Le départ vers Drancy puis Auschwitz de 143 juifs regroupés à Montluçon reste un épisode méconnu de l’histoire de la ville. C’était il y a 75 ans…
Il y a 75 ans, le 3 septembre 1942, 143 juifs étrangers, hommes, femmes et enfants (de 2 à 17 ans), montent dans cinq wagons en gare de la Ville-Gozet, dite de la petite vitesse, à Montluçon. Direction Châteauroux où leur train est rattaché à un autre train en provenance de Toulouse.
Le lendemain, le convoi, soit 900 personnes environ, arrive au camp de Drancy, en région parisienne. Selon Serge Klarsfeld dans le Mémorial de la déportation des juifs de France, douze jours plus tard, le 16 septembre 1942, la plupart sont gazées à leur arrivée au camp d’extermination d’Auschwitz. L’AFMD (Amis de la fondation pour la mémoire de la Déportation dans l’Allier) précise que sur les 143 Israélites partis de Montluçon, 140 ont été déportés.
Les victimes de la rafle
Ce sont tous des réfugiés, de nationalité tchèque, polonaise ou allemande, arrêtées en Auvergne ( une cinquantaine dans l’Allier)dans la journée du 26 août 1942. Ces arrestations entrent dans le cadre d’une rafle touchant les 40 départements qui ne sont pas encore envahis par les Allemands. L’Occupant s’appuie sur les autorités françaises, le gouvernement de Vichy, l’administration, les renseignements généraux, la police et la gendarmerie pour organiser la déportation des juifs étrangers à partir de la zone libre.
Le camp des Textiles à Prémilhat
Toutes les personnes arrêtées en Auvergne sont conduites au camp des Textiles à Prémilhat ( à l’emplacement actuel du bowling), devenu « centre régional de rassemblement des Israélites ». Il s’agit d’une ancienne usine désaffectée, réquisitionnée par l’armée en 1940, sur laquelle François Demaegdt, président de l’AFMD, a recueilli, il y a plusieurs années, le témoignage d’une riveraine de l’époque, Gaby Cussinet :
« J’avais 17 ans et j’habitais face aux Textiles. Représentant des propriétaires, mon père en assurait la gérance. En août 1942, les bâtiments ont été occupés par des familles juives mais très peu de temps. L’accès avait été interdit à mon père qui essayait de leur passer, à travers la haie, de l’eau et du lait. » Les lieux ont été incendiés et détruits en août 1944 lors des combats pour la libération de Montluçon.
La mémoire
L’historien André Touret ou le responsable du musée de la Résistance, Jacky Laplume, partagent le même sentiment : cet épisode est méconnu. André Touret écrit dans un de ses ouvrages sur la période 1940-1944 à Montluçon : « L’existence de camp, à la lisière de la ville, a pu passer inaperçue à la grande majorité des Montluçonnais mais plusieurs dizaines de personnes, gardes, infirmières ont participé au convoi. »
Des faits occultés
Les faits sur lesquels le journal local Le Centre n’a pas écrit une ligne, ont été occultés par d’autres événements comme la manifestation de janvier 1943 contre le départ des requis ou le massacre de la carrière des Grises en août 1944. « Le départ des juifs est resté dans l’ombre, confirme André Touret. Il a existé une certaine ignorance et j’ai même entendu des gens affirmer que ce n’était pas vrai. »
En fait, il a fallu la publication en 1996 des recherches de Gérard Gobitz sur les déportations de réfugiés de zone libre en 1942 pour redonner aux faits leur place dans l’Histoire. C’est à l’initiative du vice-président de l’Amicale des anciens déportés d’Auschwitz qu’une plaque commémorative a été dévoilée sur le mur de la gare SNCF en 1994 ( voir par ailleurs).
En revanche, rien ne vient rappeler aux passants ce que fut le site du camp éphémère des Textiles.
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