Un article du « Forward » par Ben Sales, Traduit et adapté par Victor Kuperminc [1]
« Ils sont d’un niveau physique et mental très bas ; ils sont crasseux, ils sont d’un comportement dangereux. Ils sont non Américains. »
Ce sont les termes présentés à la haute Autorité de l’immigration, en 1924. Un document rédigé par le Directeur des Services Consulaires des Etats-Unis, approuvé par le Secrétaire d’Etat. Cette année-là, le Congrès avait approuvé un texte qui limitait drastiquement l’immigration en provenance du Sud et de l’Est de l’Europe. Une réponse aux sentiments xénophobes exprimés à travers le pays.
La note ne mentionnait pas les Juifs ; mais ils étaient visés. Selon les statistiques 120000 juifs arrivèrent aux Etats Unis en 1921. Après la promulgation de la loi, le chiffre tomba à 10000. Les journaux titrèrent : « L’Amérique ferme ses portes à l’immigration. »
La théorie nativiste du siècle dernier fut de nouveau exprimée par les termes utilisé par le Président au cours d’une récente assemblée de législateurs, au cours de laquelle les participants rapportèrent qu’il posa la question : « Pourquoi les Etats-Unis autorisent-ils l’accueil de gens en provenance de « pays de merde ». Étaient visés, les immigrants d’Afrique et d’Haiti. Il suggéra que l’on admette plutôt les immigrants en provenance des pays du Nord, comme la Norvège.
Trump tweeta un vague démenti. Mais, les termes utilisés furent confirmés par nombre de participants, dont le Sénateur de l’Illinois, Dick Durbin.
Bien que les représentants de 1920 n’aient pas utilisés les mots de Trump, ils s’opposèrent à l’accueil des immigrants venant de « pays indésirables » tels que les Italiens, les Slaves et les Juifs d’Europe orientale. De même, les Chinois furent également bannis. Le Sénateur David Reed, qui donna son nom à la Loi de 1924, souhaita le premier « qu’on accueille plus d’immigrants en provenance des pays nordiques ».
Un amendement à la Loi de 1924 concernait principalement le nombre des Juifs Russes émigrant en Amérique en « disproportion incompatible avec la population dominante de ce pays ». Le sénateur qui avait présenté le texte nia être antisémite. L’amendement ne fut pas retenu.
Ce préjugé exista durant des décennies avant la Loi de 1924. Une communication présentée par le Sénateur Henry Cabot Lodge désignait « les Juifs, les Italiens et les Polonais comme « des races nuisibles au peuple américain. »
« Aux yeux des politiciens des années 1920, les indésirables étaient les Juifs, les Italiens et les Slaves », affirme Jonathan Sarna, professeur d’Histoire Juive à la Brandeis University. Aujourd’hui, ce sont les Haitiens, les Latino Américains et les Africains. Il fut un temps où nous étions les indésirables. Les Juifs de cette époque admettaient volontiers qu’ils étaient heureux de fuir leurs mauvaises conditions de vie.
Le poème d’Emma Lazarus[2], gravé sur le piédestal de la statue de la Liberté de New-York, les qualifiait de « rebut ». La différence avec la tendance actuelle, c’est que ces conditions de vie étaient considérées comme une raison de les accepter, non de les refuser.
Voici les derniers vers de ce célèbre poème :
« Garde, Vieux Monde, tes fastes d’un autre âge…
Donne-moi tes pauvres, tes exténués,
qui, en rangs pressés aspirent à vivre libres,
le rebut de tes rivages surpeuplés, envoie-les moi,
les déshérités que la tempête me les rapporte,
de ma lumière, j’éclaire la Porte d’Or »
Pour nombre de Juifs, et pour la majorité des américains, qui se souviennent de leurs propres racines, l’Amérique était un refuge, « le pays des grandes opportunités où les gens libres et courageux pouvaient réaliser de grandes choses. »
Il faut noter que les Juifs n’ont eu que dans de rares occasions à subir ce fanatisme, après la Première Guerre mondiale. Les Italiens du Sud, par exemple, étaient considérés comme des rustres impossibles à éduquer. Ce fut bien pire pour eux. Par contraste, les Juifs étaient considérés comme « un peu trop chanceux, leur réussite un peu trop rapide. » Ils étaient considérés comme des concurrents.
Les experts considèrent que les mêmes peurs animent les nativistes de 1920 et ceux d’aujourd’hui. Dans les deux cas, disent-ils, leurs réactions sont basées sur la peur d’autres cultures, qui pourraient perturber la société blanche américaine. Ils avaient peur que ces immigrants changent le pays, ce qu’ils firent effectivement. Moins de protestants, moins d’Européens, moins de Nordiques. De ce point de vue, rien n’a changé.
Mis à part le langage ordurier, certains ont suggéré que les commentaires du Président peuvent être compris comme une esquive d’avoir à débattre de la société américaine. Les Etats-Unis doivent-ils accepter les immigrants, dans le but de défendre la liberté et de permettre une vie décente aux opprimés ? ou bien la première considération est-elle la recherche de ce qui est meilleur pour les Etats-Unis ?
D’autres pays, tels que l’Australie, le Canada, la Grande Bretagne et la Nouvelle Zélande, par exemple, ont mis en place un système de points, permettant de favoriser les immigrants avec un meilleur niveau d’éducation et d’expérience.
Victor Kuperminc
[1]* Le terme utilisé par Donald Trump est « shit hole countries » qui pourrait se traduire également par « pays de chiottes »
[2] * Emma Lazarus (1849-1887), poétesse juive américaine, fille de Moses Lazarus et Esther Cardoso, sépharades d’origine portugaise.
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