Prêcher la chasteté … mépriser la vie sexuelle, la souiller par la notion d’impureté, tel est le vrai pêché contre l’esprit sain de la vie, telle est l’exergue prometteuse empruntée à Nietzche[1] par Leila Slimani, auteur de Sexe et Mensonges. La vie sexuelle au Maroc.[2]
Sa promo ? Partout, engageante, la jolie et spirituelle auteur de Chanson douce répondant, lorsqu’ on lui demande s’il est possible de se libérer sexuellement dans des pays régis par la religion, en l’occurrence l’islam, qu’elle, elle a décidé d’y croire et affirmant que, dans les sociétés maghrébines, s’impose une réflexion non seulement sur l’islam mais aussi sur un projet de société : D’accord, nous sommes des musulmans mais nous sommes aussi des citoyens qui pouvons revendiquer des droits universels. Il faut qu’on se définisse en plus de notre identité musulmane. Des gens me disent : «C’est impossible parce qu’il y a l’islam.» Je ne peux pas croire à ça. Parce que si on croit à ça, ça veut dire quoi ? Que nos sociétés sont condamnées à stagner… Les musulmans ne sont pas moins progressistes que d’autres. Alors peut-être est-ce plus difficile. Le problème de l’islam, c’est que l’exégèse a été faite par les hommes pour les hommes et pour favoriser constamment la condition masculine. Tout est question de lecture et d’interprétation.
Vous, vous vous dites quoi ? Vous vous dites que vous avez entre les mains le Manifeste féministe de la Lauréate du Goncourt 2016.
Attention, new concept : espérance durée de vie limitée. Brisée qu’elle fut lorsque la donzelle ne filtra plus la parole, donnant libre cours à un autre langage, en fin de promo officielle.
Mais vous, vous n’en êtes pas là. Pas encore. Pourtant, avec un zeste de vigilance, vous auriez du tiquer sur le refus de l’auteur d’admettre que l’espace public, au Maroc est par exemple plus restreint pour les femmes qu’il y a dix ans, depuis que les islamistes sont au pouvoir : elle vous oppose que ces photos qui circulent style avant/après, avec des nanas en maillot de bain, elles ne veulent rien dire.
Rendons-lui que lorsqu’elle réfute l’appellation de féminisme musulman, elle le fait à raison : Pour moi, l’islam, c’est une religion, ça appartient à l’intime. On ne peut pas l’adosser au féminisme. Ce n’est pas une identité : ça veut dire quoi, le féminisme musulman ? Un féminisme pour les musulmans ? Par les musulmans ? Je pense qu’on peut être féministe et musulman. Je n’ai pas besoin de dire d’où vient mon féminisme. Mon féminisme vient du fait que tous les gens sont égaux, que les hommes et les femmes sont égaux, qu’on a le droit aux mêmes droits qui sont universels.
Mais attention. Prendrez-vous le risque de l’interroger sur l’islamophobie en France ? Vous l’aurez cherché : elle vous explique que l’agressivité vis-à-vis des musulmans et en particulier envers les femmes voilées est une réalité. Qu’elle en a été témoin. Qu’elle est estomaquée par l’essentialisation des musulmans qui est faite, et parfois même par des intellectuels : Une fois qu’on t’a ciblé comme musulman, on ne te parle qu’à travers cela. Georges Bensoussan : you’ve got a message.
Leila, elle vous dit qu’il va falloir coexister avec cette religion dont le logiciel mental est resté figé au 7 ème siècle, cette religion qui considère les femmes comme un bien meuble et les homo comme une perversion. Mais regardons-y de plus près : l’auteur annonce une enquête. Prétendant s’attaquer aux démons intimes du Maroc, elle veut se livrer à un réquisitoire en règle contre une société qui, tout en consommant le sexe comme une marchandise, n’offre d’autres choix aux femmes que d’être vierge ou épouse. Elle l’appelle la société du mensonge, cette société qui sacralisa la virginité tout en étant la cinquième consommatrice mondiale de pornographie sur Internet.
A travers les témoignages de femmes ayant souhaité garder l’anonymat, de journalistes et de sociologues marocains, Leila Slimani, refusant d’abord comme Kamel Daoud de nier la réalité de la misère sexuelle au Maghreb, nous offre clés en mains les clichés d’une société où l’hypocrisie est reine et la frustration sexuelle constante. Révoltée par la tartufferie généralisée qui gangrène son pays et le monde arabo-musulman, elle revendique une parole politique, engagée, émancipatrice et proclame la nécessité d’une reconnaissance des droits sexuels. Pour les femmes.
