La Promise : Un autre regard sur l’alya française

Anat Schwartz, jeune réalisatrice israélienne, amoureuse de la France a décidé de dévoiler au public israélien des histoires d’alya dans une série documentaire intitulée  « La Promise ». 

Trois parcours, trois destins

On découvre dans cette série Marouane-David Carrara, 19 ans, né d’un père musulman et d’une mère juive et qui s’étant rapproché fortement de la religion juive, rêve de vivre en Israël. La caméra d’Anat suit aussi la famille Pugliese, Isabelle et Jean-Richard et leurs deux enfants, qui font leur alya à Netanya, de Grenoble. Enfin nous apprenons à connaitre ou mieux connaitre Valérie Abecassis, qui présente une émission culturelle sur I24 News.

La fin du documentaire dresse le bilan: Marouane-David se verra refuser son alya parce qu’il suit un traitement psychiatrique lourd, la famille Pugliese dont le fils ne fera pas son alya, finissent par revenir en France après une année éprouvante de vie en Israël. Seule Valérie trouve sa place dans la société israélienne, si l’on peut dire, puisqu’elle demeure tout de même dans une bulle française. Elle était venue il y a quatre ans pour suivre son compagnon qui l’a quittée un mois après. Mais elle reste et continue de dire que malgré tout, elle préfère sa vie d’aujourd’hui à celle qu’elle avait en France alors même qu’elle était rédactrice au magazine « Elle ».

La série et le film qui en découle nous emmène dans le quotidien de ces personnages avant, pendant et après leur alya. Ce projet, Anat Schwartz a mis cinq ans à le porter à l’écran, elle est devenue un peu la confidente de ses héros: les images et les paroles en témoignent.

LPH a été interpellé par cette série documentaire, en raison de ses choix et de la conclusion qu’il pourrait en être tirée: pourquoi ces histoires qui paraissent plutôt marginales dans ce qui caractérise les olim de France? Pourquoi un regard qui apparait comme dur et critique sur Israël? Nous avons fait part de nos interrogations à la réalisatrice Anat Schwartz.

Le P’tit Hebdo: Pourquoi avoir décidé de parler de l’alya de France?

Anat Schwartz: Je suis francophile, amoureuse de la France. J’ai toujours été attirée par ce pays, sa culture. Lorsque j’ai fini mes études de cinéma à Jérusalem, j’ai intégré une école à Paris. Dans ce cadre, je devais faire un court-métrage. J’ai décidé de le faire sur la base des entretiens que passent les candidats à l’alya auprès de l’Agence Juive. Je m’y suis assise des heures à écouter. Je me posais la question suivante: pourquoi quittent-ils la France, ce pays que je considérais comme si merveilleux, pour aller en Israël, pays que je connais bien avec ses difficultés? J’avais en face de moi des Juifs qui avaient une image si haute d’Israël, alors que bien souvent, ils ne le connaissaient que par les vacances qu’ils y passent, et ne parlaient pas l’hébreu. Je dois dire que le phénomène m’a beaucoup intéressée.

Par ailleurs, là où je vis à Tel Aviv, beaucoup de Français sont arrivés ces dernières années. J’ai pu constater que leur image auprès des Israéliens n’était pas toujours très belle.

C’est tout cela qui m’a poussée à aller plus loin en faisant une série documentaire.

Lph: On est un peu surpris par le choix des parcours que vous portez à l’écran. Ces personnages ne représentent pas vraiment la majorité des olim de France, ils apparaissent comme des cas très particuliers. Alors pourquoi eux?

A.S.: Quand j’ai assisté aux entretiens à l’Agence Juive, je me suis aperçue que chaque Juif qui fait son alya parle souvent de sionisme pour la justifier. Mais quand on approfondit, on s’aperçoit que ce tournant correspond dans beaucoup de cas, à une rupture dans la vie. L’alya est l’occasion de tout recommencer. En ce sens mes personnages sont symboliques: Marouane-David fait un retour vers la religion, Isabelle et Jean-Richard se situaient dans une période d’errance professionnelle et Valérie a suivi son compagnon.

De l’extérieur, on pense que tous les olim de France sont motivés par les mêmes raisons, mais quand on pousse la porte on se retrouve face à la particularité de chacun. C’est aussi cela la beauté d’un documentaire: montrer ce qui rend chaque personne spécifique. Chacun a ses blessures. Souvent, les candidats à l’alya pensent qu’Israël sera la réponse à leurs problèmes, or ce n’est pas le cas. Comme me l’a fait remarquer une dame française qui vit en Israël: Israël est un miroir, il n’efface pas tes difficultés, il te les renvoie.

