Réflexion subjective, assumée, du matin, en forme de Profession de foi. Objet : l’antisémitisme, ses causes, son revival actuel et mon désir à moi, goy, aujourd’hui d’afficher ce moi aussi, je suis juive.
Le Peuple du Livre. Quelle expression magnifique: habiter un texte et non un territoire borné par des frontières et une histoire; habiter un récit qui ne soit pas un roman national, un discours idéologique , dogmatique, psychologique , moral, destiné à l’édification des masses mais s’adressant à chacun. Interrogeant sa condition d’humain et pour tous ceux qui savent lire et donc entendre , celui de la condition humaine invariante, celui du dialogue intime de l’Homme avec son Dieu qu’il n’est pas et donc un récit du dialogue de l’Homme avec lui-même et le monde ; celui des mythes dont jaillissent sous-jacents l’Histoire de la violence éternelle, du sacrifice cathartique originel et toujours recommencé et sa déconstruction – le Dieu d’Abraham qui finalement n’exige pas d’Abraham le sacrifice de son fils ainé, le bouc émissaire dont la transformation en agneau devrait faire comprendre qui est le bourreau et qui est l’innocent, Sodome et Gomorrhe qui sont détruites non pas parce que ce sont des villes de scandale mais parce que l’ange envoyé par Dieu pour vérifier les faits marchande son sauvetage en disant et si je te trouve 1000, puis 100 puis 10 justes, épargneras tu Sodome ?
Oui mais la ville est détruite car l’ange n’ose pas descendre jusqu’à Et s’il y a un seul juste. Et la ville est détruite. Il y avait pourtant 2 justes mais l’ange avait perdu la foi en l’Homme.
Mais aussi les fulgurances poétiques , l’humour au sens le plus profond, spirituel, celui qui reste fasse à l’impuissance et à la faiblesse …
Un récit donc qui ne s’adresse pas qu’aux Juifs bien qu’il ne soit pas messianiste soit impérialiste mais pourtant un récit qui porte en lui tous les récits du monde, un récit plus grand que nous” mais que nous portons tous un peu pour peu qu’on tende l’oreille… Le Peuple du livre et donc un Peuple de la transmission d’une parole libre, intime, ouverte, un récit face auquel chacun peut et doit se confronter seul, interpréter, en rechercher le sens qu’il a pour lui seul.
Alors , intuitivement, tous ceux qui sont habités par l’instinct de violence et le refus de le regarder en face, tous ceux qui édifient des murs, des théories, des idéologies, , une morale définissant ce qui est bien et mal, ceux qui sont bien ou mal , distribuant les bons et mauvais points ; ceux qui glorifient la force; ce qui n’entendent pas la poésie et ne voient pas la beauté ; bref, tous ceux qui au fond sont des juges et portent donc en eux l’instinct du bourreau ou qui se rassurent à bon compte avec des historiettes lénifiantes politiques mais aussi psychologiques : tous ceux-là, donc, intuitivement perçoivent le danger d’un texte et d’une transmission pour leurs systèmes de pensée qui sont des ordres de pensée; texte et transmission dont en outre, parfois, ils se sentent exclus puisque donc, le judaïsme est une religion endogame.
Alors la jalousie aussi s’instaure… De là, de cette intuition que le texte et l’Histoire du peuple juif est un danger pour tous les systèmes clos, territoriaux , identitaires, totalitaires où l’identité échappe à la dimension de l’être pour se faire discours de masse, de revendication identitaire.
Ce Livre et ceux par qui il se transmet et qui portent cette transmission comme signe de leur identité et aussi parfois comme signe de fidélité , est bien un danger comme l’art, la littérature, ceux qui non pas contestent le discours social mais font un pas de côté car la condition d’humain n’est pas réductible à l’ordre social, elle est intemporelle mais mouvante , fragile , refuse les rapports de domination ….Mais eh oh, tout le monde (Tiens, on dirait du Mélenchon !!!) ce Livre , tout le monde peut le lire et tout le monde peut y lire ce qu’il en entend et tout le monde peut en transmettre ce qu’il porte de singulier (en ce qu’il touche personnellement celui qui le lit ) et partant d’universel .
Alors, le peuple du Livre est devenu aussi désormais un peuple territorial et pour beaucoup un peuple territorial problématique et viennent se jouer et s’ajouter à ce qui précède désormais la variante de la légitimité de l’existence d’Israël, de sa politique, des palestiniens et tout cela avec la dimension et l’ambivalence des sentiments et positionnements ( sidération, honte, mais aussi pour certains jalousie dans une espèce de livre de compte des concurrences victimaires ) suite à l’Horreur (je mets volontairement une majuscule ), du projet en grande partie réussi de l’extermination des Juifs d’Europe.
Horreur qui a réinscrit la question du Mal au coeur de l’Histoire , des sociétés humaines, de chacun d’entre nous . La question ici n’est pas de développer un discours politico-éthique sur la politique actuelle d’Israël car je l’avoue, le peuple territorial m’intéresse moins que le peuple du Livre SAUF QUE l’antisémitisme new look qui ressurgit et déferle se nourrit et j’affirme prend prétexte ( ceci n’est pas un déni de la gravité de la situation et du sort des palestiniens mais je prétends que la focalisation obsessionnelle de certains sur Israël prouve que sous couvert du cache-sexe du mot antisionisme , se dissimule -et de plus en plus mal- l’antisémitisme . Cet antisémitisme , il est présent d’une façon absolument obscène à la gauche de la gauche et il ne laisse aucune chance aux Juifs :
- Tu es Juif de la diaspora ? Tu es un Rotschild , un Drai, un Attali, tu es un infâme capitaliste suceur de sang du peuple qui souffre ( discours Filoche à travers son tweet, Fofana avec Halimi… eh oui, les gars, c’est un raisonnement de même nature et au fond, tu es complice d’Israël par le seul fait que tu es Juif.
