie est submergée par une vague massive de migrants, la plupart en provenance de Libye, qui a donné naissance à deux attitudes opposées : l’une est celle des ONG et des fondations caritatives, qui vont au devant des migrants en danger en Méditerranée et les accueillent avec le plus d’humanité possible ; l’autre se fonde sur la nécessité de limiter ce flot incessant d’immigrants et a donné lieu à des efforts très contestés du gouvernement de Gentiloni pour passer des accords avec une Libye en plein chaos pour qu’elle retienne les Africains venus de la région du Sahel.
La gauche n’a guère été récompensée par les électeurs italiens pour son cynisme de circonstance. Elle a été désavouée par un peuple qui, comme en France, en Allemagne, en Grande-Bretagne, dans les pays d’Europe centrale, voit les migrants africains comme une plaie nationale et souhaite s’en débarrasser. Ce phénomène d’intolérance explique le Brexit, il explique que l’Allemagne n’a pas pu être gouvernée pendant six mois, il explique que le gouvernement français ait durci ses positions sur l’immigration, ce qui indigne la gauche, pendant que la droite estime qu’il n’en fait pas assez. On peut nourrir au sujet de l’immigration les convictions que l’on veut. Mais on doit admettre qu’elle est assez massivement rejetée en Europe pour détruire tous les gouvernements européens qui recherchent des solutions fondées sur le compromis entre le contrôle des flux migratoires et un minimum d’humanité.
RICHARD LISCIA
Aborder la situation des migrants en terme de problème, c’est, nécessairement, l’aborder en terme de solution. Dès lors, l’escalade sur la radicalité des solutions n’aura pas de fin. Si problème il a, c’est un (des) problème(s) géoclimatique, géopolitique, géoagronomique. Aborder ces problèmes de demain, d’aujourd’hui déjà ! de cette façon serait se tromper de « solutions », et donc se donner les moyens de perdre. De même, il y a un péril islamiste, et même musulman, mais le lier automatiquement et organiquement à la question des réfugiés, c’est commettre une erreur toute aussi délétère. Et non (seulement) pour des raisons humanitaires, mais pour une question d’efficacité.