C’était sa première interview télévisée. Quand le PR et même le PM parlent dans le poste, j’arrête tout et j’écoute.
Dommage que juste avant je sois tombée sur Cambadélis évoquant Emmanuel Macron en ces mots : « Il possède le déhanché de Michael Jackson et le regard de Margaret Thatcher ». Parce que voilà : comme scotchée au regard bleu de celui qu’ils appelèrent « le beau gosse de Bercy », je m’attendais presque à ce qu’il nous fasse un moonwalk, dans son joli bureau.
Mais celui que l’un de nous sur les réseaux sociaux avait baptisé Romulus Augustule et qui avait déclaré en juillet que sa « pensée complexe » était trop subtile pour s’adapter à une conversation avec des journalistes se prêta très sérieusement à l’exercice hier soir.
Interrogé tout d’abord sur « son style », il répondit qu’il avait pris la décision de ne pas avoir « une présidence bavarde». Lui, en somme, avait théorisé la «présidence jupitérienne» en opposition à la «présidence normale» de François Hollande.
Ses saillies verbales ? Il les assuma toutes, de «Fainéant» à «cyniques» en passant par «bordel» qu’il asséna aux salariés de GM&S : lui aussi, tel Camus, nommait les choses : «J’assume, je continuerai à dire les choses». « Les illettrées salariées de l’entreprise Gad» ? Aussi ! Et il défendit l’usage qu’il fit de ces mots, « envieux », « les cyniques », « les sceptiques, les fatalistes », nous rappelant que ces mots, d’un registre normal ou soutenu, n’étaient en rien clivants, et assumant qu’en parlant de « ceux qui foutaient le bordel », il avait usé du registre populaire qui en rien n’était humiliant.
De toute façon, il était indifférent aux commentaires et aux critiques, et il était là pour retrouver « le fil du destin français. Pour transformer»
Quand on lui demanda s’il n’était pas un peu le «Président des riches», s’adressant « à des Français éduqués, mobiles », comme ceux de la Station F à Paris, il se lança dans une opposition entre la théorie dite du «ruissellement» et celle de «la cordée». Si on jetait des cailloux au premier de cordée, c’était toute la cordée qui dégringolait. Et, concernant la baisse des aides au logement, il usa du terme «croquignolesque» pour décrire un autre dysfonctionnement. Résultat : peu après son intervention, le mot avait été fortement recherché sur Google.
Enfin, il démentit cette calomnie, les « cadeaux aux riches », et s’adressa aux trois journalistes pour leur dire qu’il n’aimait pas « cette opposition de la société » : « Quand je vous regarde, je ne regarde pas des riches. Statistiquement, vous l’êtes, au regard des statistiques françaises, bon ».
Et là, l’insolent Pujadas lui rétorqua: Comme vous. A quoi notre PR conclut par un « Oui. Et alors ? » Mais rappelez-vous : il venait de dire dans Der Spiegel qu’il n’était pas arrogant, mais juste « déterminé » à mener ses réformes.
Ses réformes, d’ailleurs, et si on en parlait….
Le PR assura que « la plénitude des réformes conduites » par son gouvernement serait visible dans un an et demi, deux ans, et donc il assumait tout : ses réformes fiscales, sa politique du logement, parla tirage au sort à l’université mais aussi PMA et GPA.
Il nous sortit même une nouvelle appellation, le «solo djihad», lorsqu’il évoqua la mort par arme blanche de Maurane et Laura, annonçant qu’il serait intraitable et promettant d’expulser tous les sans-papiers qui commettraient un délit. ET il nomma les défaillances qui permirent qu’un individu en situation illégale soit interpellé puis remis en liberté au lieu d’être expulsé avant le drame, si l’administration et la justice avaient bien fait leur travail. Dommage, il ajouta à titre d’exemple que ces deux fonctionnaires « de grand mérite » avaient été sanctionnés.
Quand on lui parla d’ Harvey Weinstein et de harcèlement, il oublia de citer Marlène mais annonça que le célèbre producteur ne garderait pas la légion d’honneur. Enfin, évoquant Trump, que d’ailleurs il ne trouvait pas dangereux, il affirma vouloir y voir un « allié »: « Chacun sa personnalité ».
