Torreton à Mélenchon : On ne construit pas l’avenir sur un déni de réalité

Une lettre ouverte du comédien au leader de la France insoumise.

Cher Jean Luc Mélenchon,

Vous avez perdu les deux dernières élections majeures de ce pays. Les règles du jeu vous étaient connues : les modes de scrutin, la constitution… Instruit et passionné d’histoire et de politique comme vous l’êtes, je doute qu’un aspect, même mineur, relatif aux procédures électorales ait pu vous échapper. Votre tactique, vos choix stratégiques étaient donc établis et approuvés en parfaite connaissance de cause.

Ceci étant posé, il me paraît alors évident que ces deux échecs sont les vôtres et uniquement les vôtres. Inutile d’invoquer l’altitude, le vent et la nature du terrain, Benoît Hamon ne serait en aucun cas actuellement votre Premier ministre car vous affirmiez, battant campagne, qu’il n’était pas question de marchandages et de tractations comme cela se passe habituellement dans les appareils politiques, appareils que vous n’avez eu de cesse de pourfendre.

Publiquement, aucun message autre que la reddition en rase campagne en chemise blanche et clefs de la ville autour du cou ne nous est parvenu de la France insoumise à nous autres bourgeois conformistes de Calais qui ne pensions pas tout à fait exactement comme vous. Hamon était le bienvenu s’il renonçait à tout. Les phrases sont nombreuses et j’invite tous les insoumis qui s’étrangleraient en lisant ces lignes à retrouver les déclarations et les gestuelles de leur chef qui le prouvent irréfutablement.

Il n’y avait pas d’accord possible. Vous nous l’avez suffisamment martelé. Dire aujourd’hui que vous avez perdu l’élection à cause de Benoît Hamon est un déni de réalité et vous le savez. En revanche votre stratégie n’a pas été la bonne : vous vouliez être président et vous n’avez pas passé la barre du premier tour ; vous vouliez imposer la cohabitation en devenant le Premier ministre du Président Macron et pour se faire les Français, les gens donc, vous ont gentiment accordé 15 députés.

Forfaiture

Si je vous dis tout ça c’est que, en accompagnant mes enfants à l’école, je suis tombé sur une affiche nous invitant à vous rejoindre le 23 septembre pour « marcher contre le coup d’État social ». Autant votre sortie sur le PS comparé à « un zoo dont les animaux se garderaient tous seuls » m’a fait rire, autant ce slogan écrit et collé sur les murs me paraît grave.

Emmanuel Macron a gagné l’élection sur un programme et une méthode. Devenu président, il applique son programme et sa méthode. Il n’y a donc, ni de près ni de loin, un coup d’État. Cela s’appelle la démocratie. On peut exprimer ses doutes, voire ses craintes et son mécontentement, mais utiliser cette expression de « coup d’État » est indigne. Si ce qui se passe en France est un « coup d’Etat social », je ne sais comment qualifier le régime politique de Maduro.

C’est choquant et, au regard de votre parcours politique, c’est une forfaiture, c’est-à-dire un manquement grave à une parole donnée. Et cette parole n’est autre que votre si longue carrière politique : vous avez été conseiller général, président délégué du conseil général de l’Essonne, ministre, député, sénateur… Vous êtes depuis des décennies un serviteur des institutions de ce pays, dans la majorité comme dans l’opposition et de ce point de vue, c’est-à-dire du point de vue de votre parcours dans les différents institutions de ce pays, vous faites partie de ce système qui autorise des élections et permet des changements de gouvernance.

S’il y a un homme politique en France qui ne peut pas dire ça sans se déjuger immédiatement, c’est bien vous. Assimiler la politique d’Emmanuel Macron légitimement élu à un coup d’État social est une forfaiture… ou alors soyez quitte vis-à-vis de la nation et redonnez aux Français, aux gens, l’intégralité des sommes que vous avez perçues de l’État durant votre longue carrière politique. Redevenu libre et reniant votre passé, vous pourriez alors utiliser les formules les plus percutantes pour attaquer la politique de ce gouvernement et affirmer, pourquoi, pas que les élections étaient truquées comme cela vous a chatouillé un temps le soir des résultats du premier tour de la présidentielle.

Analyser la défaite

A quoi devons-nous nous attendre dans les prochains jours ? Un appel à prendre le maquis ?  À organiser des sabotages ? Les mots ont un sens et, vous qui êtes cultivé, le savez trop bien : l’écho des formules à l’emporte-pièce peut tuer. Des régimes totalitaires, ici comme ailleurs, ne nous l’ont que trop prouvé. Il est un peu désespérant qu’un homme politique se revendiquant des valeurs pacifistes et humanistes en arrive à utiliser ces grosses ficelles de propagande pour exciter les foules, sans doute pour lui faire oublier que le meilleur moyen de lutter contre cette réforme du code du travail eut été de remporter les élections.

Car ce fameux « coup d’Etat social » ne méritait-il pas d’appeler au rassemblement avant les élections ? Et pour cela faire preuve d’un peu moins de morgue et de mépris envers les différentes composantes de la gauche ?

Je vous fais grâce de l’urgence écologique pour laquelle j’étais venu vous rencontrer sur un plateau de France Télévision avant le dépôt des candidatures, urgence écologique qui a elle seule méritait une union sacrée des forces progressistes, beaucoup plus que des ordonnances qui peuvent être annulées dans cinq ans. Mais partagions-nous réellement cette urgence ?

Le meilleur service que vous puissiez rendre au peuple de gauche serait, à mon sens, d’analyser votre défaite car on ne construit pas l’avenir sur un déni de réalité.

Cordialement,

Philippe Torreton

Source tempsreel

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1 Comment

  1. Mélenchon, ce donneur de leçon qui n’a jamais eu de métier ni d’activité professionnelle en dehors de la politique. Alors en quoi est-il différent des autres au fond ? En rien sinon que cet étatiste de gauche professionnel de la politique veut encore plus d’État que les étatiste de droite professionnels de la politique. Grosse différence !

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