Neta Shlezinger et le Prof. Amir Sharon du Département de Biologie moléculaire et d’Ecologie des plantes de l’Université de Tel-Aviv ont découvert la stratégie employée par les cellules immunitaires pour lutter contre les spores de moisissure que nous respirons chaque jour par milliers : elles les font se suicider.
Selon les chercheurs, la compréhension de ce mécanisme pourra conduire au développement de traitements plus efficaces pour les personnes souffrant d’un système immunitaire déficient, en raison d’une maladie ou d’une chimiothérapie, par exemple. L’étude a été publiée dans la revue Science.
Le saviez-vous ? A chaque inspiration nous faisons pénétrer dans nos poumons en même temps que l’oxygène une foule de créatures microscopiques, y compris des bactéries et jusqu’à dix milliards de spores de moisissures par jour. Habituellement, le système immunitaire élimine ces spores sans qu’ils ne causent aucun dommage à notre organisme. Cependant, chez les personnes souffrant d’un système immunitaire affaibli en raison d’une maladie ou d’une chimiothérapie, par exemple, ils peuvent causer de graves problèmes.
Comment se protègent nos poumons
La présente recherche a démarré dans le laboratoire du Prof. Amir Sharon à l’Université de Tel-Aviv, lorsque le Dr. Neta Shlezinger, alors doctorante, étudiant un champignon qui attaque les plantes, a découvert le mécanisme de défense de celles-ci : plutôt que de tuer les cellules fongiques directement, elles leur font faire le travail à leur place. Les chercheurs se sont alors demandé si un mécanisme similaire existait également chez les humains. Pour le découvrir, ils ont pris comme cas d’étude le champignon Aspergillus fumigatus, cause la plus fréquente des pneumonies fongiques.
Le « suicide » cellulaire n’est pas un événement rare. Lorsqu’il se produit de manière normative, il est essentiel pour la santé du corps. Chez les animaux, ce processus, appelé apoptose, constitue une partie importante du développement du fœtus, de la création des cellules du système immunitaire, de la lutte contre les cellules malades et plus. Les champignons connaissent un processus similaire, que les plantes et le corps humain utilisent contre eux. Lorsque les cellules fongiques entrent dans nos poumons et tentent d’attaquer le corps, elles sont immédiatement entourées par des cellules immunitaires, qui les attaquent au moyen de substances oxydantes qui réagissent avec de nombreuses molécules de la cellule invasive et lui causent de lourds dégâts. La cellule attaquée entre dans un état appelé « stress oxydatif », au cours duquel elle active un processus d’apoptose et se suicident en réponse.
Se débarrasser des champignons
Pour les besoins de l’étude, les chercheurs ont créé un champignon génétiquement modifié produisant une grande quantité d’une protéine particulière capable d’inhiber le processus de suicide cellulaire, et donc plus résistante aux cellules immunitaires. La doctorante Neta Shlezinger, en collaboration avec des chercheurs aux États-Unis, a ensuite comparé en laboratoire la réaction à l’infection d’un organisme contaminé par le champignon d’origine ou par la souche résistante génétiquement modifiée.
Résultat : l’organisme infecté par le champignon modifié était davantage atteint, et a eu beaucoup de mal à se débarrasser de l’infection. Par contre, le système immunitaire de l’organisme infecté par le champignon normal a facilement réussi à provoquer le suicide des cellules fongiques, ce qui lui a permis de se débarrasser du champignon invasif rapidement et efficacement.
Selon les chercheurs, l’étude offre une orientation nouvelle et intéressante pour le développement de traitements antifongiques pour les patients souffrant d’un système immunitaire déficient. « La protéine fongique qui protège contre le suicide cellulaire n’a pas de parallèle dans les cellules humaines » explique le Prof. Sharon. « C’est un grand avantage, car il sera plus facile de trouver des substances qui l’inhibent et n’affectent pas les cellules du corps ». Il a cependant souligné que la voie vers le développement de médicaments était encore longue.
« Il est très probable que le mécanisme du système immunitaire révélé par l’étude ne soit pas spécifique à l’Aspergillus fumigatus mais soit également utilisé par le corps pour lutter contre une foule d’autres champignons », souligne le Prof. Sharon. « Le cas échéant, une meilleure compréhension du mécanisme pourra nous aider à lutter contre les infections fongiques de nombreux types différents ».
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