Interrogé sur le carambolage des calendriers, il sortit un truc zarbi : avant, jusqu’en 2008, les Présidents respectaient la « procédure chinoise ». Et là, un tweet de Jean-Jacques Urvoas nous fit gagner du temps, évoquant une possible confusion avec la loi du 13/3/1873 dite du « cérémonial chinois » qui empêcha Thiers, alors Président de la République, de s’adresser à l’Assemblée Nationale.
Mr Macron avait l’air satisfait: « D’abord vous disiez : il ne sera pas élu sans parti : c’est fait ; il ne sera pas entendu à l’international : c’est fait, nous sommes écoutés ; il n’aura pas de majorité : nous avons une large majorité, paritaire, rajeunie ; les premières réformes, il n’y arrivera jamais: c’est fait. »
Et comme on sait en plus qu’il s’est pécho l’attribution des Jeux olympiques à Paris et la présidence de l’Unesco à la France, tout ça « en seulement cinq mois », eh bien on s’incline.
On s’incline, mais pas la Présidente du FN, qui vit dans tout ça « des tunnels technocratiques du niveau d’un Premier ministre et des explications qui sonnaient comme des usines à gaz », pas non plus le porte-parole du PCF qui parla d’enfumage et pas ma pote qui s’avoua « consternée par sa démesure ».
Celui qui était la veille allé voir « Le Tartuffe » avec Michel Bouquet et Michel Fau reçut les français dans le salon d’angle dont il fit son bureau secondaire, voulant sans doute rompre ainsi avec l’aspect institutionnel conféré par les dorures de son bureau officiel. Sur son bureau, un livre d’André Malraux, mais tous, on parla peinture. Forcément. Derrière lui, Marianne et son drapeau tricolore, œuvre du street artist Obey que l’affiche d’Obama rendit mondialement connu. Hope, vous vous souvenez ? Notre PR n’en a qu’une copie. Vanity Fair nous dit que l’œuvre figurait déjà dans le bureau du QG de campagne du candidat d’En Marche. L’originale ? Vous pourrez la voir sur le mur d’un HLM, rue Nationale, dans le XIIIe arrondissement de Paris, la giga toile faisant partie du parcours de street-art imaginé par Mehdi Ben Cheikh.
Forcément, on parla tous peinture. Parce que face à Obey, notre PR s’était choisi un Alechinsky. Alors nous, on débattit. Oui pendant le discours. Alechinsky. L’outrenoir de Soulages, le mouvement Cobra. Elle qui le trouvait too much, elle poussa : « C’est de l’ostentation. Genre je suis tellement cultivé que j’ai des tableaux de merde. Pardon… Des tableaux contemporains.»
Il y eut même « débat » pour décider si la fresque au-dessus de la cheminée, elle matchait avec cet intérieur hyper chargé et ces moulures à la feuille d’or.
C’était la fin du débat. Le PR nous signifia l’heure de la récré. Il remerciant les journalistes, par le « truchement » desquels il avait pu parler aux Français. « Habile truchement : interprète, celui qui explique à deux personnes qui parlent une langue différente ce qu’elles se disent l’une à l’autre. Définition Académie française. 1932. »
Raphaelle Attias
Tout est bidon !
La vision gestionnaire d’un pays de 65 millions d’habitants n’est pas à la portée de tout le monde comme celle d’ailleurs d’un pays de 350 millions d’habitants. Macron essaie de faire bouger les choses. Il a certainement établi un diagnostic et a son agenda (dont des points secrets). Nous verrons donc dans 5 ans … Après 14 ans de Mitterand, 12 ans de Chirac, 5 ans de Sarkozy et 5 ans de Hollande , soit au total 36 années perdues, un peu de patience !
Pas de souci, les Monsieur et Madame Truchement sont si largement répandus sur les chaînes de radio et de télé, dans les journaux et les magazines, que la probabilité de rencontrer Jupiter ou son adjoint au bout de 20 secondes de zapping est aussi absolue que celle qu’on avait de rencontrer les costumes de Fillon dès qu’on ouvrait un media pendant la dernière campagne électorale. A ce stade, ce n’est plus de l’admiration, c’est de la vénération.