Alors, bien sûr, elle savait, Leila Slimani, qu’il lui serait reproché d’alimenter des clichés rétrogrades sur l’islam, et à cela, elle opposa la réalité des femmes emprisonnées pour adultère ou avortement et évoqua l’interdiction, en vertu de l’article 490 du Code pénal, de la fornication en dehors du cadre conjugal, la menace de deux ans de prison pour adultère et puis l’illégalité de l’avortement, sauf en cas de viol, bref tous ces interdits constitutifs d’une société tartuffe qui vous demande de cacher ce sein qu’elle ne saurait décidément point voir et qui a alimenté une véritable névrose collective, une culture du mensonge institutionnalisée, une schizophrénie ambiante dont les femmes sont les premières victimes, l’intermédiaire n’existant pas entre la femme vertueuse – entendez vierge – et la prostituée.
Ecoutez Nour, trente ans, qui vit depuis plusieurs années en concubinage avec un compagnon qui, après avoir usé de sa disponibilité sexuelle, ira épouser une fille vierge, pris qu’il est, le garçon, sous le poids de la société, des parents, de la religion. Nour ? Elle pourra toujours avoir recours à une réfection de l’hymen pour prétendre au mariage et peut-être lui faudra-t-il de surcroît porter le voile pour accroître ses chances au casting. Nour ? Son père, très souple, n’a pourtant jamais accepté qu’elle suive un cours de sport. Elle demande l’abrogation de l’article 490 du code pénal : un à deux ans de prison pour adultère.
Ecoutez Zhor, qui dénonce cette hypocrisie responsable de la violence qui existe entre hommes et femmes et dont témoignent des cas de harcèlement et d’agression sexuelle fréquents : Dans ce pays tu ne peux pas porter ce que tu veux alors qu’il y a partout des affiches publicitaires avec des filles à moitié nues. Mais toi, à 21 heures, tu ne sors pas. La rue ne t’appartient pas. Tu es toujours une intruse dans l’espace public, explique la jeune Marocaine émancipée. Zhor à qui son père enjoignit de faire repousser des sourcils qu’elle venait d’épiler.
Ecoutez Mustapha, policier à Rabat, lorsqu’il évoque ce climat de dissimulation permanente, porte ouverte à toutes les dérives. Si avoir des relations sexuelles hors du cadre marital doit être tu, sachez que l’inceste, la pédophilie ou le viol seront eux aussi passés sous silence. Mais notre policier nuance ses propos, car au Maroc, le sexe est un commerce juteux pour ceux qui sont chargés de le traquer: on rackette les prostituées, les couples d’amoureux, les couples adultérins …il n’y a pas de morale là-dedans, pas de religion. C’est la loi du fric. La loi du plus fort.
Leila Slimani, elle prétend toutefois qu’il n’y a pas antinomie entre le fait d’être musulman et celui d’avoir une sexualité libre et épanouie. Et la jeune femme, se refusant à diaboliser l’islam, dénonce la privation de ses droits fondamentaux pour le citoyen-croyant, et s’en prend à la religion outil de contrôle social : plus les régimes sont sous pression, plus ils répriment la sexualité sous le voile de l’Islam[3]. Shereen el Feki, pour expliquer les agressions sexuelles, met en cause la hausse du salafisme ainsi que le climat de frustration sexuelle dans lequel baigne la société marocaine, déplorant cette pornographie qui a enragé sexuellement des jeunes qui se déchaîneront sur des femmes.
Ces témoignages, cette parole, elle s’était promis de les restituer pour donner à entendre la réalité de son Maroc, cette société hypocrite où l’interdiction de la fornication, ou zina, est mentionnée dans le Code pénal. Cette société où l’honneur passe avant tout, où l’on lynche en pleine rue les homosexuels, où le terrorisme islamique menace, où donc il est urgent d’engager cette réflexion collective qui dira comment protéger les femmes et les minorités, comment le donner en somme, le droit de sortir de la norme religieuse.
Ecoutez Soraya, libérée d’un mariage rompu pour n’avoir su donner un enfant à son mari et élevée par une mère autoritaire qui répétait avant chaque sortie ce N’oublie pas. De rester vierge, injonction sacrée et constamment répétée. Soraya qui a compris qu’en dehors du mariage, point de salut.
Ecoutez Faty Badi, animatrice de On t’écoute escortée du sexologue Doc Samad : elle explique combien les marocains sont à la fois coincés et obsédés par le sexe et combien il est dur de dénoncer l’appareil législatif : parce qu’on a peur, assène-t-elle.
