Eviction de Rokhaya Diallo : Céline Pina répond au New York Times

Dans un éditorial, le New York Times voit dans l’éviction de la militante associative Rokhaya Diallo du Conseil national du numérique la preuve que la France refuse d’affronter la question du racisme. Céline Pina réfute les arguments du célèbre journal américain.

«La France ne réussit pas à affronter le racisme»: la sortie de route du New York Times

D’un éditorial du New York Times, on devrait s’attendre à ce qu’il traite d’évènements suffisamment importants pour influer sur le devenir du monde et non qu’il prenne position dans des joutes anecdotiques. Or en signant un éditorial engageant toute la rédaction à propos de l’éviction de Rokhaya Diallo du Conseil national du numérique, le journal abîme l’image d’un journalisme outre-Atlantique, fruit d’une méthodologie rigoureuse, d’un travail d’expertise et d’enquête sérieux où, les journalistes seraient de vrais professionnels et ne se prendraient pas pour des Saint-Just de cocktails mondains. Pour le coup, en faisant du refus de la nomination de cette militante associative une affaire de racisme, le quotidien américain commet une erreur de fait. En se saisissant de ce prétexte pour faire le procès de la France raciste, il commet de surcroît une faute morale. Si Rokhaya Diallo n’a pas été jugée digne d’intégrer cette instance administrative, ce n’est parce qu’elle est noire, mais bien à cause de son propre racisme, de son sexisme et de sa proximité avec la mouvance islamiste.

A moins que l’objectif ne soit d’attaquer la France au nom de l’injonction multiculturaliste que veulent imposer les principaux influenceurs anglo-saxons de par le monde, on ne comprend pas ce soudain intérêt pour une personne aussi peu connue du grand public. D’ailleurs, au vu de l’image qu’il en donne, le New York Times ne connaît pas non plus la personne qu’il défend. Le quotidien américain préfère ici façonner une icône selon ses désirs, plutôt que de se pencher sur ses prises de position racialistes et racistes dans le débat public en France.

On peut le comprendre: il doit être déculpabilisant, lorsqu’on vit dans un pays qui a pratiqué la ségrégation jusque très tard dans son histoire et dont les crimes racistes sont toujours légion aujourd’hui, de pouvoir se poser en donneur de leçons. Sans aller chercher très loin dans le passé, rappelons que la France a été un asile pour de nombreux artistes noirs, car ils y étaient, à leur grand étonnement, considérés comme égaux aux blancs. L’immense trompettiste américain Miles Davis y a vécu en 1949 une histoire d’amour avec l’égérie – blanche – de Saint-Germain-des-Prés Juliette Gréco, sans que personne en France ne s’en émeuve. Quelques années plus tard, un grand hôtel de Las Vegas faisait changer l’eau de sa piscine après que la grande chanteuse – noire – Lena Horne s’y fut baignée. Quant à Chester Himes, c’est à Paris qu’il connut le succès quand l’Amérique où il était né l’ignorait.

Rokhaya Diallo ou le règne de l’autopromotion et du renversement des valeurs

Ceci étant dit, examinons maintenant l’expertise portée par Mme Diallo dans le domaine du numérique. Le moins que l’on puisse dire c’est que le Conseil national du numérique ne perdait pas en sa personne une compétence irréfutable en la matière dont l’absence aurait décrédibilisé ses travaux.

Car Rokhaya Diallo, c’est avant tout le règne de l’autopromotion et du détournement du sens: elle se qualifie elle-même de militante féministe et antiraciste. Elle est exactement l’inverse.

Son féminisme ne défend que le droit de porter le voile et lutte contre la loi de 2004 interdisant les signes ostentatoires religieux à l’école. Son intervention la plus marquante en la matière se résume à ceci: «Je ne vois pas en quoi le fait de marquer la féminité par un voile est plus sexiste que de le marquer par des talons aiguilles ou minijupe». Pour l’aider, rappelons que l’on ne connaît pas de femmes défigurées à l’acide ou assassinées pour avoir refusé de porter des talons-aiguilles. On ne connaît pas davantage de brigade du vice s’assurant que les jupes des filles sont assez courtes et munies de ciseaux pour les découper au cas où l’indécence ne serait pas assez manifeste. Rappelons également qu’un vêtement, cela se porte un jour, se change le lendemain, cela varie avec la saison, la mode, la météo ou l’humeur… Mais essayez donc de faire de même avec le voile dans un pays musulman fondamentaliste, ou dans certains quartiers en France, d’ailleurs. Et vous verrez très concrètement la différence entre un vêtement et un signe religieux. Mais de cela le New York Times n’a cure.

Mme Diallo s’autoproclame féministe, le New York Times la couronne ainsi. Peu importe si elle défend l’imposition d’un signe religieux dont la signification est claire: la femme est un être impur, son corps, ses cheveux sont une provocation et elle est d’un statut inférieur à l’homme. Que cette personne fasse la promotion d’un signe qui marque la place subalterne de la femme et son refus de lui accorder l’égalité en droit est son choix. Qu’elle fasse passer un tel engagement pour du féminisme est en revanche une imposture.

Imposture dont la grande intellectuelle féministe algérienne Wassyla Tamzali dévoile d’ailleurs les dessous. Le prétendu «féminisme islamique», dont Rokhaya Diallo se veut une représentante, est en réalité une arme forgée par les islamistes dans le cadre de leur volonté de conquête culturelle, laquelle passe par la contestation systématique de l’universalisme et la promotion du relativisme culturel dans tous les domaines. Ainsi l’«islamo-féminisme» vise à délégitimer l’action des féministes universalistes qui considèrent le féminisme comme un enjeu et un combat dont les conquêtes doivent bénéficier à toutes les femmes. Or le prétendu «féminisme islamique», loin de contribuer à l’émancipation des femmes, participe à la propagation de l’idéologie islamiste et du patriarcat qui lui est consubstantiel. Conquérir des droits universels ne l’intéresse pas. Cette mouvance, très présente au sein des institutions internationales, est un des plus efficaces cheval de Troie des islamistes. Mais de cela, le New York Times n’a cure, son urgence est autre: envoyer rôtir dans l’enfer du racisme tous ceux qui s’opposent à sa logique multiculturaliste!

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Céline Pina est essayiste et militante. Elle avait dénoncé en 2015 le «salon de la femme musulmane» de Pontoise et a récemment publié Silence Coupable (éditions Kero, 2016). Avec Fatiha Boutjalhat, elle est la fondatrice de Viv(r)e la République, mouvement citoyen laïque et républicain «appelant à lutter contre tous les totalitarismes et pour la promotion de l’indispensable universalité de nos valeurs républicaines».

Source lefigaro

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3 Comments

  1. Admirable Céline Pina, l’une des seules véritables intellectuels existant aujourd’hui dans l’espace public. Argumentation brillante démontrant la désinformation des médias américains. Le NYT et le WP sont une honte du journalisme planétaire. Quant à Rokhaya Diallo, une seule question se pose : comment se fait-il qu’elle n’ait jamais été jugée pour ses propos relevant de l’incitation à la haine raciale ?

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