Longtemps critiqué pour son travail de mémoire tardif sur son rôle dans l’holocauste, l’Autriche oeuvre maintenant depuis 20 ans sur la restitution des objets d’art volés par les nazis.
Le pays a longtemps été critiqué pour son travail de mémoire tardif sur son rôle dans l’holocauste. Jusqu’aux années 90 environs, la théorie officielle présentait l’Autriche comme la victime d’Hitler. Depuis, les choses ont évolué, notamment dans le domaine de l’art. Durant la Seconde Guerre mondiale, les nazis pillent 650 000 (chiffre global, donné lors de la conférence internationale à Terezin, en République Tchèque en 2009), œuvres d’art aux juifs et notamment en Autriche. Depuis 20 ans, une commission spéciale est chargée de restituer les œuvres et objets d’arts issus des collections publiques du pays, qui furent volées par les nazis, aux victimes ou à leurs descendants. Un travail colossal qui continue dans le pays, en avance sur cette question. Reportage à Vienne de notre correspondante, Isaure Hiace.
La loi adoptée en 1998 en Autriche fait figure de modèle encore aujourd’hui. Elle a crée une commission chargée d’enquêter au sein des collections publiques afin de restituer les objets et œuvres d’arts volées aux juifs par les nazis. Au sein de cette commission, une dizaine de chercheurs qui travaillent dans les principaux musées du pays comme Julia Essl, qui inspecte les peintures de l’Albertina Museum, à Vienne.
“Mon travail de tous les jours consiste à vérifier les achats effectués par le musée entre 1938 et 1945. Je dois m’assurer que les œuvres présentes ici n’ont pas été acquises frauduleusement. Pour le vérifier, je me rends souvent au service de restauration pour lire les annotations inscrites au dos des tableaux. Je vais aussi consulter les archives nationales régulièrement. Les sources internes au musée sont également des informations précieuses dans mes recherches. ”
En 20 ans, la commission a permis de restituer environs 12 000 objets d’art. La plupart des grands tableaux, signés Klimt ou Schiele, ont été rapidement rendus car les informations entourant ces œuvres étaient très fournies. Aujourd’hui, le travail de Julia Essl concerne des œuvres moins connues et pour lesquelles il y a très peu d’indices.
“Ce qui est difficile aujourd’hui, c’est le peu d’informations dont nous disposons sur certaines œuvres. Parfois nous avons uniquement le prix d’achat ou le nom de la salle des ventes où le bien fut vendu. Il arrive que cela empêche toute recherche sur une œuvre. Mais ces dernières années, internet a été une aide très utile. Il faut toutefois être vigilant car les informations qui circulent sont parfois fausses. C’est pourquoi on a crée notre propre base de données et on a numérisé nos archives, cela nous aide dans nos recherches.”
Ces chercheurs ne travaillent pas pour les musées mais bien pour la commission et leurs recherches sont contrôlées par un conseil indépendant qui décide ensuite s’il y a assez d’informations pour restituer une œuvre. Pour Eva Blimlinger, à la tête de ce conseil, c’est là la force de la loi autrichienne : la garantie d’indépendance.
“En Allemagne, les chercheurs sont souvent ceux qui décident si un musée devrait ou non restituer une œuvre. En Autriche, le système est différent : la décision n’appartient pas aux chercheurs mais à un groupe de personnes issus de différentes disciplines et je crois que c’est mieux ainsi.”
Une fois la restitution approuvée, il faut rechercher les personnes spoliées. Un travail mené notamment pas le fond autrichien d’indemnisation des victimes du national socialisme. Mais Hanna Lessing, la directrice de ce fonds, le reconnaît : il est parfois très difficile de retrouver leur trace. Elle a donc établi une liste de 9000 objets aux propriétaires inconnus, liste que l’on peut consulter sur internet, ce qui donne lieu parfois à de jolies histoires. Au niveau international, les chercheurs estiment que 100 000 œuvres volées par les nazis n’ont toujours pas été restituées.
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