 

Lph: Ce qui met mal à l’aise dans votre documentaire, c’est l’impression, à travers ces exemples peu réussis d’alya, qu’il s’agit d’un film à charge contre les olim utopistes et contre l’Etat d’Israël qui ne fait pas assez pour eux.

A.S.: Je pourrais dire que mon documentaire au-delà de porter sur l’alya porte sur l’amour. Chaque histoire parle d’amour, celui envers Israël, celui envers les êtres qui entourent mes personnages. Jean-Richard et Isabelle font tout pour rester et passe par une crise conjugale; Marouane-David vient en tant que touriste et garde son idéal amoureux pour Israël; Valérie aime Tel Aviv et profite de sa fille et de sa petite-fille qui vivent près d’elle. J’ai voulu raconter l’alya de France comme personne ne la raconte.

« La Promise » c’est aussi un film sur mon pays, sur la façon dont des personnes extérieures le voient. L’Etat n’aide pas plus les Israéliens de naissance que les olim, je pense que ce n’est pas un endroit facile. Les Français qui arrivent nous lancent un grand défi: ils renvoient aux Israéliens l’image de ce qu’ils sont. C’est pour cela aussi qu’ils suscitent parfois de l’hostilité.

 

Lph: L’alya est une démarche qui comporte en elle des difficultés, personne ne le nie. Mais pour autant, la majorité des olim de France restent en Israël, finissent par s’intégrer et surtout sont heureux de vivre ici. Pourquoi ne pas avoir montré un exemple de famille qui réussit?

A.S.: J’ai filmé beaucoup d’histoires, en fonction des personnes que l’Agence Juive me conseillait de suivre. Seules ces trois ont abouti, les autres ayant été abandonnées pour des raisons qui n’étaient pas de mon fait. Au départ, quand je commence à filmer, je ne sais pas du tout comment cela va finir. Je dirais même que l’on a le sentiment que ce sont des histoires faites pour marcher.

Ce n’est qu’en cours de tournage que j’apprends la maladie psychiatrique de Marouane-David, qui m’a d’ailleurs posé des problèmes éthiques: il est arrivé que j’arrête la caméra et que je coupe certains passages pour le protéger. La famille Pugliese semblait pouvoir réussir. Ceci étant, il ne faut pas non plus voir ces histoires comme des échecs uniquement. La famille Pugliese avoue avoir beaucoup appris de cette expérience qui les a quand même aidés à avancer dans leur couple et dans leurs projets. Et Valérie est heureuse ici: elle a une liberté qu’elle n’avait pas à Paris.

Je me suis aussi intéressée à ceux qui font leur alya dans les implantations avec l’alya de groupe. Je trouve qu’il s’agit d’une très bonne préparation, parce que bien souvent, ce qui coince, c’est le manque d’informations et de préparation pour les olim. Pour diverses raisons, je n’ai pas pu filmer ces personnes.

 

Lph: Quel est votre but à travers la diffusion de cette série documentaire?

A.S.: Je souhaite que chaque Juif, israélien ou français, la voie. Nous devons parler de tout cela, pas pour effrayer mais pour éveiller un débat sur ce qui se passe en Israël au regard de cette alya. Je suis convaincue que l’arrivée des Juifs de France est bonne pour notre pays. Nous devons être plus accueillants encore.

Lph: Qu’avez-vous appris personnellement pendant ce tournage?

A.S.: J’ai beaucoup découvert sur moi aussi. J’ai compris la détresse des Juifs de France et j’ai compris aussi pourquoi Israël pouvait vraiment être une  « maison ». En Israël, beaucoup de choses sont possibles parce que notre pays est petit, ouvert et donne sa chance à tout le monde.

J’ai changé avec ce documentaire. Les personnages que j’ai suivis m’ont fait aimer ma vie, reconnaitre et remercier pour ce que j’ai. Je suis très critique, perfectionniste: ce film m’a aidé à voir les belles choses que j’ai dans ma vie et dans mon pays. Quand on suit des gens qui laissent tout ce qu’ils ont pour recommencer et réaliser un rêve, cela fait réfléchir.

J’aime beaucoup la France et Paris mais je ne serai pas prête à renoncer à ce que j’ai en Israël pour un fantasme.

« La Promise » est diffusé à la cinémathèque de Tel Aviv et au Beth Avi’haï à Jérusalem.

Pour plus de renseignements:  « La Promise » sur FaceBook

Source lphinfo

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