À la recherche des dix tribus perdues d’Israël: en guise d’épilogue

La quête de ces tribus a fait longtemps rêver les romantiques et leur destinée a fait l’objet de nombreuses théories.
Reconstitution d’un lieu de culte à Essaouira au Maroc – HAIM BITTON

L’espoir de la rédemption future et du rassemblement des exilés a toujours fait partie intégrante de la vision des temps futurs, celle des temps messianiques.

En l’an 722 avant l’ère courante, les Assyriens conquirent le pays habité par les dix tribus du royaume d’Israël : Réuben, Simon, Issakhar, Zabulon, Naphtali, Gad, Asher, Ephraïm et Manassé. Seules les deux tribus de Juda et de Benjamin qui constituaient le royaume du Juda survécurent en Terre promise et c’est de ces deux tribus que seraient issus les Juifs. Que sont devenues ce que l’on appelle les 10 tribus perdues?

La quête de ces tribus a fait longtemps rêver les romantiques et leur destinée a fait l’objet de nombreuses théories. Se seraient-elles amalgamées au royaume de Juda? Auraient-elles fini par s’assimiler au fil des siècles? L’on retrouve aujourd’hui des populations qui revendiquent leurs origines israélites et les arguments qu’elles apportent à leur appartenance sont troublants.

Bien que le judaïsme ne professe pas le prosélytisme, certains chercheurs ont exploré la théorie de la conversion au judaïsme : Arthur Koestler a avancé qu’une grande partie des Juifs ashkénazes seraient issus du royaume des Khazars dont le roi se serait converti au IXe siècle. En se basant sur des arguments linguistiques, Wexler a avancé que la majorité des Juifs sépharades sont d’origine berbère. Néanmoins, les travaux récents en génétique confirment l’histoire juive et montrent un cousinage patent entre sépharades (Juifs du bassin méditerranéen), ashkenazes (Juifs d’Europe) ou même certaines tribus du nord de l’Afrique du Sud, notamment entre ceux portent le patronyme de Cohen.

En outre, maintes traductions locales perpétuent une identité qui prend sa source aux dix tribus d’Israël.

Traditions locales

Ainsi, les Telugu du village indien Kottareddipalem ont également une tradition selon laquelle ils descendraient de la tribu d’Ephraïm.

Les Iddao Ishaak sont une petite tribu de la vallée d’Asakrei au Nigeria. Ils revendiquent une ascendance juive. De fait, certains pensent que le nom du pays du Ghana viendrait de Gahanim, déformation de Kohanim. Le voyageur Ibn Batouta rapporte qu’il y eut au Moyen Âge une dynastie de 31 rois juifs au Ghana.

Les tribus montagnardes de Dan ou Yacouba en Côte d’Ivoire considèrent qu’elles proviennent d’une migration des Falashas d’Éthiopie; ils pratiquent la circoncision et respectent le jour du repos du Chabbat.

Les Ayabudayas d’Ouganda (littéralement : les Juifs) ont des pratiques juives et s’identifient comme juifs.

Les Lemba, tribu de langue bantoue, ont de nombreuses coutumes juives ; des tests génétiques ont confirmé leur ascendance juive.

Les Black Hebrews originaires de la région de Détroit et de Chicago se disent descendants de la tribu de Juda. Et cette liste est loin d’être exhaustive.

Les Juifs chinois qui sont pour la plupart originaires de Kaifeng, entre le Tibet et le Szechuan ont un regain d’intérêt envers leur identité originelle.

Une pléthore de théories singulières

Parmi les multiples théories singulières avancées pour authentifier la descendance des dix tribus perdues, notons celle du poète anglais Giles Fletcher (XVIe siècle), selon laquelle ce seraient les Tatars d’Asie centrale qui descendraient des dix tribus. Notons également la théorie propagée par le missionnaire écossais McLeod en 1867 : ce dernier a étayé tout un ensemble d’arguments pour avancer la théorie d’une origine israélite au sein de la population japonaise : les temples Shinto au Japon évoqueraient le temple de Salomon; certains termes japonais dont l’étymologie est inconnue auraient des significations hébraïques. On a même fait le rapprochement entre samouraï et Samarie… Aujourd’hui, la secte des Makouyas au Japon se considère comme issue de la tribu de Zabulon. Les Makouyas apprennent l’hébreu et organisent des pèlerinages à Jérusalem.

