Les familles politiques israéliennes expliquées à l’UTA : 1-la droite

Un mini-cycle de 3 conférences sur les familles politiques en Israël de 1948 à nos jours, par le Dr. Denis Charbit, a été organisé par l’Association des Amis francophones de l’Université de Tel-Aviv, les 18 janvier, 1er et 15 février. Le premier a été consacré à la droite israélienne, du nationalisme libéral de Jabotinsky à la « droite décomplexée » de Benyamin Netanyahu.

Israël est connu pour la profusion de ses partis: entre 10 et 15 formations politiques sont généralement représentées à la Knesset, ce qui est impressionnant pour un si petit pays. Cette multiplicité est encouragée par le scrutin à la proportionnelle, qui, s’il présente énormément de défauts dont l’instabilité, est selon le Dr. Charbit le mieux adapté à une société hétérogène comme la société israélienne, composée de groupes sociaux qui ont des visions diamétralement opposées de ce que doit être l’Etat, et dont il est indispensable qu’ils soient représentés à la Chambre. De plus, le pays n’ayant pas de constitution, et la plus grande partie des lois pouvant être modifiées à tout moment, il est rassurant pour les groupes d’avoir cette assurance de représentation. Le seuil d’éligibilité à la Knesset est cependant passé de 1% en 1951 à 3,25% depuis 2014.

Le mouvement révisionniste des années 30 et Vladimir Jabotinsky

Cette multiplicité de partis recouvre en fait l’existence de 5 grandes familles politiques principales: 3 groupes idéologiques (la droite, la gauche et le centre) et 2 sociologiques, les partis arabes et les partis religieux. De 1949 à 1977, cependant, la Knesset s’est caractérisée par la représentation d’un parti dominant: le parti travailliste, qui y avait en permanence 40 à 50 députés. Le Likoud, par contre, principal parti de droite, n’a obtenu que 30 sièges aux dernières élections (mars 2015). Ce n’est donc pas un parti dominant, et il a besoin d’une coalition pour gouverner.

La plupart des partis politiques israéliens trouvent leur origine à l’époque du Yishouv, communauté juive existante en Terre d’Israël avec la création de l’Etat, essentiellement dans les années 20. Il y a donc, explique le Dr. Charbit, une continuité idéologique importante dans la logique des partis israéliens, qu’il est essentiel de ne pas sous-estimer, en dépit du phénomène de personnalisation de la vie politique.

Le parti du Likoud, qui a pris son nom actuel en 1973 et est l’un des rares partis politiques à ne pas l’avoir modifié depuis, trouve son origine dans le mouvement révisionniste des années 30, qui incluait le Parti révisionniste de Vladimir Jabotinsky, le mouvement de jeunesse Betar et une organisation militaire clandestine, l’Etzel (acronyme d’Organisation militaire nationale), plus connue en français sous le nom d’Irgoun (l’Organisation).

Vladimir Jabotinsky, père fondateur du mouvement révisionniste, né en Ukraine en 1880, est selon Denis Charbit l’un des leaders sionistes les plus cultivés et les plus esthètes. Ecrivain, poète, traducteur et orateur éloquent, il fut l’un des grands théoriciens du sionisme. Arrivé en Palestine vers 1915, il prend ses distances par rapport à la ligne centrale du mouvement sioniste tel qu’il se constitue dans les années 20 après la Déclaration Balfour, et propose de la « réviser » dans une optique plus radicale. Selon lui, l’Etat juif, comme il l’a présenté dans son ouvrage La muraille d’acier, doit s’étendre aux deux rives du Jourdain (y compris l’actuelle Jordanie), comme il avait été initialement prévu au moment de la Déclaration Balfour et de la conférence de San Remo en 1920. D’autre part, le sionisme devait renoncer au double étendard, national et socialiste, et adopter une idéologie libérale de collaboration entre le capital et les classes populaires. Enfin il devait opter clairement pour la définition d’un Etat juif. En effet, selon Jabotinsky, les Arabes de Palestine ne reconnaitront jamais la légitimité des revendications juives. Leur opposition est irréductible, quelle que soit la dimension du territoire revendiqué, donc autant en revendiquer le maximum; discours repris actuellement par Benyamin Netanyahou, pour qui le cœur du conflit est le refus des Arabes d’accepter un Etat juif, quelque soit son territoire. Sur le plan idéologie, Jabotinsky avait adopté un nationalisme libéral, égalitaire et démocratique à la Garibaldi, position qui a caractérisé le Likoud jusqu’à ces dernières années.

De la marginalisation au pouvoir

En 1935, Jabotinsky quitte le mouvement sioniste. Il meurt en 1940 aux Etats-Unis, mais ses restes attendront 20 ans avant d’être rapatriés en Israël. En 1949, Menahem Begin reprend les rênes et réunifie toutes les organisations du mouvement à l’intérieur du Hérout (1949), qui s’oppose violemment au parti alors au pouvoir, le Mapaï, notamment lors de la signature de l’accord pour les « réparations allemandes » que Begin qualifie « d’argent sale ». Le Hérout restera un parti minoritaire en raison de l’image « aventuriste » et « va-t-en-guerre » de son leader jusqu’à son alliance avec les sionistes généraux du parti libéral au sein du Gahal en 1965. Ce dernier rejoindra alors les Travaillistes dans un gouvernement d’Union nationale pendant la guerre des six jours, donnant à la droite une image plus modérée et crédible.

