Auschwitz, dans la mémoire des juifs français

Le grand rabbin de France, Haïm Korsia, emmène jeudi 7 décembre 170 personnes visiter le mémorial à Auschwitz-Birkenau, un « voyage de la mémoire » qu’il organise chaque année depuis quinze ans.

C’est un rendez-vous annuel auquel Haïm Korsia, grand rabbin de France depuis 2014, et auparavant aumônier en chef du culte israélite pour l’armée, ne déroge pas. Pour la quinzième fois, il affrète ce jeudi 7 décembre un avion pour emmener 170 personnes à Auschwitz-Birkenau (Pologne), qui fut le plus grand camp de concentration et d’extermination d’Europe, sous l’Allemagne nazie.

« Il ne s’agit pas d’un voyage de la communauté juive, précise Moché Lewin, rabbin du Raincy (Seine-Saint-Denis) et conseiller spécial du grand rabbin de France. Il y a plus de non-juifs que de juifs qui participent à ces “voyages de la mémoire” de Haïm Korsia. Il s’agit de transmettre cette mémoire du génocide au-delà de la communauté. »

Car le camp d’Auschwitz a une place « centrale » dans l’histoire de la Shoah, pour les Français juifs, selon l’historien du Mémorial de la Shoah Olivier Lalieu. « L’histoire d’Auschwitz ne résume pas ce qu’a été le génocide des juifs par les nazis à l’échelle européenne, mais ce fut un lieu majeur de la déportation des juifs de France », ajoute-t-il. Entre sa création, le 27 avril 1940, et sa libération, le 27 janvier 1945, plus de 1 100 000 personnes y sont mortes, dont 90 % de juifs. Et sur les 76 000 juifs déportés depuis la France, plus de 69 000 l’ont été à Auschwitz. Seuls 2 500 sont revenus, soit 3 % d’entre eux.

Un lieu de réflexion

Raphaël Esrail, aujourd’hui âgé de 92 ans, était l’un de ceux-là. « Sur place, nous étions des morts en sursis, se souvient-il. Tout le comportement des nazis dans le camp découlait de cela. Nous n’étions maintenus en vie que tant que nous étions considérés comme utiles. » Déporté en février 1944, à l’âge de 18 ans, après avoir été arrêté pour des faits de résistance, celui qui préside l’Union des déportés d’Auschwitz (UDA) n’a pu y revenir qu’en 1981, trente-six ans après sa libération. Mais depuis, il y est retourné « à de très nombreuses reprises », organisant avec l’UDA une vingtaine de voyages pour enseignants et élèves.

« Ceux qui sont rentrés, puis retournés au camp sont meurtris, témoigne-t-il. On n’y va pas pour retrouver des souvenirs, mais comme dans un cimetière, un lieu de réflexion. » Le président de l’UDA se souvient d’une famille, déportée dans le même convoi que lui. « Des parents et des 10 enfants, seules deux filles ont survécu, raconte-t-il. L’une d’elles a accepté, longtemps après, et sur mon insistance, d’y retourner. Cela lui a été bénéfique. Elle a pu enfin entamer un travail de deuil. »

« Ceux qui ont été déportés et gazés n’ont pas de sépulture, explique de son côté le rabbin Lewin. C’est le plus grand cimetière d’Europe. Ce n’est pas parce que ces personnes n’ont pas de tombe qu’il ne faut pas aller se recueillir à l’endroit de leur disparition. »

Une démarche de témoignage

Mais si les familles des défunts disparus dans le camp y retournent dans une « démarche de pèlerinage »« pour rendre hommage, sur le lieu de leur disparition, à ceux dont le corps a disparu de la surface de la terre », selon les mots d’Olivier Lalieu, les différents “voyages de la mémoire”, organisés par l’UDA, le Mémorial de la Shoah, ou encore le grand rabbin de France, ont aussi un but affiché de témoignage.

« Il s’agit de crier au monde ce que des hommes ont été capables de faire à d’autres hommes », souligne Raphaël Esrail. Les enseignants et élèves sont souvent parmi les premiers bénéficiaires de ces voyages, auxquels participent, tant que possible, les derniers rescapés. « Se rendre sur place permet de mieux se rendre compte de ce qui a pu s’y passer », explique Raphaël Esrail. Mais le témoignage direct des rescapés ne sera bientôt plus possible, « la génération des derniers déportés allant bientôt disparaître », explique Moché Lewin.

Dans cette perspective, l’UDA vient de mettre en ligne un site Internet, une mine de témoignages, photos et documents, sur l’ensemble des camps de concentration et d’extermination nazis, pour « former la jeunesse et les enseignants ».

« Depuis le début, le faible nombre de rescapés a été un frein à la perception de ce qui s’est passé à Auschwitz, souligne Olivier Lalieu. Mais les travaux d’historiens, la transmission familiale, des lectures, ou des visites au Mémorial de la Shoah permettent de transmettre cette mémoire. »

Un colloque consacré aux « gardiens de nos vies »

« En France, les trois quarts des juifs n’ont pas été déportés, car il y a eu des gens extraordinaires qui les ont cachés », rappelle Moché Lewin, rabbin du Raincy (Seine-Saint-Denis) et conseiller spécial du grand rabbin de France.

Un colloque est organisé lundi 11 décembre à l’Institut de France sur le thème : « Ils étaient les gardiens de nos vies » pour rappeler le rôle de ces héros qui, sous l’Occupation, sauvèrent des juifs au péril de leur existence.

Au programme, des interventions du grand rabbin de France, Haïm Korsia, du président du Consistoire central, Joël Mergui, ou encore de Jean-Bernard Lemmel, président de l’Association nationale en hommage aux Gardiens de la vie.

Rens. et inscriptions : sec-grf@consistoirecentral.fr

Source lacroix

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