Le devenir des dix tribus du royaume d’Israël est un thème qui a largement dépassé l’intérêt historique. À Bishop Auckland dans le comté de Durham en Angleterre se trouve le quartier général de la British-Israel World Federation, association fondée en 1919.
Cette association met en avant des arguments linguistiques, archéologiques et philologiques pour démontrer que les Britanniques sont les descendants des dix tribus d’Israël.
Comment expliquer cet engouement pour les dix tribus ? Les nations aiment faire remonter leur généalogie à des temps anciens. Il est possible que Platon (Ve au IVe siècle avant l’ère courante) fît remonter l’Atlantide à des temps reculés – 9 000 ans avant son époque – en mettant dans la bouche d’un prêtre égyptien un récit que ce dernier aurait reçu il y a de cela plusieurs générations, qui ferait remonter l’antériorité de la civilisation d’Athènes par rapport à celle de l’Égypte. Au Moyen âge, certains Anglais se considéraient comme les descendants de Brute – ou Brutus – le Troyen alors que les Francs prétendaient descendre de Francus fils d’Hector ! Bien que l’on ait tenté de transformer cette légende de façon flagrante, il ne faut pas remettre en cause la bataille de Troie dont le récit a été transmis pendant plus de cinq siècles par des bardes, avant d’en être retranscrit par Homère lui-même. Dans les cultures orales, les récits se transmettent souvent avec grande ferveur, voire même une conservation intégrale de la musicalité du récit.
Au XVIIe siècle, R. Manasseh ben Israel d’Amsterdam publia un ouvrage (Mikve Israel, Londres, 1652) dans lequel il rapporta le témoignage du cryptojuif Aaron Levi (alias Antonio de Montezinos), qui avait identifié chez les Indiens d’Amérique du Sud certaines caractéristiques juives. R. Manasseh ben Israel en conclut que cette découverte de tribus exilées était annonciatrice des temps messianiques.
Au début du XVIIIe siècle, le rabbin cabaliste marocain Moses ben Isaac Edrehi (1774-c.1842) publia l’ouvrage Ma’aseh Nissim sur les dix tribus, ouvrage qui fit sensation en Angleterre. Toute une panoplie d’écrivains, d’artistes et d’aristocrates du début du XIXesiècle s’accrocha à l’idée que les dix tribus d’Israël avaient abouti dans les îles britanniques. On chercha fiévreusement des connexions avec les dix tribus: ainsi et à titre d’exemple, la tribu Dan du Nord d’Israël pourrait avoir laissé son nom aux Dardanelles, au Danube, au Danemark et même en Irlande dont les premiers habitants étaient dénommés Danoniens… Le débat fit rage entre adeptes (John Finleyson, Ralph Wedgwood et William Henry Poole) et détracteurs (John Wison) de cette théorie d’israélisme des Britanniques.
L’israélisme a également trouvé des adeptes en Amérique : selon l’église mormone (Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours ou Jesus Christ Church of the Latter-Day Saints), les Indiens d’Amérique auraient des ancêtres issus des dix tribus, notamment celles d’Ephraïm et de Manassé. Contrairement aux partisans de l’israélisme de son temps, le fondateur de l’église mormone John Smith ne tenta pas d’étayer sa théorie d’aucun argument scientifique : il aurait appris cette vérité lors d’une vision prophétique. Les adeptes du mormonisme se considèrent comme des membres de l’une des tribus d’Israël – par la lignée directe ou par adoption – et notamment celle de la maison de Joseph fils du patriarche Jacob. L’église mormone revendique aujourd’hui plus de 15 millions de membres.
Pour revenir aux Amérindiens, 150 Indiens Iquitos du Pérou ont émigré en Israël et plusieurs centaines d’autres s’apprêtent à le faire. Mais il s’agit de descendants de Juifs marocains qui ont développé la culture de l’hévéa (utilisé pour les bottes et les pneus de voiture) entre Belem au Brésil et le Pérou au XIXe siècle. En remontant le fleuve Amazone, ces entrepreneurs ont épousé des Amérindiennes. Leurs descendants ont conservé de vagues pratiques judaïques et revendiquent aujourd’hui leur appartenance au peuple juif.
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