Une nouvelle technologique révolutionnaire basée sur la biologie, mise au point par le Prof. Dan Peer, directeur du Centre de recherche sur la biologie du cancer de l’Université de Tel-Aviv, le Dr. Ranit Kedmi et Nuphar Veiga, chercheuses au Centre, en collaboration avec le Prof. Judy Lieberman de l’Université de Harvard, va permettre le ciblage des médicaments vers les cellules cancéreuses de la manière la plus efficace et la plus précise possible et de promouvoir la médecine personnalisée pour de nombreuses maladies.
L’étude a été publiée la semaine dernière dans la prestigieuse revue Nature Nanotechnology.
Le cancer n’est pas une maladie unique mais un ensemble de plus de 500 types d’affections présentant des caractéristiques génétiques et des profils différents. Ces dernières années, les avancées de la recherche ont permis d’appréhender en détail la signature génétique et les caractéristiques de chaque tumeur cancéreuse et de promouvoir une vision de la médecine dans laquelle chaque patient pourra être traité selon son profil personnel (prédispositions aux maladies et aux effets secondaires etc.).
‘Sous-marins’ et ‘GPS’ dans le corps humain
“Une des méthodes innovantes de délivrance des médicaments dans le cadre de la médecine personnalisée est l’utilisation de ‘véhicules’ d’administration des médicaments, sortes de ‘sous-marins’, insérés dans le corps du patient, qui s’acheminent vers les cellules cibles des organes malades et y libèrent leur substance active”, explique le Prof. Peer. “Le médicament est une molécule d’ARN qui permet de réduire au silence un gène particulier en fonction du profil du patient. Pour atteindre sa destination, le ‘sous-marin’ utilise une sorte de ‘GPS’, un anticorps du système immunitaire qui cible exactement le sous-ensemble spécifique de cellules malades et permet au médicament d’être libéré dans les cellules cibles. Le problème est que les cellules cancéreuses sont différentes les unes des autres et nécessitent également d’adapter le système GPS à chaque patient. Dans notre étude, nous avons trouvé une solution innovante à ce problème, et espérons qu’elle contribuera de manière significative à la mise en œuvre effective d’une médecine personnalisée”.
Pour permettre un traitement personnalisé, il faut non seulement adapter le médicament mais aussi le ‘véhicule’ qui puisse atteindre les cellules du patient en fonction de leurs caractéristiques. Il est donc nécessaire de créer un large éventail de ces ‘sous-marins’ qui puissent fournir des solutions aux divers patients, chose impossible dans l’état de la technologie existante. En effet, la connexion qui s’établit entre les anticorps (le GPS) et les transporteurs des médicaments (les sous-marins), est actuellement basée sur une approche chimique, caractérisée par de nombreuses difficultés et impliquant des processus complexes, longs et coûteux, et leurs résultats sont insatisfaisants: maitrise partielle du processus, orientation vers l’objectif et la libération de la charge médicamenteuse parfois imprécis etc.
D’innombrables combinaisons possibles
Le procédé proposé par le Prof. Peer et ses collègues aborde le problème par une approche non pas chimique mais biologique, basée sur une protéine dite adaptatrice qui assure la liaison entre les véhicules de transport des médicaments et l’anticorps. La protéine adaptatrice se compose de deux parties: la première contient un lipide à chaîne, qui permet un lien avec le véhicule de transport du médicament, lui aussi composé de matières grasses, et la seconde partie a une affinité (attraction et ajustement naturel) élevée avec un élément permanent existant dans tous les anticorps, ce qui lui permet de se lier à des milliers, voire des millions d’anticorps différents. Ainsi sont rendues possible d’innombrables combinaisons entre les anticorps et plus encore, l’auto-assemblage des médicaments et des anticorps se liant d’eux-mêmes les uns aux autres, selon un processus simple et rapide. “Il suffit de mélanger les anticorps et les particules nécessaires en présence d’une protéine adaptatrice et ils se lient d’eux-mêmes entre eux, correctement et avec un maximum d’efficacité”, explique le Prof. Peer. “Ainsi peut-on créer un ‘sous-marin’ performant, qui parvient exactement au bon endroit dans le corps, et conduit le bon médicament en quantité nécessaire. Avec cette méthode, nous avons été en mesure de produire en laboratoire une quantité industrielle de ces sous-marins en une heure seulement, soit une performance beaucoup plus élevée que la capacité industrielle existante actuellement. Plus important encore, l’effort de développement nécessaire pour orienter les sous-marins vers leur cible est minime”.
Les chercheurs ont testé leur méthode en laboratoire sur 8 types de cellules cibles de deux maladies différentes: le lymphome et une maladie inflammatoire de l’intestin. Dans le premier cas, ils sont parvenus à augmenter de 2,5 fois la durée de vie de souris malades du cancer du sang, avec un minimum d’effets secondaires. Dans le second, ils ont pu faire taire un gène inflammatoire dans une sous-population de cellules immunitaires, réduisant de manière significative l’inflammation des intestins.
“Il s’agit d’une percée technologique qui permet une grande avancée sur la voie de l’application d’une médecine personnalisée précise et efficace, à la fois sur le plan médical et économique”, conclut le Prof. Peer. “Notre méthode permet de préparer un médicament prêt à l’injection adapté au profil génétique d’un patient spécifique en quelques semaines, par comparaison aux années de développement nécessaires avec les méthodes précédentes. Nous espérons arriver à des essais cliniques sur des patients dès que possible”.
Ont également participé à l’étude des chercheurs du laboratoire du Prof. Dan Peer ainsi que du Prof. Itai Benhar de la Faculté des sciences de la vie de l’Université de Tel-Aviv, et le Dr. Mark Behlke de la société américaine IDT (Integrated DNA Technologies). La recherche a été financée par le Centre Dotan d’hémato-oncologie de l’Université de Tel-Aviv, la Fondation Helmsley pour la recherche en nanotechnologie, la Fondation Rainin et une subvention du Conseil européen de la recherche (ERC).
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