Sophie Bessis est une historienne spécialiste du Maghreb et journaliste franco-tunisienne, auteure de plusieurs ouvrages sur la Tunisie (Habib Bourguiba : biographie en deux volumes, Paris, Jeune Afrique, 1988; Les Valeureuses : cinq Tunisiennes dans l’histoire, Tunis, Elyzad, 2017).
Elle assure actuellement la direction des recherches de l’Institut de relations internationales et stratégiques de Paris (IRIS) et le secrétariat général de la fédération internationale des droits de l’homme (FIDH).
Dans une interview accordée à franceInfo jeudi 11 janvier, la chercheuse a révélé son analyse sur les violentes protestations qui touchent le pays depuis plusieurs jours.
Selon Sophie Bessis l’ampleur des manifestations de ces derniers jours est particulière, elle s’explique par une “désespérance de la population”, et une “dégradation des fondamentaux économiques et sociaux” mais pas seulement. “Les émeutes auxquelles on assiste aujourd’hui ont un “côté manipulé” dont il faut tenir compte”.
“Incontestablement, certains aspects de cette loi finances dérangent les intérêts de certains lobbies qui importent beaucoup. En Tunisie, une grande partie de l’économie est une économie parallèle. Dans un certain nombre de régions, les directeurs de cette économie parallèle ont tout intérêt que l’on proteste contre des taxes qui leurs portent préjudice”, poursuit-elle.
Concernant la nature des manifestations, elle explique qu’en vue des pillages et des destructions, celles-ci ne peuvent pas être uniquement citoyennes. “Je ne blanchis pas le gouvernement mais une partie des manifestants sont des casseurs et des pilleurs, qui s’attaquent à des banques, des synagogues” a-t-elle ajouté.
Quant à l’impact général de ces événements sur le pays, la journaliste rapporte, sans surprise, le constat d’une position très délicate. “La Tunisie est dans une position fragile, ses fondamentaux économiques et sociaux sont d’une très grande fragilité et sa classe politique s’est révélée incapable de mettre au point un plan à long terme”, a-t-elle déclaré.
Dénonçant la passivité du gouvernement face aux problématiques sociales qui rongent le pays, elle déclare que celui-ci “doit faire des sacrifices, dans la mesure où il a vécu au-dessus de ses moyens ces dernières années sans résoudre aucun problème social”. “Le problème est de savoir qui va payer ces sacrifices, quelle couche sociale?”, poursuit-elle.
Anissa Mahdaoui
Huff Post Tunisie
Qui va payer ? En France on a la réponse : les retraités.