Comment reprendre le contrôle lorsque son enfant, dont les réactions font peur, est devenu le maître de la maison?
Le CHU de Montpellier a ouvert en 2015 une consultation dédiée aux parents d’enfants tyranniques et présente les premiers résultats d’une étude qui a suivi une cinquantaine de familles. Accompagnés par des professionnels, les parents ont appris des stratégies de résistance pour désamorcer les violences.
C’est quoi un enfant « tyran »?
Contrairement aux idées reçues, l’enfant dit « tyran » est plutôt inhibé lors qu’il se trouve hors de chez lui. Les crises de colère, les violences verbales et/ou physiques, les provocations ou menaces de fugue ou de suicide se jouent uniquement dans le huis clos du domicile familial. Les premiers signes peuvent débuter dès la fin de la petite enfance.
Les enfants tyranniques sont le plus souvent des enfants anxieux qui développent des phobies sociales, des addictions aux écrans ou des TOC (troubles obsessionnels compulsifs).
Certains présentent un trouble de déficit d’attention avec hyperactivité (TDAH) avec une difficulté à gérer leurs émotions. Leur niveau cognitif est souvent plus élevé que la moyenne.
A l’adolescence, ils s’absentent de l’école. Ils sont donc à différencier des enfants difficiles ou colériques qui ne deviendront pas pour autant tyran.
Quand l’autorité bascule
« Le fait d’être enfant unique, adopté ou d’avoir eu une maladie somatique dans la petite enfance augmente aussi le risque chez ces enfants », constate Nathalie Franc, l’une des pédopsychiatres ayant lancé une étude pilote pour comprendre les facteurs qui pourraient expliquer ce basculement de l’autorité au sein des familles.
Les premiers résultats feront l’objet d’une présentation lors des Entretiens de Bichat 2017, rencontre entre professionnels de médecine, qui a lieu en ce moment même à Paris.
Un profil type de parents à risque
L’étude montre que la prise de contrôle par l’enfant maltraitant fonctionne face à un profil type de parents qui ont tendance à la surprotection.
Ils sont, dans la majorité des cas, d’un âge plus élevé, appartiennent à un niveau socio-économique élevé et sont hyper-sensibilisés aux besoins de l’enfant. Ils travaillent souvent dans un milieu en lien avec l’enfance, l’éducation.
Ils sont victimes de dépression ou de maladies somatiques: « Ils ont le souci de faire du mieux qu’ils peuvent mais cela se retourne contre eux car l’enfant les sent fragilisés, cela l’insécurise donc l’anxiété s’exprime. »
« Les prises en charge habituelles ne fonctionnent pas »
Sans surprise, l’enfant tyrannique a tendance à refuser les traitements. Face à ce manque de coopération, les équipes de soignants ont développé des protocoles destinés aux parents devenus soumis et visant à « reprogrammer » la relation.
« Les prises en charge habituelles ne fonctionnent pas du tout », explique Nathalie Franc. « Tout simplement parce que ces enfants ont des bénéfices dans cette situation, ils ne sont pas motivés pour changer. L’enfant veut contrôler pour se rassurer. »
« Tous les enfants que nous avons vus souffrent d’un trouble pédopsychiatrique, ce n’est donc pas un problème éducatif. Quasiment tous présentaient un trouble déficitaire de l’attention ou un trouble anxieux, des TOC voire un trouble du spectre autistique. Ils avaient aussi une intelligence supérieure à la moyenne. »
Redonner toute leur place aux parents
Il s’agit d’un programme « d’entrainement aux habiletés parentales » qui utilise la méthode de la « résistance non violente » adaptée au contexte familial par Haim Homer, professeur de psychologie à l’université de Tel-Aviv.
Ce programme a montré son efficacité dans des populations d’enfants et d’adolescents ayant des conduites à risque et des troubles du comportement. A raison de 13 séances, les parents apprennent concrètement à ne plus entrer dans l’escalade de violence, ne plus réagir à chaud.
Eviter les escalades et la violence
« On leur apprend à s’isoler et à communiquer avec leur enfant quand ce dernier est calme pour éviter les dérapages ». Pour cela, au moment de la crise, les parents peuvent simplement dire de manière ferme mais calme: « Je n’accepte pas ce comportement et je vais y réfléchir. »
Puis, une fois la tension retombée, voire même le lendemain, ils peuvent revenir sur l’incident et tentant un dialogue avec l’enfant. La méthode prévoit même des « sit-in » dans la chambre de l’enfant pour instaurer une « présence parentale » qui sera bénéfique à moyen terme.
L’importance de sortir du secret
« Le fait de sortir du secret est très bénéfique, car l’enfant est sensible au regard qu’on porte sur lui ». Briser le tabou dans l’entourage et solliciter de l’aide est aussi l’une des clés: l’enfant doit savoir que ses parents sont soutenus par le reste de la famille, leurs amis, etc.
Des résultats encourageants
« Depuis que nous suivons ces familles, nous avons constaté que les parents ont retrouvé confiance en eux, qu’ils recommencent à faire des choses pour leur propre bien-être, se culpabilisent moins et arrivent à parler des faits et gestes de leurs enfants à des tiers », s’enthousiasme Nathalie Franc.
« Les parents sont plus dans l’action, moins dans la passivité. Ils reprennent confiance en eux et les enfants acceptent de se faire aider. »
L’initiative du CHU de Montpellier trouve actuellement écho auprès d’autres hôpitaux en France, à Marseille, Bordeaux et Paris.
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