Rue des Rosiers , le Café Des Psaumes, par Charles Baccouche

Du ciel descendent les volutes d’azur, des taches de soleil s’étalent en flaques scintillantes au long du jour sur l’étroite chaussée, elles se déplacent au gré des heures balayant la ruelle et remontant les murs de ses immeubles vénérables.

En effet, elle est ancienne, la rue des Rosiers qui se glisse au cœur du Marais, entre les grandes avenues commerçantes de la Bastille au Chatelet, voire à la Concorde pour l’une au moins.

Il faut entendre ces milliers de pieds qui, chaque jour de mars à novembre, piétinent les dalles pas bien jointes de la rue des Rosiers. Pourquoi rue des Rosiers d’ailleurs, car on chercherait en vain la moindre rose, sauf à faire preuve d’un entêtement peu convenable.

On dit cependant qu’il en eut des roses dans cette rue, la preuve c’est qu’une chanson parisienne se désole qu’« Il n’y a plus de roses dans la rue des rosiers » On sait bien que les modestes endroits connaissent parfois une étonnante notoriété. C’est vraiment le cas de cette petite rue qui n’est en réalité qu’une ruelle, coincée entre la grande rue de Rivoli et la rue des Francs Bourgeois.

La rue de Rivoli est longue, celle qui va de la Bastoche à la Place de la Concorde  qui voit assez drôle ce nom de Concorde pour une place qui porte en son centre l’Obélisque de Louxor âgée de 3 300 ans, arrachée à l’Egypte par Napoléon et qui vit rouler la tête de Louis XVI le roi malheureux de la révolution …qui aussi, chaque 14 juillet les armes de France défilent devant le Président de la République, mais ce n’est pas le sujet.

Revenons au sujet qui inscrit la rue des Rosiers entre la rue de Rivoli bordée de boutiques et de brasseries toujours vivantes, Rivoli qui rappelle la victoire de Bonaparte lors de la Campagne d’Italie avant qu’il ne devint le prince incontesté de la grandeur du pays des gaulois, et la rue des Francs Bourgois dont le nom même souligne l’Histoire bimillénaire de la doulce France.

Ce nom étonnant (pour les gueux un bourgeois ne pouvait être franc) en réalité dès 1334, des « maisons d’aumônes » accueillirent des «franc-bourgeois »  c’est-à-dire des bourgeois pauvres. Bien sur puisque que le terme bourgeois est devenu synonyme de riche assez récemment, les bourgeois n’étant à l’origine que les habitants du « bourg » Elle est devenue un rendez vous des touristes et des noctambules parisiens.

Pourtant, la rue des Rosiers est bien plus connue dans le vaste monde, que ces deux artères si parisiennes qui finalement, se fondent dans les beautés de la Capitale.

Au cœur de cette rue ou le folklore des fallafels le dispute aux boutiques de vêtement de luxe qui ont investi ce couloir pensant que des œufs d’or en sortiraient mais tuant en même temps le caractère envoûtant de cette rue aux juifs, qui de génération en génération, de pays en pays, de pogroms en massacres ont trouvé un refuge et retrouvé leur souffle et leur identité.

Nichée au cœur du Marais, endroit que tout femme ou homme bien né  se plait à dire qu’il est son lieu préféré, la rue des Rosiers révèle une lumière spéciale différente des lumières de la ville, elle cependant reste originale malgré les efforts des marchands de luxe pour lui enlever son caractère et en faire une grande place commerçante.

C’est que dans un recoin entre la rue des Ecouffes et la rue Pavée, s’ouvre une porte un peu bleue  dont le fronton porte le nom surprenant de « Café des Psaumes » en un seul mot pour signaler son adresse électronique : Cafédespsaumes, comme on voit sur cette photo déjà connue.

Il n’est déjà pas ordinaire d’appeler un endroit ou finalement on consomme des liquides divers (cafés certes, mais aussi coca colas,  divers limonades colorées) « Café des Psaumes »

Est-ce à dire qu’on y récite des psaumes, des vers des textes sacrés de David ou de Salomon ou de Ibn Gabirol ou des poèmes d’Alterman ? Pas spécialement. D’abord ce café n’est pas une brasserie, ni un bar, ni un restaurant, on voit que le mystère s’épaissit. C’est un endroit étrange car il faut être étrange soi même pour s’y arrêter et s’y poser pour ne plus le quitter.

C’est alors que le chaland prend conscience qu’il est entré au café des merveilles ou des miracles selon ses convictions, tellement on a quitté la cohue de l’extérieur  pour une nouvelle ambiance chaude et calme à la fois.

