La Shoah et les sujets qui y sont associés servent de prétexte dans le débat public à toute occasion et quel qu’en soit l’objet, écrit le secrétaire général de la Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation Johanne Gurfinkiel. Une situation qui entraîne inévitablement un glissement vers la banalisation du génocide.
Autrefois l’apanage des milieux extrémistes et des professionnels de la provocation en mal de sensationnalisme, l’utilisation outrancière de la Shoah dans le seul but de choquer l’opinion publique devient de plus en plus fréquente.
La Shoah et les sujets qui y sont associés servent de prétexte dans le débat public à toute occasion et quel qu’en soit l’objet. Une situation qui entraîne inévitablement un glissement vers la banalisation du génocide. Cette banalisation de la Shoah, volontaire ou inconsciente, relativise l’ampleur des atrocités commises par les nazis et leurs collaborateurs pendant la Seconde Guerre mondiale en comparant cette tragédie avec à peu près tout et n’importe quoi.
Qu’il s’agisse du transport de porcs comparé sans vergogne aux trains de la mort, d’une manifestation un peu virulente comparée à la «Nuit de Cristal», d’une joueuse de tennis suisse transformée par une journaliste en gardienne du camp d’Auschwitz ou de parallèles établis entre la FINMA et la Gestapo… Tout devient ainsi prétexte aux amalgames et autres comparatifs avec le régime totalitaire nazi. Les exemples proviennent de tous les milieux: économiques, politiques, médiatiques. Au gré des vents et marées et des aléas de l’actualité, d’aucuns s’aventurent à comparer ce qui est incomparable dans le seul but de susciter l’émotion et l’adhésion du public.
«Reductio ad hitlerum»
«Plus une discussion en ligne dure longtemps, plus la probabilité d’y trouver une comparaison impliquant les nazis ou Hitler se rapproche de 1.» Voici en somme la définition de ce que le désormais célèbre avocat Godwin appelait lui-même la «reductio ad hitlerum». Jusqu’à une période récente, ce type de comportement était observé plutôt dans les milieux extrémistes, bénéficiant des réseaux sociaux comme caisse de résonance principale. Aujourd’hui le phénomène s’est amplifié et vient polluer nombre de débats d’actualité, quelle que soit l’étiquette des protagonistes. L’objectif obtenu: ce fameux quart d’heure de célébrité! La mécanique est désormais bien huilée: le propos outrancier sur la Shoah garantit ainsi l’attention de la presse et de l’opinion publique.
Quel résultat au final, au-delà du marasme argumentatif? Force est de constater que l’utilisation de ce type de parallèles douteux ne fait que porter le discrédit et disqualifier ceux qui les emploient. Un discours basé sur une argumentation solide n’a pas besoin d’utiliser ce type d’amalgames sur la Shoah pour trouver une quelconque légitimité.
Les ravages de l’amalgame
C’est par ces raccourcis fallacieux que l’on en arrive à banaliser le Mal. Comment transmettre aux plus jeunes la connaissance historique sur les atrocités commises pendant la Seconde Guerre mondiale si leurs aînés eux-mêmes les relativisent en traçant des parallèles qui n’ont pas lieu d’être? Ne pas maîtriser les enseignements du passé et la compréhension de l’histoire, c’est condamner les générations futures au risque d’en reproduire les faces les plus sombres.
«Plus pernicieux encore, parce que plus répandu et moins dénoncé, me paraît être le comparatisme à tout va. Ce comparatisme fébrile et écervelé consiste à tout comparer à la Shoah, dans un amalgame qui dénie toute spécificité aux événements. Aujourd’hui comme hier, cette routine de l’amalgame fait des ravages. C’est ce qui me fait dire que le premier danger n’est pas l’oubli, ni la négation, mais bel et bien la banalisation de la Shoah.» Ainsi s’exprimait Simone Veil le 18 octobre 2002 lors d’un colloque ministériel. Les paroles de cette grande dame résonnent avec d’autant plus de force aujourd’hui.
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