Le Likoud (Unification) est créé en 1973, par la réunion du Gahal et d’autres petits partis. Conservant la même ligne idéologique que le mouvement révisionniste des années 20 (libéralisme économique et l’idée du Grand Israël, à l’exception de la revendication sur la Transjordanie, peu à peu abandonnée de facto), il arrive au pouvoir en 1977, mettant fin à la domination du Parti travailliste qui remontait à la période du Yichouv depuis le début des années 30. Menachem Begin contourne son image de va-t-en guerre en faisant la paix avec Sadate et en signant les Accords de Camp David fin 1977. Après sa réélection en 1981 cependant, il se lance dans une dynamique d’implantations intensives dans les territoires conquis en 1967 (Judée-Samarie).

Après la guerre du Liban (1982-83) Menachem Begin est remplacé par Ytzhak Shamir, les Travaillistes récupèrent et les deux partis se retrouvent ensemble dans un gouvernement d’union nationale fonctionnant suivant un système de rotation (1984-1990). La première Intifada (1987) marque le début d’une nouvelle polarisation de la vie politique israélienne, qui culmine en 1995 avec l’assassinat d’Itzhak Rabin et l’élection de Benyamin Netanyahu en 1996. Aujourd’hui l’élément libéral incarné par Jabotinsky, puis par les « Princes du Likoud » (Méridor, Benny Begin etc…) est en voie de disparition et la droite israélienne peut être qualifiée de « droite décomplexée », en phase avec le discours populaire israélien (« dougri » ou parler franc). Cependant elle fait face à un dilemme entre son crédo du Grand Israël qui impliquerait l’annexion de la Judée-Samarie, appellation qui s’est imposée dans le vocabulaire israélien, et la nécessité de respecter un statu quo notamment pour ne pas perdre l’appui du monde occidental.

Source ami-universite-telaviv

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1 Comment

  1. Le révisionnisme de Jabotinsky présente une apparence de supériorité politique sur le travaillisme: la conscience que les Arabes n’accepteraient jamais l’existence d’un Etat Juif ou la coexistence sur la même terre. Cela ne signifie pas que les travaillistes étaient des rêveurs inconscients, trahissant plus ou moins la cause du peuple Juif. Les travaillistes connaissaient la réalité du terrorisme arabe et organisaient la Haganah, et le Palmach comme force d’élite de défense et de représailles. L’Agence Juive était le représentant des intérêts juifs reconnu par l’administration mandataire britannique qui devait se soumettre aux conditions du mandat de la SDN. Les travaillistes tenaient donc un discours rassurant pour la SDN et les pays étrangers: l’entente entre les Arabes et les Juifs était possible. Ce discours était nécessaire et permit aux travaillistes d’obtenir les soutiens internationaux à la partition de la Palestine. Il serait faux et scandaleux de prétendre que les travaillistes étaient des moutons rêveurs, face aux loups révisionnistes. Ben Gourion, après les attaques arabes qui suivirent le vote de l’ONU, ne fut pas surpris et mit en oeuvre des actions de sécurisation du plus grand territoire possible, avant l’indépendance d’Israël et la guerre menée par les pays arabes.
    Je regrette ce discours fumeux, tenu par nombre de Juifs, sur la conférence de San Remo, ou un « traité imaginaire ». La déclaration Balfour, lettre adressée à lord Rothschild, engageait le gouvernement Britannique. Elle promettait « un foyer Juif en Palestine ». C’était tout. Le Dr Weizmann, qui avait habilement utilisé une influence juive aux Etats Unis, influence qui n’existait pas mais qui impressionna également les gouvernements allemand et turc, déclara souvent qu’il n’avait pas demandé plus parce qu’il n’aurait pu obtenir plus. Il reste évident que le but principal de la Grande Bretagne était l’impérialisme habituel et la rivalité coloniale habituelle avec la France, non une mauvaise conscience biblique. La RESOLUTION de San Remo reprit simplement la déclaration Balfour (présentée comme « décret Balfour » sur un site fantaisiste). Je ne comprends pas que le Dr Charbit parle d’une souveraineté Juive qui s’étendrait sur les deux rives du Jourdain et qui « aurait été initialement prévue au moment de la déclaration Balfour et de la conférence de San Remo. » Prévue par qui? J’ai prévu que la France retrouverait sa nature républicaine. Cela ne semble pas avoir troublé notre gouvernement. Le traité de Sèvres, ratifié par la Grèce seule et le traité de Lausanne restèrent sur le seul foyer juif de la déclaration Balfour.
    Ben Gourion, qui était plus un visionnaire que Begin, espérait un Israël sur les deux rives du Jourdain, mais comprit l’impossibilité politique et militaire.
    La légalité d’Israël fut établie par des accords internationaux. Sa légitimité est celle du combat sioniste. La souveraineté d’Israël sur Jérusalem est fondée sur un peuplement majoritaire continu et la violation par la Transjordanie des accords internationaux. La situation actuelle de la Cisjordanie est la seule qui empêche une guerre civile permanente et les risques de guerre internationale. Les discours fantaisistes sur une souveraineté historique/diplomatique imaginaire, fondée sur des accords imaginaires, desservent la cause d’Israël et l’autorité intellectuelle des Juifs de France.

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