L’amendement à la loi levant l’exemption des juifs ultra-orthodoxes de service militaire a été annulé mardi par la Cour suprême en Israël. Les partis ultra-orthodoxes du gouvernement de Benjamin Netanyahou ont fait part de leur mécontentement.
La Cour suprême israélienne a annulé mardi 12 septembre un amendement à la loi levant l’exemption de service militaire pour les ultra-orthodoxes en Israël, provoquant le mécontentement de cette puissante communauté dans le pays.
Les neuf juges qui composent la Cour ont décidé que ce texte, adopté en 2015, était plus favorable aux étudiants en religion qu’aux autres. Obligatoire dès l’âge de 18 ans en Israël, sauf exception, le service militaire est de deux ans et huit mois pour les hommes et de deux ans pour les femmes.
Jugeant que l’amendement spécifique aux ultra-orthodoxes “violait le principe de l’égalité”, la Cour a donc décidé de l’annuler à une majorité de huit juges contre un. “La majorité des juges a statué que l’annulation [de l’amendement] prendrait effet seulement un an après la date du jugement”, a précisé l’instance suprême.
Le délai d’une année avant l’entrée en vigueur de la décision de la Cour suprême va permettre de donner du temps aux hommes politiques pour trouver une formule qui puisse être acceptable à la fois pour la Cour et pour les partis ultra-orthodoxes, dont le soutien est vital au gouvernement du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou.
Des ultra-orthodoxes remontés
Les dirigeants ultra-orthodoxes ont fait part de leur mécontentement à la suite de cette décision, sans pour autant menacer de retirer leur appui au gouvernement qui dispose d’une faible majorité au Parlement. “C’est un jugement lamentable”, a déclaré Menahem Eliezer Moses, du parti Judaïsme unifié de la Torah, à la chaîne publique One TV, tout en promettant de ne “pas démanteler le gouvernement” en retirant son soutien à Benjamin Netanyahou avant les élections législatives prévues dans deux ans.
Le ministre de l’Intérieur Ariye Dery, du parti religieux Shass, est allé dans le même sens. Il a estimé sur Twitter que la Cour suprême était “complètement déconnectée de nos traditions”. Le ministre de la Santé Yaacov Litzman, à la tête du parti religieux Agoudat Israel, a quant à lui accusé sur la radio publique la Cour suprême de tenter de renverser le gouvernement et un de ses juges “d’être tout le temps” contre les ultra-orthodoxes.
Au contraire, la députée de l’Union sioniste, Tzipi Livni a accueilli la nouvelle dans un tweet célébrant l’égalité. “Service militaire, national, civique pour tous, sans exception ni entourloupe. Vous pouvez très bien préserver votre monde des yeshivas [centre d’étude religieux ultra-orthodoxe] sans imposer vos exemptions à tous.”
“Égalité Messieurs ! Service militaire, national, civique pour tous, sans exception ni entourloupe. Vous pouvez très bien préserver votre monde des yeshivas sans imposer vos exemptions à tous”.
שוויון רבותי שוויון. שירות צבאי, לאומי או אזרחי לכולם, בלי שטיקים ובלי טריקים. אפשר לשמור על עולם הישיבות בלי לתת פטור כולל לכולם. https://t.co/GvIoCaDhoW
— ציפי לבני (@Tzipi_Livni) 12 septembre 2017
Selon la radio publique, les principaux responsables des partis ultra-orthodoxes devaient se rencontrer mercredi dans la journée pour définir une stratégie commune.
Des haredims enrôlés de force
La dispense du service militaire pour les ultra-orthodoxes, également appelés haredims, existe depuis la création de l’État hébreu en 1948. Mais elle est régulièrement remise en question, ravivant les tensions sur un sujet qui cristallise depuis des années les dissensions entre laïcs et religieux.
En 2014, une loi appelée “partage du fardeau” et votée sous la pression du parti centriste laïc Yesh Atid alors au gouvernement, a failli y mettre un terme. Mais la communauté ultra-orthodoxe a réussi à faire reculer le gouvernement, d’où l’amendement voté en 2015 en leur faveur. Celui-ci devait théoriquement leur garantir une vie religieuse à l’abri des obligations militaires jusqu’en 2023.
En vertu de ce texte, les femmes ultra-orthodoxes peuvent se passer de service militaire, ainsi que les hommes étudiant la Torah à plein temps dans des écoles talmudiques. Pour ceux qui n’étudient pas, l’armée israélienne a prévu des unités spéciales, où leurs interactions avec les femmes sont limitées, comme l’impose leur pratique littérale du judaïsme.
Ces derniers sont parfois enrôlés de force, ce qui engendre des tensions, comme en mars 2017. L’arrestation de haredims refusant de rejoindre Tsahal avait alors provoqué des manifestations de la communauté ultra-orthodoxe à proximité de Tel-Aviv.
Ne pas tenter les jeunes orthodoxes en dehors de prières
Cette communauté, qui représente environ 10 % de la population, observe strictement les règles du judaïsme dans tous les aspects de la vie quotidienne et spirituelle. Ils considèrent notamment la conscription comme une source de tentations pour leurs jeunes, une fois sortis du monde fermé de la prière et de l’étude religieuse.
Refusant de travailler pour se consacrer entièrement aux études, ces ultra-orthodoxes forment une communauté paupérisée vivant largement des subventions de l’État – une dépendance vis-à-vis des services sociaux mal perçue par la plupart des Israéliens, d’autant que cette communauté, qui fait davantage d’enfants, pourrait constituer le quart de la population israélienne d’ici à 2050, selon les projections.
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