Le BNVCA, ou Bureau National de Vigilance Contre l’Antisémitisme, fut fondé par celui qu’on surnomma le poulet casher, ou le Colombo sépharade, Sammy Ghozlan.
Financé à l’aide de quelques donations, le BNVCA affiche comme unique objectif la protection des Juifs de France et est résolument sur tous les fronts, de tous les combats, avec une immédiateté qui honore son Président, que certains prirent pour un Juif agité, un casse-pied, mais que Nicolas Comte, président du syndicat Unité S.G.P. de la police, tient pour un héros. Sammy, il a mis en place la cellule Maguen et un numéro d’appel[1]. J’espère qu’un jour auquel beaucoup reprochèrent jadis de faire trop de vagues et auquel les organisations juives répétèrent arrête, Sammy, ce héros trop modeste – oui, il en est – acceptera le principe d’un portrait.
En attendant, j’ai rencontré Maître Charles Baccouche, avocat du BNVCA au procès d’Abdelkader Merah et Fettah Malki.
TJ : Maître Baccouche, quelle part a le BNVCA dans votre activité, depuis quand et pourquoi.
Le BNVCA est le seul organisme de la Communauté qui agit et réagit systématiquement à l’encontre de tous actes ou insultes antisémites dans toute la France, par les voies de droit : Plaintes, signalement aux parquets, Constitutions de parties civiles et présence et plaidoiries aux audiences correctionnelles ou criminelles.
TJ : Il m’intéresse de savoir votre lien avec la Communauté. Avec Israël. Voire avec la religion.
Personnellement, mon lien avec la Communauté est fort au niveau des acteurs et plus faible au niveau des Responsables. J’ai vécu en Israël et deux de mes filles y sont nées, j’ai travaillé au Ministère de la Justice d’Israël, j’ai été Directeur de la « Maison de France » à L’Université de Jérusalem » et « Rakaz tarbout » de l’Union des Juifs de France et d’Afrique du Nord avec les intellectuels de l’Alyah de France, Eliane Amado, Levy Valensi, Manitou, A et R Néher et d’autres. Je suis un juif traditionaliste.
TJ : Le procès Merah. Vous ne fûtes pas de ceux qui demandèrent à ce qu’il fût filmé, en vertu de la Loi Badinter : avez-vous changé d’avis en cours de procès ?
Non car la douleur des familles, selon moi, n’est pas négociable sur le marché de l’émotion, et le film n’aurait rien ajouté aux débats qui ne concernaient ni le procès de l’Islam, ni celui du tueur, mais la complicité de son frère et de Malki dans les assassinats perpétrés par Mohamed Merah.
TJ : Quelle est la place du BNVCA sur les bancs des parties civiles ?
Le BNVCA étant une association, sa place fut difficile à faire admettre, et la primauté a été donnée aux Victimes et familles des victimes. Sa place n’est pas contestée cependant et j’ai pu plaider en cette qualité Vendredi dernier.
TJ : Si la liste qu’avait fournie l’ex-patron des renseignements toulousains, celle où figuraient des noms et notamment celui de Merah, avait été prise « au sérieux », avait été validée, voire étudiée, si l’Etat n’avait pas privilégié la seule piste de l’extrême droite, il n’y aurait pas eu Jonathan, Gabriel, Arié, Myriam ?
C’est possible, mais comment tirer des conjectures d’une situation qui ne s’est pas produite. Il est selon moi effectivement regrettable de n’avoir pas examiné toutes les pistes possibles, mais Le débat intellectuel sur la véritable vague terroriste n’a pas eu lieu, ni après les crimes, ni lors du Procès : c’est très inquiétant pour l’avenir.
TJ : Partagez-vous le pessimisme ambiant, concernant ce nouvel antisémitisme musulman ?
Oui mais ce n’est pas selon moi, un antisémitisme musulman exclusif, il est alimenté par la résurgence des thèses et actes nazis libérés depuis les années 2000. Ces deux phénomènes se nourrissent l’un de l’autre et arment le bras des tueurs islamistes dans le silence surprenant des Organismes officiels censés représenter l’Islam.
TJ : Pourtant, récemment encore, la stèle dédiée à la mémoire d’Ilan Halimi a été profanée ? Maître Szpiner parle sans détour d’une résurgence de l’antisémitisme en France ?
Il n’y a pas de résurgence de l’antisémitisme : il est présent depuis toujours et s’exprime ouvertement, violemment avec l’arrivée d’immigrés décomplexés, mais sans réponse ferme de l’Etat, sans cesse bafoué et sans cesse aveuglé par une veulerie mortifère.
TJ : Auriez-vous pu défendre Abdelkader Merah ?
L’avocat a vocation à défendre quiconque, selon notre code déontologique, personnellement je ne suis pas disposé à défendre Abdelkader Merah ni aucun de ses admirateurs.
TJ : Nombreux ont cru voir un certain mépris de Maître Dupond-Moretti à l’encontre des « avocats des victimes » ?
Je crois que cette question mérite l’avis des avocats des Parties civiles, dont certains ont eu des « mots » avec lui. Personnellement je ne juge pas les réactions des avocats.
TJ : Des avocats nous ont permis de publier leur plaidoirie : welcome…
Ma plaidoirie fut purement orale car il s’agissait de plaider sur la culpabilité et non sur les intérêts civils. Je me suis insurgé contre les échanges qui concernaient plus les degrés de pratiques de l’Islam de Merah et de Malki, j’ai essayé de démontrer que les trois se connaissaient car on ne donne pas un revolver et une protection à un garçon jeune et fanatisé sous la coupe d’une famille extrémiste et haineuse, et on ne regarde pas dans l’indifférence, le vol d’un scooter, Il me semble que le lien était établi !
TJ : Les media ont très peu couvert ce procès. Les mêmes media parlent plus des accusations qui pèsent sur Weinstein que sur Tariq Ramadan…
Les media étaient largement représentés lors des débats, mais effectivement, comme hélas souvent, la couverture fut très faible. Il me semble que les media ne sont plus à la hauteur de leur mission d’information impartiale.
TJ : De nombreux avocats des parties civiles trouvaient le procès difficilement gagnable…
Je ne faisais aucune conjecture, je savais que les preuves matérielles quant à la complicité d’assassinat étaient d’une part et en tout état de cause difficiles à apporter, mais d’autre part la complicité par fourniture de moyen et par instruction m’apparaissait suffisamment solide. Le Verdict est tombé. La Cour a bien reconnu un lien terroriste mais s’est arrêtée et comme dit le Parquet, sans tirer les conséquences de ses constatations.
TJ : L’assassinat de Sarah Halimi : serez-vous du procès ?
Je n’ai pas encore été constitué mais si ce procès ce tient, car ce n’est pas encore sûr, j’y serai probablement.
[1] 06 63 88 30 29
Propos recueillis par Sarah Cattan
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