Gérant d’un snack à Lodève, l’homme est sous contrôle judiciaire. Le parquet de Montpellier veut qu’il soit écroué.
Des armes automatiques, des centaines de munitions, un voyage récent en Turquie, une photo de Saïd Kouachi et un plan localisant la synagogue de Montpellier : voilà de quoi glacer le sang de tout un chacun, et déclencher l’alerte rouge chez les forces antiterroristes. Pourtant, Mustapha, 24 ans, arrêté par les gendarmes le 13 novembre dernier à Lodève, est aujourd’hui libre de ses mouvements : le juge des libertés de Montpellier a refusé, après sa mise en examen, de le placer en détention, comme le parquet le réclamait.
Son ADN sur une carabine automatique
Vrai couac judiciaire ou décision adaptée ? Tout est affaire de point de vue. L’ADN de Mustapha, qui exploite un snack à Lodève, fréquente la mosquée et n’a ni casier ni fiche S, a été retrouvé sur une carabine automatique 22LR, ressemblant à une Kalachnikov, découverte il y a plusieurs mois dans une caravane abandonnée, entourée de carcasses de voitures. Deux ados ont déniché cette arme enveloppée dans une couverture rose, sous un matelas de la caravane, avec des chargeurs, un silencieux, et une boîte de 500 cartouches. Sur les voitures, des impacts de balles, comme si ce terrain vague servait de stand de tir.
Identifié via son ADN, Mustapha est arrêté par les gendarmes lodévois à son domicile, le 13 novembre, jour anniversaire des attentats parisiens. Il ne paraît pas surpris et indique lui-même où se trouvent les autres armes qu’il possède : un pistolet automatique et un revolver, tous deux de calibre 22LR. Sans compter un gilet pare-balles. Et des images, dans son téléphone, où on le voit manipuler un fusil à canon scié, un fusil à pompe… Placé en garde à vue, ses réponses déconcertent. Les armes ? Achetées à La Paillade, pour faire du “tir récréatif”, à des gens qu’il ne veut pas nommer.
Une photo d’un des tueurs de Charlie
La photo de Saïd Kouachi, l’un des tueurs de Charlie Hebdo, conservée dans son portable ? “C’était pour rigoler, parce qu’il me ressemble un peu”. La capture d’écran d’une recherche localisant la synagogue de Montpellier ? “J’avais rendez-vous à côté avec un ami et je ne savais pas où c’était”. Qui était cet ami ? Pas de réponse. Le voyage à Istanbul, en mai dernier ? “Du tourisme, avec des amis”.
“Profil très inquiétant”, souligne l’avocat général Manon Brignol à la cour d’appel, le 28 novembre. “Il ne faut pas se laisser berner. On recommande aux intégristes de ne rien laisser apparaître de leurs projets lorsqu’ils sont arrêtés. C’est un dossier trop sensible pour le prendre à la légère : le mandat de dépôt est une nécessité absolue pour protéger la société.”
“On se trompe de personnage, rétorque Me Abratkiewicz. Il a une photo de Kouachi, je le regrette, mais il a aussi une photo de Marine Le Pen, ce que je regrette tout autant ! Il n’est pas fiché S, il ne va pas se transformer en petit Mohamed Merah !”
À la barre, Mustapha affirme être dans ses petits souliers, et joue profil bas : “Ma vision de l’islam est très loin de celle des salafistes, et à Lodève, il n’y a pas de salafistes. Je vous garantis que je n’approcherai plus jamais d’une arme.”
Décision le 5 décembre.
C’est une honte d’embêter ce pauvre homme !
Tout indique qu’il est aussi innocent que son avocat.