Vous et moi chantions donc ses louanges, à Leila Slimani. Mais un couac arriva. Interview après interview, promo oblige, la parole se lâche, et soudain vous vous demandez à quand le parrainage par notre Leila de Lallab, vous savez Lallab, laboratoire du féminisme islamiste. C’est que Asma Lemrabet, médecin auto proclamée philosophe, figure de la pensée réformiste au Maroc, c’est celle qui défend l’égalité devant l’héritage et aussi celle qui explique que le féminisme en dehors du cadre de l’islam n’existera jamais pour les Marocains, celle que les internautes qualifient de Tartuffe bâché du XXIème siècle, Asma Lemrabet donc, elle serait le maître à penser de Leila Slimani, laquelle a compris, grâce à elle, qu’on pouvait donc concilier islamisme rétrograde et féminisme. Et de nous expliquer que le féminisme islamique était presque un concept progressiste, et de tresser des lauriers à Asmaa Lemrabet.
Que s’est-il passé ? Serait-elle, la donzelle, de ces faux intellectuels, de ces tenants du double langage, de ces escrocs opportunistes qui dénoncent l’hypocrisie de la société marocaine et sa schizophrénie tout en la pratiquant eux-mêmes. A en faire pleurer de déception mes amies marocaines qui se demandaient pourquoi, alors que les Algériens avaient des Boualam Sansal et des Djemila Benhabib, elles au Maroc n’avaient que des valets, des courtisans. Car dans La Dépêche du 19 septembre, notre féministe supposée dénoncer les déchirements d’une société où la femme ne peut être que vierge ou épouse et où le sexe se consomme comme une marchandise , après être revenue sur ce qu’elle appelle des faits divers, l’affaire Much Loved, l’affaire Amina Filali, l’affaire de la jupe ou encore les homosexuels frappés à Beni Mellal, eh bien elle l’excuse presque, cette hypocrisie bien comprise : c’est que tout le monde aurait deux visages, deux attitudes vis -à-vis du corps, du désir, de la fête. Et la voilà qui rame pour nous expliquer qu’il n’y a point de gymnastique mentale à être à la fois féministe et musulmane. Dixit maîtresse Asma Lamrabet ?
Ainsi Leila Slimani Asma Lamrabet même combat ? Vont-elles s’y mettre à 2 pour dénoncer les suicides de jeunes femmes pour une affaire de virginité ou de viols, les avortements clandestins, les crimes sexuels cachés ? L’une, certes, donnant ses conférences bâchée, l’autre le montrant encore, son joli minois. Pour combien de temps ? Elle qui vole au secours des femmes voilées[4] et dénonce les violences qui leur sont faites, elle qui glisse subrepticement que les lois sur la sexualité au Maroc, issues du code Napoléon, ont été introduites par… la colonisation. C’est pas la faute à l’islam. Ne lui demandez pas si les femmes d’Arabie Saoudite doivent elles aussi leur traitement indigne au même Napoléon. Bientôt elle va accuser Israël, dit celle-ci, pendant qu’une autre dit ainsi sa désillusion et son dégoût face à ce double discours: c’est comme si j’avais découvert que ma meilleure nouvelle copine couche avec mon mari.
Mon cher Kamel. Toi qui eus le courage de lier la misère sexuelle à l’islam et qui te fis lyncher après ton article Cologne, lieu de fantasmes[5] sur le nouvel an de Cologne. On nous l’avait vendue comme une de ces femmes musulmanes en pointe dans la lutte contre l’islam radical. Publicité mensongère : Un féminisme qui n’est pas universel est une misogynie, disait Raphaël Enthoven dans sa chronique d’hier sur Europe1.
[1] L’Antéchrist. Nietzche. 1888. 193 chez Flammarion.
[2] Editions Les Arènes. 2017.
[3] Shereen el Feki, sociologue égyptienne.
[4] Libération, 1er septembre 2017.
[5] Le Monde, 31 janvier 2016.
Sarah Cattan
L’islam n’est pas une identité, c’est juste un sous produit du judaïsme (au même titre que le Christianisme). Cependant si on cherche à transformer cette pseudo-religion en identité, le monopole revient plutôt à l’Arabie.
Ce qui est choquant dans les pays islamo-khoroto, les femmes qui dénoncent l’abus sexuel islamique ou la pédophilie islamique ou encore la prostitution islamiques etc…, elles même se réclament fièrement de l’islam et de façon ostentatoire…