Tout se mêle au Café des Psaumes, on chante, on rit, on écoute la musique klezmer et Orientale, on danse aussi avec des foulards, on expose des tableaux du sous sol au 1er étage

Les gens qui s’y plaisent deviennent des habitués presque des Institutions mais dans un renouvellement permanent de visages qui d’un jour à l’autre ne sont pas identiques à ceux de la veille.

Certains disparaissent de longs mois, d’autres sont de constants fidèles assis pendant des heures (mais pas toujours les mêmes, ni aux mêmes heures) sur l’étroite terrasse ou seuls deux tables et deux fois quatre chaises sont autorisées par la Mairie. Mais la banquette collée au long couloir (pas si long d’ailleurs) est occupé par de vrais habitués qu’on croirait presque que c’est ici leurs domiciles.

Tout cela pour le prix de consommations à un ou deux euros, en encore on n’exige pas toujours le règlement en ce surprenant Café des Psaumes.

Il y va de notre crédibilité de soulever le voile de ces bizarreries, qui sont  de vraies merveilles au cœur de Paris par la grâce bien sur de l’OSE, « l’œuvre de secours aux enfants » qui fit tant pour arracher tant et tant d’enfants juifs des griffes des barbares nazis, qui a élargi son action depuis, à tous les enfants du Monde, L’OSE qui est secourable pour les pauvres et les miséreux, les solitaires, les sans lieu, les laissés pour compte de la vie.

L’OSE a acquis ce lieu dans la rue des Rosiers, un coin tout petit de 70 M² du sous sol au sommet, composé d’un couloir rétréci par la banquette, un premier étage, donnant sur une cour par son unique fenêtre, et un sous sol bien éclairé, agrémenté d’une longue table.

Que pouvait-on espérer de cette enclave perdue au milieu des beaux magasins, des restaurants emplis de touristes ? Dans ce local coincé entre une boulangerie et un hangar ?

C’est curieux que tant de personnes, fort occupées par ailleurs donnent gracieusement de leur temps au Café des Psaumes et y prennent un plaisir manifeste.

Il s’agit des Bénévoles, qui, dans un carrousel de plateaux montent et descendent l’étroit escalier, se penchent sur les retraités les anciens qui ont connu d’autres vies dans de sinistres contrées, ils n’en disent rien mais n’ont rien oublié. Leur présence manifeste un témoignage silencieux.

Des familles avec bébés viennent se rafraichir au Café des Psaumes, des Ashkénazes et des Sépharades se titillent et se taquinent ou discutent gravement de l’évolution du Monde qui ne va, hélas, pas dans le bon sens. Dans le même temps, des conférences de haute tenue se tiennent au sous sol, tandis que l’air ambiant porte les  variations musicales d’un pianiste en recherche d’inspiration.

Mais comment cette énergie toujours pétillante et toujours positive est-elle possible en permanence au Café des Psaumes ?

Il faut malmener un peu la modestie du Responsable, animateur discret des manifestations artistiques et culturelles qui enjolivent le Café des Psaumes, et l’humilité de sa première et douce collaboratrice qui est son alter ego aux yeux de tous.

Toujours attentifs aux moindres souhaits des clients (sont-ce seulement des clients ? Ces gens un peu particuliers qui peuplent ce haut lieu de l’accueil et de la gentillesse),  Ils donnent aux lieux son caractère unique, juif en son essence, sans exiger une foi ou une croyance.

Les deux responsables du Café des Psaumes n’avoueront pas qu’ils sont l’âme du Café des Psaumes  (Ils le savent en leur intime conviction. Sans  eux Il y aurait probablement un Café des Psaumes, parce que l’OSE est capable de faire de belles choses pour le bien commun,  mais ce serait autre chose, différent avec d’autres vertus et d’autres rires.

Mais celui que nous connaissons est sans rival dans la multitude des Etablissement parisiens. Ce lieu est  unique par son ambiance même.

Il apporte le tranquille bonheur d’un partage de fraternité dans les heures éphémères du jour, sa vocation réussie reste de répandre la paix du cœur dans les multiples parfums de la Rue des Rosiers.

On n’est pas déçu de fréquenter le Café des Psaumes, on en ressort comme d’une cure de plaisir et déjà prêts à affronter les défis quotidiens de la vie.

Je vous invite à venir partager un café ou un verre sans alcool au Café des Psaumes, pour le prix d’un Euro.

Charles BACCOUCHE

 

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