Le joaillier fête, cette année, les 10 ans du Move, un bracelet devenu iconique enserrant trois diamants en mouvement. Retour sur une affaire de famille.
On entre ici comme à Fort Knox, très difficilement. Pénétrer dans la Bourse aux diamants de Tel-Aviv impose toute une série de contrôles. Il faut être accompagné d’une personne accréditée, faire un badge avec photo, donner ses empreintes digitales à maintes reprises, passer plusieurs portiques, détecteurs et autres postes de sécurité. Mais être escorté par André Messika facilite le parcours, car beaucoup connaissent ce baron du métier.
Une fois à l’intérieur de ce haut lieu du commerce de diamants dans le monde (avec Anvers, Bombay et New York), où travaillent 15 000 personnes toutes professions confondues (négoce, transport, banque, logistique…), la confiance règne. Dans les bureaux d’André Messika, au vingt-cinquième étage de l’une des trois tours de Ramat Gan, la porte d’entrée reste grande ouverte, malgré la douzaine de pierres brutes de plus de 10 carats que sont en train d’examiner deux experts, les lots de dizaines de diamants tailles triangle, émeraude et ovale tout juste récupérés par Valérie Messika ou encore l’appairage de deux rares poires roses posées sur le bureau d’André.
Ce dernier a quitté la capitale française il y a quinze ans, arrivant ici sans parler un mot d’hébreu (pas beaucoup plus aujourd’hui, d’ailleurs !). Ce fils de pieds-noirs, qui a arrêté l’école à 13 ans, se découvre vite un sens inné du commerce et une attirance pour le diamant qui dure depuis plus de cinquante ans. Il plonge dans cet univers en commençant comme petite main dans une bijouterie de quartier à Paris, puis chez les plus grands revendeurs de la rue Lafayette, avant de se mettre à son compte et de racheter des entreprises dans lesquelles il a parfois travaillé.
Une affaire de famille
Au début des années 2000, André Messika essaie d’enrôler sa fille Valérie, l’emmenant autour du monde voir ses clients. La jeune femme a fait des études de marketing et de communication, et s’aperçoit qu’elle n’est « ni une très bonne vendeuse ni une très bonne acheteuse ». En revanche, elle comprend qu’elle a un rapport décomplexé au diamant et veut en faire quelque chose. « Mon père évolue dans un métier où beaucoup sont là de génération en génération. Lui, l’autodidacte venant de nulle part, voulait construite un nom qui perdure. L’idée de la marque est venue de là et également de mon envie d’apporter quelque chose dans la joaillerie qui n’existait pas à l’époque. »
Le timing est favorable. Les lignes bougent autour de la place Vendôme. Tati Or vient d’ouvrir un magasin rue de la Paix à Paris, Dinh Van fait un carton avec son bracelet en or sur cordon, Victoire de Castellane éblouit chez Dior Joaillerie avec ses idées et ses couleurs… «Au moment où je me sentais prête, le ciel m’est tombé sur la tête, car mon père m’a annoncé qu’il partait vivre en Israël, pour des raisons personnelles autant que professionnelles,se souvient Valérie Messika. Lui, le roi de la métaphore, m’a alors expliqué que les petits arbres ne peuvent pas pousser s’ils sont à l’ombre des grands. »
La marque Messika est lancée peu de temps après, en 2005. Depuis la première minute, il s’agit d’une histoire familiale : montée par la fille, avec l’aide du père, le soutien du cousin (Didier, ancien meilleur vendeur du père, qui « a un grand sens artistique »), les compétences du futur mari (Jean-Baptiste, qui s’occupe des finances et du développement) et même la participation de la meilleure amie (Aurélie Darmon, en charge entre autres du marketing).
Move, la vraie vedette
Dans les grandes étapes de développement, Valérie Messika – qui est présidente et directrice artistique – cite le premier petit stand à Bâle en 2005 « près des toilettes » (alors que maintenant il se situe dans la Halle 1 – la Mecque – sur plus de 1 000 m2), la première campagne d’affichage dans les rues de Paris (« une grande émotion de voir son nom ainsi placardé en 4 par 3, pour des diamantaires habitués à vivre dans l’ombre »), l’ouverture de la boutique rue Saint-Honoré en 2013 (« Jacques Séguéla, avec lequel j’ai eu la chance de discuter, m’avait dit : “Il n’y a pas de marque sans temple” »), Beyoncé l’année suivante porte ses bijoux et Gigi Hadid, au printemps dernier, accepte de poser pour eux et de dessiner une ligne capsule.
Sans oublier, côté produits, la naissance en 2008 de Skinny, ce bracelet tennis (soit une rangée de diamants) aussi fin que souple, qui est devenu un des best-sellers.
Mais la vraie vedette est le Move, qui fête, cette année, ses 10 ans. Une belle réussite, puisque la ligne compte plus de 130 références et représente une grande part du chiffre d’affaires (qui devrait atteindre 100 millions d’euros en 2017, après une croissance à deux chiffres depuis cinq ans). À contre-courant du secteur, qui vend majoritairement des bagues, la marque est donc très forte sur les bracelets. Le Move, un jonc doté d’un rail sur lequel coulissent trois diamants, est né à l’occasion du concours Trinity de De Beers, en 2007. Il a connu depuis mille variantes, en bagues, boucles d’oreilles, pendentifs, avec un, trois ou cinq diamants, dans les trois ors ou en titane, pavé ou non, sur cordon ou en version haute joaillerie… Citons également le Move Noa avec son système d’attache superposé et le Move Romane qui mixe une ligne de diamant Skinny et des diamants mobiles. Ils portent les prénoms des deux filles de Valérie Messika. Toujours une histoire de famille.
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