Le président américain ne va pas quitter l’accord conclu en juillet 2015, mais il refuse de le certifier.
Donald Trump n’a pas de mots assez durs envers l’Iran. «Un régime fanatique», «le principal État soutenant le terrorisme dans le monde», qui «répand la mort, la destruction et le chaos», a proclamé vendredi le président américain. Face à cette «menace sur la sécurité et la stabilité» internationales, il annonce «une stratégie globale» visant à «neutraliser son influence déstabilisatrice et contenir son agression».
L’accord passé en 2015 pour enrayer le programme nucléaire iranien se résume aux yeux de Trump à «de molles inspections en échange d’un simple report, temporaire et de court terme, des progrès de l’Iran vers l’arme nucléaire». Cela le rend «inacceptable» et, à moins de remédier à ses failles, Trump promet de «l’éliminer». Mais il ne rompt pas à ce stade avec les autres signataires (Allemagne, Chine, France, Royaume-Uni, Russie, UE), qui demandent à Washington de respecter sa signature. Après de vives passes d’armes avec ses ministres, le président s’est laissé convaincre qu’il n’avait pas intérêt à isoler les États-Unis. Pour sauver les apparences, ceux-ci lui ont concocté une solution alambiquée qui se borne pour l’instant à écorner l’accord, permet à la Maison-Blanche de se défausser sur le Congrès et emballe le tout dans une «stratégie» aux vertus médiatiques.
«L’un des pires deals jamais négociés»
En 2015, le Congrès républicain avait exprimé sa défiance envers Barack Obama en l’obligeant à «certifier» tous les trois mois la validité de l’accord nucléaire. Trump, qui le dénonce depuis la campagne de 2016 comme «l’un des pires deals jamais négociés», ne supporte pas ce qui est devenu pour lui une humiliation trimestrielle: devoir confirmer que l’Iran respecte ses obligations, comme en attestent les huit derniers rapports de l’agence atomique (AIEA). Lors d’une réunion du Conseil de sécurité nationale le 17 juillet dernier, il aurait «piqué une crise» pour que son équipe le sorte de ce piège avant la prochaine échéance, le 15 octobre. «Il n’accepte pas de devoir déclarer qu’un élément quelconque de la stratégie d’Obama fonctionne», commente Vali Nasr, doyen du département d’études internationales à l’université John Hopkins.
La formule trouvée par le conseiller H.R. McMaster, le secrétaire à la Défense James Mattis et le secrétaire d’Etat Rex Tillerson est la suivante: le président refuse de certifier que l’accord soit toujours «dans l’intérêt de la sécurité nationale» américaine, mais il ne dément pas que l’Iran remplisse sa part du contrat et ne demande pas le rétablissement des sanctions levées en 2015. «Nous restons dans l’accord», insiste Tillerson, faisant valoir que le geste présidentiel relève seulement de la loi américaine. Cette demi «dé-certification» n’en déclenche pas moins une période de 60 jours durant laquelle le Congrès doit décider, ou pas, de rétablir les sanctions. Trump souhaite que les élus la mettent à profit pour modifier la loi de deux façons: en introduisant des critères déclenchant automatiquement des sanctions et en le dispensant de l’obligation de certifier à nouveau.
«Clauses crépusculaires»
Pendant ce temps, Washington compte enrôler ses partenaires, en particulier européens, pour forcer l’Iran à négocier un deuxième accord comblant les lacunes du premier. L’Administration Trump veut remédier aux «clauses crépusculaires» qui lèvent plusieurs obligations après 2025 ou 2031, et ouvrir certaines bases militaires aux inspecteurs de l’AIEA. Surtout, elle entend contraindre les activités balistiques de l’Iran (tests de missiles) et endiguer son expansionnisme régional «qui cherche à établir un pont jusqu’en Syrie et au Liban». À ce titre, les Gardiens de la révolution sont particulièrement dans le collimateur du président, «l’arme privilégiée du leader suprême Ali Khamenei pour faire de l’Iran un État voyou, accuse-t-il. Sous Khamenei, l’Iran exporte la violence, déstabilise ses voisins, soutient le terrorisme, oppresse son peuple, truque les élections…»
Cette animosité est justifiée par le comportement du régime des mollahs, son rôle «dans la prolifération» balistique, son «soutien matériel et financier au terrorisme» via le Hezbollah, libanais, le Hamas palestinien et les houthistes du Yémen, son appui «aux atrocités du régime d’Assad» en Syrie, son «hostilité continuelle à Israël», ses «menaces sur la navigation» dans le détroit d’Ormuz, «ses cyberattaques et ses violations des droits de l’Homme». Elle correspond au tropisme pro-israélien de Trump et à ses connexions d’affaires dans les monarchies sunnites du Golfe. Elle s’explique aussi par l’amertume de ses généraux, qui ont tous servi en Irak et se lamentent de voir Téhéran recueillir les fruits politiques de leurs campagnes. Mattis ne cache pas son ressentiment, mais il ne veut pas «avoir un Iran nucléaire sur les bras en plus de la Corée du Nord».
Le président a donc renoncé à son souhait de désigner les Gardiens de la révolution comme «organisation terroriste», une ligne rouge pour Téhéran. Il se contente pour l’heure de «sanctions ciblées» contre des «individus et entités» à définir. Tillerson évoque «les complexités d’incriminer une armée entière, avec laquelle nos troupes pourraient entrer en contact sur le champ de bataille». Les partisans de la diplomatie se réjouiront que les mesures ne soient pas à la hauteur des reproches. Mais le fragile équilibre maintenu par la Maison-Blanche peut voler en éclats si le Congrès impose unilatéralement de nouvelles contraintes à l’Iran sous peine de sanctions.
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