Grand admirateur de Benjamin de Tudèle, le Roumain Joseph qui aimait se faire appeler Benjamin le second voyagea de 1845 à 1859 en Turquie, en Égypte, en Syrie, en Terre sainte, au Kurdistan, en Mésopotamie en Perse, en Afghanistan et en Inde. Il rapporta que les Juifs d’Inde Bene Israel étaient selon lui les descendants des dix tribus perdues.

Dans son ouvrage nidhé yisrael, le premier président de l’État d’Israël Yitzhak Ben-Zvi s’intéressa aux diasporas juives. Il rapporte des témoignages relatifs à l’existence de tribus locales juives en Arabie et en Terre sainte dans les années 30.

L’actualité du thème des tribus perdues

Une prise de conscience émerge au sein des Pachtounes d’Afghanistan relativement à leur patrie d’origine. Il en va de même chez certaines tribus amazighs (berbères) et notamment les Kabyles qui assument leur passé juif ou chrétien.

De nos jours, la génétique nous apporte des réponses étonnantes. Toutefois, l’importance de la découverte génétique est tout à fait secondaire : le judaïsme est un ensemble de valeurs et une éthique exigeants. Au cours de l’histoire, l’appartenance au peuple juif a signifié la préservation de la foi et l’identification à la destinée du peuple juif. L’isolation des communautés dans des ghettos par les autorités chrétiennes ou islamiques a donné naissance à une identité aux multiples facettes au cours de l’histoire : elle peut être religieuse (notion généralement acceptée en France), ethnique (dans le contexte nord-américain) ou nationale (c’est le cas en Russie ou en Israël) ou encore une combinaison de ces dimensions.

Il est temps peut-être de remettre en question l’assertion selon laquelle les Hébreux sont un peuple exclusivement sémite. La nation des Enfants d’Israël s’est formée lors de l’Exode d’Égypte. Selon la Bible (Exode, 12-37), une multitude de personnes de toute espèce se seraient jointes aux Hébreux de la descendance des patriarches. L’histoire de l’Égypte et notamment celle de la XVIIIe dynastie, est marquée par des longues guerres contre les Hittites (indo-européens) qui furent en toute probabilité alliés au Hourrites (également indo-européens), les peuples de la Mer qui ont déferlé des îles grecques sur l’Égypte et le Proche-Orient, les Libyens qui s’étaient alliés à ces derniers ainsi que les Nubiens. Dans l’Antiquité, les prisonniers de guerre étaient mis en esclavage et la population qui sortit d’Égypte pour se rendre en Terre promise devait être un échantillon de l’humanité alors connue.

La notion de peuple élu (am segoula) est une mauvaise traduction. Le terme segoulan’apparaît qu’une seule fois dans la Bible; il peut être rapproché de l’akkadien (langue sémite de Mésopotamie) signifiant contrat : il s’agit donc du peuple de l’alliance ou du contrat avec des obligations morales et éthiques particulièrement rigoureuses. Un juif pieux bénit l’Éternel pour le choix fait d’entre les nations (mikol ha’amim), c’est-à-dire de chacune des nations et non pas parmi les nations (ben kol ha’amim).

Dans les Écritures hébraïques (Isaïe 27-12, Jérémie 3-18 etc.), le rassemblement des exilés et le retour en Israël sont annonciateurs de la rédemption future. Pour le christianisme, la découverte des dix tribus d’Israël signifie l’avènement prochain de la seconde venue du messie. Ceci explique que l’énigme historique des dix tribus exilées d’Israël rejoint des croyances de ces fois dans l’ultime réconciliation de l’humanité. À noter toutefois que les opinions rabbiniques sont partagées sur le sort des dix tribus d’Israël : Selon le prophète Osée (7-8), Ephraïm (Israël) s’assimilera au sein des nations, et selon le Talmud Babylonien (Yebamot 17), ces Juifs furent totalement assimilés. Dans le Talmud Jérusalémite (Sanhédrin 80-10; 5-7), ce sont des futurs guéré tsédéq, c’est-à-dire des justes qui font un retour sincère vers la foi de leurs ancêtres.