- Tu es israélien ? Tu es un colonisateur immonde …
- Tu es un homme politique qui défend non pas la politique d’Israël mais son droit à l’existence, tu dénonces l’antisémitisme? Tu es un judeofasciste et un raciste anti musulmans !
Eh les gars, ils font quoi les Juifs, ils se suicident ? Il ressurgit à l’extrême droite, Pologne, Hongrie et par le biais de “dérapages” le FN qui tente fallacieusement de se dédiaboliser.
Il déferle sur les réseaux sociaux sur les pages des sites dits communautaires, islamistes, essentialistes …
Alors , ne nous trompons pas , Nous retouchons là au Mal au sens ontologique ( les Juifs ne sont pas les seules victimes dans l’Histoire , ce n’est pas la question… putain, comment faire comprendre qu’on n’est pas dans le registre du concours des élégances victimaires et de la recension des atrocités ?!) … L’antisémitisme est une des figures du Mal et ce mal et les logiques mortifères qui le définissent portent en eux la mort et la destruction de nos parts d’humanité ce qui conduit toujours à la destruction physique de tous …..
C’est tuer le récit de la condition humaine dans ses grandeurs et bassesses dans le but insensé d’achever le refoulement car on refuse le dévoilement.
Alors, aujourd’hui, moi la goy que je suis, moi la française qui habite donc le pays des livres ( ce qui explique aussi pour moi en grande part la volonté farouche et névrotique de certains de vouloir détruire en elle ce qui fait sa spécificité et la portée universelle -prétention diront d’aucuns et pour cause, l’Universel est une menace tout comme le Livre l’est) , je ressens le besoin d’affirmer: “MOI AUSSI, JE SUIS JUIVE”
Catherine Gallois
Un écrit lumineux et d’une rare intelligence: chaque mot, chaque idée à sa juste place.
Comment coucher mieux sur une page vierge le cri, que peu nombreux, nous lançons à Dieu:
“MOI AUSSI, JE SUIS JUIF”.
merci d’éclairer par ce texte brillant ce sombre avenir …c’est votre honneur ,et toucher aux juifs parce qu’ils sont juifs conduira le monde inéluctablement vers de grandes catastrophes ils suffit de regarder pas si loin en arrière…
merci d’éclairer par ce texte brillant ce sombre avenir …c’est votre honneur ,et toucher aux juifs parce qu’ils sont juifs conduira le monde inéluctablement vers de grandes catastrophes il suffit de regarder pas si loin en arrière…
Bon, le terme “goy”, en Hébreu גוי, veut dire “nation”. Il est dommage de l’utiliser de façon intempestive et désobligeante. Dites “je ne suis pas juif/juive, cela est bien suffisant.
Votre remarque montre que vous n’avez pas bien compris d’où Catherine Gallois s’adresse à nous.
Cher Yosef ben Israël : d’après le dictionnaire à ma disposition, qui est très fiable, le mot “goy” veut bien dire “nation”, mais il veut dire, aussi, “non juif”.
Permettez-moi donc de m’excuser auprès de Madame Catherine Gallois, en votre nom.
En tout cas, les termes Goy et Non Juif n’ont rien de péjoratif, que je sache.
Un ressenti sensible et une analyse pertinente qui font communier la raison et le sentiment. Nul doute que la dimension et la mission universelles ne soient le fondement même de l’existence du peuple du livre.
Catherine Gallois , c’est un honneur de te compter parmi nous
Nous sommes tous des juifs français !
Soudain, un juif se sent moins seul…
Il reste donc au moins UNE juste dans cette Sodome planétaire ! J’avoue que je n’y croyais plus.
Merci Madame d’exister, ça prouve que notre vieux Livre à encore tout son sens.
Quel dommage, cette malheureuse phrase prononcée par le Général de Gaulle après la Guerre des Six Jours de 1967, traitant les Juifs de “peuple fier, sûr de lui et dominateur”, et ce, douze ans à peine après l’inénarrable Shoah.
Un propos cruel qui a, D’UN COUP et d’un seul, mis définitivement fin à la sympathie manifestée jusque-là par le peuple français à l’égard d’Israël, ce pays rejeté voire banni par la Ligue Arabe dès sa création le 15 mai 1948, suite à la Résolution de l’Assemblée Générale des Nations Unies du 29 novembre 1947.
Parallèlement, la Ligue Arabe s’est mise à tisser des liens de plus en plus serrés avec la France, au détriment d’Israël.
Aussi, votre initiative, Madame, me (nous) comble de joie, annonçant fièrement votre solidarité à l’égard du peuple juif.
Espérons vivement que d’autres, nombreux, se rallieront à vous.
Merci, bien cordialement.
Bravo
Excellente analyse
Je reprends volontiers à mon compte ce très beau texte.
Moi aussi je suis juif.
Il faudrait que nous soyons nombreux à le dire.
C’est avec une certaine tristesse que je constate qu’on peut par idéalisme littéraire, salir un texte aussi chargé de force positive que celui de Catherine Gallois. Peut-être est-elle plus juive qu’elle ne le pense.
Nous ne sommes pas dans un contexte de débat télévisé où tous les coups sont permis.
Soyons généreux au minimum: pour beaucoup de gens, chrétiens en premiers, la Palestine est cette région qui pour eux est Terre Sainte et qui a été désignée pour la création d’un foyer juif devenu pays.
Profiter de ce texte d’une grande humanité pour y introduire l’accusation d’une occupation en Cisjordanie relève d’une bassesse perfide.
A moins qu’il y ait l’excuse d’ignorance, voulant parler d’Israël sans les Juifs et le Judaïsme.
Quel dommage.