Paradis vert : au coeur de la scène vegan israélienne

Avec 5 % de la population convertie au veganisme, les Israéliens arrivent en tête des fondus de légumes. Et jusque dans les rangs de l’armée, la vegan mania s’est emparée du pays.

Faites confiance aux hommes d’affaires pour repérer les bons filons et les tendances porteuses. Ils sont en revanche plus rares à pouvoir conjuguer, comme Eviatar Gover, promesse de profit et convictions profondes. Be Tel Aviv Tours, sa société spécialisée dans les visites guidées de la grande ville côtière israélienne, a ainsi récemment ajouté à son catalogue un « vegan tour » qui ne désemplit pas. « Nous nous positionnons sur les thèmes où Israël est leader. Il y avait le high-tech mais, désormais, c’est le phénomène vegan qui intéresse les touristes« , explique ce trentenaire décontracté alors qu’il mène un groupe de curieux d’un restaurant à l’autre.

Israël, paradis vegan ? Drôle de paradoxe pour un pays où chaque célébration, publique ou familiale, semble être prétexte à organiser un barbecue débordant de grillades. Ce qui n’empêche pas l’Etat hébreu de compter la plus forte proportion au monde de personnes ayant cessé de consommer des produits d’origine animale, qu’il s’agisse de se nourrir (viandes, poissons, laitages) ou de se vêtir (cuir, laine) : 5 % des Israéliens, selon un sondage réalisé en 2016, se seraient ainsi convertis au cours des dernières années à cette version radicale du végétarisme. Un phénomène consacré par les sites spécialisés qui placent systématiquement Tel-Aviv parmi les villes les plus vegan friendly de la planète, au côté de Berlin et San Francisco.

Un mouvement à la diffusion exponentielle

Et encore, ces classements ne disent-ils rien de l’effet de masse : dans ce petit pays de 8,5 millions d’habitants, les vegans semblent être partout ; y compris au sein d’une institution aussi centrale que Tsahal, l’armée israélienne, qui propose désormais des rations de combats compatibles avec leur régime alimentaire. « La communauté vegan progresse ici extrêmement vite« , confirme Ingrid Newkirk, la présidente de PETA et grande prêtresse du mouvement antifourrure mondial, qui était l’invitée d’honneur de la marche pour les droits des animaux le 9 septembre à Tel-Aviv.

Ce soir-là, à l’issue du shabbat, 30 000 personnes, selon les organisateurs, avaient défilé derrière ce mot d’ordre : les bêtes sont des êtres vivants comme les autres, s’en nourrir est donc un crime. Une participation « historique« , selon le coordinateur de la manifestation, Omri Paz. « Nous avons réussi à faire sortir le véganisme du combat pour seuls initiés. C’est désormais un mouvement global« , assure-t-il quelques jours plus tard, montrant les félicitations envoyées du monde entier sur sa page Facebook. Ce n’est pas un hasard : les réseaux sociaux jouent un rôle déterminant dans la diffusion de films spectaculaires sur la cruauté supposée de l’industrie alimentaire, faisant sans doute du véganisme la première idéologie 2.0. C’est d’ailleurs en visionnant une vidéo, en 2012, de Gary Yourofsky, le gourou américain de la cause animale qui n’hésite pas à comparer les abattoirs aux chambres à gaz, qu’Omri Paz a basculé. « Les Israéliens n’ont aucun complexe à exposer leur point de vue. On nous encourage d’ailleurs dès l’enfance à nous engager pour une cause, explique le jeune homme. Et comme ici les liens sociaux sont très resserrés, tout le monde connaît au moins un vegan dans son entourage. Nos idées n’ont aucun mal à se diffuser. »

Mais plutôt que les méthodes coup-de-poing des pionniers du mouvement, lui parie plutôt sur la persuasion douce. Afin d’installer le véganisme dans le paysage, ce militant qui se consacre à plein temps à la cause a mis en place un label « Vegan Friendly » accordé aux restaurants et cafés dont au moins un quart du menu est préparé sans substances animales. Matières premières meilleur marché, une nouvelle clientèle : le succès a été immédiat et plus de 600 établissements à travers le pays, dont les plus grandes enseignes, affichent aujourd’hui le log d’Omri Paz −un radis en forme de coeur.

Un pays jeune, où se mêlent les influences culinaires

« C’est un cercle vertueux, confirme Ori Shavit sans interrompre sa préparation de rouleaux de printemps au beurre de cacahuètes et au tahini (délicieux, ndlr).Lorsqu’être vegan n’est plus un obstacle à la sociabilité, quand vous pouvez manger en accord avec vos idéaux partout, sauter le pas devient facile. » Cette ancienne critique gastronomique omnivore est désormais une conférencière influente, prônant une cuisine végétale et joyeuse, loin du triste combo soja-tofu auquel les vegans ont longtemps été réduits. Un message qui passe d’autant mieux que la tradition culinaire israélienne, méditerranéenne, fait déjà une large place aux fruits et aux légumes.

Dans ce pays jeune où se mêlent les influences culinaires, l’absence de tradition gastronomique gravée dans le marbre fait tomber bien des inhibitions. Dans les faubourgs de Tel-Aviv, le cours hebdomadaire d’Ori Shavit fait d’ailleurs le plein à chaque fois, avec une vingtaine de participantes − pour un seul homme − surtout poussées, disent-elles, par « la curiosité ». Mais on peut également rêver de mettre fin à « l’exploitation animale » et bénéficier d’une alliée inattendue : la tradition. « Avec la cacherout, le judaïsme établit une distinction entre nourritures licites et illicites,confirme Ori Shavit. Même coupés de la religion, nous avons, gravée dans notre subconscient, l’idée que tout ne peut pas entrer dans notre bouche. »

S’amuser sans manger de viande

Ce jour-là, en conclusion de son « vegan tour », Eviatar Gover a choisi de nous emmener chez Nanuchka. Ce restaurant géorgien est une institution de la nuit tel-avivienne, célèbre pour l’ambiance déjantée de son bar. En 2014, lorsque sa propriétaire Nana Shrier, nouvellement convertie, a décidé de bannir de son établissement tout produit d’origine animale, les végétaliens les plus enthousiastes ont salué ce mariage improbable de l’éthique et de l’hédonisme. Il faut pourtant ici doucher un peu leurs espoirs. « Le restaurant marche très bien, témoigne Nana Shrier, tout en surveillant du coin de l’oeil ses employés qui préparent le service du soir. Mais il faut bien reconnaître que pour ce qui est du bar, c’est comment dire… mort. Comme si les gens n’imaginaient pas qu’on puisse s’amuser sans manger de viande. » Vegans, certes. Mais chiants ?

Source grazia

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