Le peuple juif est un peuple libéré de l’esclavage en Égypte qui s’est rendu en Terre promise. Dix tribus furent exilées par les Assyriens, deux autres le furent par les Babyloniens. La nation se reconstitua en sa terre mais fut à nouveau exilée par les Romains. Elle reprend racine aujourd’hui dans l’État moderne d’Israël. Pour reprendre les paroles d’André Chouraqui, « le peuple nouveau qui se reconstitue dans son pays renaissant est formé dans l’héritage génétique de l’humanité entière… La nouvelle Jérusalem se bâtit ainsi par la rencontre des juifs originaires de toutes les nations du monde. Associés aux chrétiens et aux musulmans, qu’ils s’ouvrent donc aux grands souffles de l’univers en fondant un peuple nouveau qui puisse réaliser toutes les espérances de l’homme neuf annoncé par les prophètes. »

Il serait fastidieux de recenser toutes les théories relatives au devenir des dix tribus exilées d’Israël. Certains noms juifs permettent de retracer la généalogie qui remonte aux tribus d’Israël. Ainsi, ceux qui portent le nom de Cohen, Levy ou de leurs dérivés sont de la tribu de Lévi. Le nom Lahmi signifiant originaire de Bethléem indique une appartenance à la tribu de Juda. Les noms juifs nord-africains Afriat ou Issiminy se rattachent aux tribus d’Ephraïm et de Benjamin.

David Bensoussan

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2 Comments

  1. Vous dites : « En l’an 722 avant l’ère courante, les Assyriens conquirent le pays habité par les dix tribus du royaume d’Israël : Réuben, Simon, Issakhar, Zabulon, Naphtali, Gad, Asher, Ephraïm et Manassé. Seules les deux tribus de Juda et de Benjamin qui constituaient le royaume du Juda survécurent en Terre promise et c’est de ces deux tribus que seraient issus les Juifs. »

    Or, à l’époque de la naissance du Messie, Jésus, soit 722 ans après la conquête assyrienne en question, la Bible mentionne encore la présence de la tribu d’Asher, dont la prophétesse Anne, fille de Phanuel, était issue. Anne a eu l’occasion de voir Jésus lorsque ses parents l’ont amené au temple pour le présenter au Seigneur conformément à la loi. Si donc, à cette époque de la naissance de Jésus, parmi les dix tribus du royaume d’Israël la tribu d’Asher soi-disant « perdue » survivait en Terre Promise alors il est tout à fait naturel pour ne pas dire logique de penser que les neuf autres tribus n’étaient pas non plus « perdues » mais se trouvaient également en Terre Promise pendant cette période. Par ailleurs, même si la tribu de Lévi avait un statut à part, elle n’en demeurait pas moins une tribu. Or celle-ci survivait également en Terre Promise à l’époque de la naissance du Messie, Jésus, puisqu’il est fait mention d’elle notamment par la famille de Jean Le Baptiste, dont le père était un sacrificateur et la mère, Elisabeth, une descendante d’Aaron. A noter qu’Elisabeth était une parente de la mère de Jésus.

    La vérité en fait c’est que toutes les tribus d’Israël ont été disséminées dans le monde lors de la destruction du Temple et de Jérusalem, exactement en l’an 70 après Jésus-Christ (ou comme vous dites – pour essayer d’effacer sa trace de l’histoire humaine – an 70 de « l’ère courante » ou « ère commune »). Donc en fait, aucun mystère concernant les tribus d’Israël car aucune n’a été perdue mais toutes dispersées en 70 après J.C.

    Les Juifs sont donc issus de toutes les tribus d’Israël : Reuben, Chimeon, Lévi, Yehouda, Dan, Nephtali, Gad, Asher, Issacar, Zebulon, Yoseph (par les 1/2 tribus d’Ephraïm et Manassé), et Benyamin.

    Tenir compte de la Bible dans son ensemble, c’est-à-dire de la Genèse à l’Apocalypse, est la seule garantie contre les fables, les fantasmes et les divagations de tous genres…

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