Les oliviers d’Albert, une belle histoire réjouissante

Quand j’y suis allé pour la première fois, ce devait être en 1970 et je rendais visite à Elsa, cousine de ma femme et mariée à Albert.  oliviers 3
C’est au milieu des années 50 que le jeune couple avait quitté la Tunisie pour Israël. Je voulais connaître un aspect de cet « Israël profond » : retour à la terre, rêverie sioniste et socialiste .
C’était comme je me l’imaginais : terre ingrate, soleil de plomb,  sécheresse, jamais d’humidité. Des maisonnettes, des appentis le long de quelques rues serpentant autour d’une colline basse. Pas  la pauvreté mais la frugalité et la simplicité. Des conversations sonores, des grands rires,  une  extrême cordialité  et une amitié réconfortante. Quelques cultures vivrières, de la basse cour, un atelier de mécanique, 36 mois de service militaire, un mois par an de  rappel  de réserviste. Très peu d’argent mais le sourire de ceux qui sont en paix.
Albert tenait  au milieu du village une petite épicerie : pain, lait, cigarettes et journaux pour l’essentiel des ventes. Bien sûr, tout à crédit!
Ceux qui arrivaient à solder leurs comptes le faisaient avec un tel retard  que l’inflation galopante avait dévoré la marge bénéficiaire. Je m’étais dit : « Le juif nouveau est arrivé. »

Omer :7300 habitants

Tel Aviv -Beer Sheva : une autoroute de 100 kms et quelques kms avant la ville , une gare routière puis à gauche les grands bâtiments blancs de Ben Gourion University. Vous les longez puis les dépassez et à droite, une belle avenue , grands arbres et massifs de fleurs, villas, cottages, maisonnettes . Vous êtes à Omer, village ou plutôt petite ville de 7300 habitants.

Au départ, c’était là le mochav, sorte de coopérative agricole où chacun cultivait un bout de terrain en mettant en commun matériels et semences .
Le plan de partage de 1947 incluait Beer-Sheva dans les territoires de l’État arabe, étant donné que la grande majorité des 4 000 habitants était des Arabes.  L’armée égyptienne était implantée à Beer-Sheva en 1948. Le 21 octobre 1948,  au cours de l’Opération Yo’av, la cité a été occupée par une unité du Palmach : le commando français, commandé par Teddy Eytan ( Tadée Diffre) , compagnon de la Libération, capitaine de l’armée française dans la division Leclerc.
Omer a été créé en 1948 pour garder les voies d’accès à Beer Sheva et empêcher les intrusions des bédouins nomades. Au départ, 100 familles devaient s’installer mais seules 40 ont résisté à l’hostilité de la nature et au sabotage des infrastructures par les bédouins.albert 1
Albert et Elsa , eux, avaient résisté à tout : le soleil qui calcine et le vent du désert, le khamssin , qui disperse le sable du Neguev , le froid des nuits d’hiver et rien ne les a découragés.
Les 40 familles pionnières possèdent en commun 100 hectares. Ils y ont cultivé du blé dur et des pommes de terre. Une période auparavant tout était planté en fleurs qui partaient au petit matin pour le marché de Rotterdam. Mais la concurrence d’autres pays a balayé les nouveaux cultivateurs d’Omer  et Ils ont essayé autre chose puis encore autre chose.
Le pays a fait des pas de géant pour sortir du sous développement et arriver à l’auto suffisance.Les immigrants russes sont arrivés nombreux à Beer Sheva qui, en trente ans, est devenue la sixième ville du pays. L’Université Ben Gourion est pionnière dans beaucoup de domaines et tout s’est transformé rapidement. Omer n’est plus un lieu-dit mais l’endroit où les professeurs, les juges, les hauts fonctionnaires, le corps médical,  les commerçants aisés voudraient habiter. Les villas sont plus grandes, plus belles et la piscine municipale ne désemplit pas.Sur le terrain dévolu à sa famille  les deux villas construites par Albert et son fils valent aujourd’hui des centaines de milliers de dollars, la récompense des pionniers!
Albert venait de Tunisie où il avait travaillé comme régisseur de grandes fermes et il connaissait l’agriculture en pays aride. Il ne voulait pas pour Omer  des petites cultures de subsistance celles que les dirigeants sionistes de gauche voulaient promouvoir afin de créer des hommes nouveaux régénérés par le travail sur la glèbe.
Albert s’en est allé et son fils Rooven, aidé par ses deux sœurs au cœur immense,  a repris le flambeau. C’est lui qui, par son dynamisme, a réussi à convaincre ses voisins. L’idée d’Albert était de planter des oliviers qui n’ont pas besoin de beaucoup d’eau et qui sont si bien adaptés au climat.
L’huile d’olive des temps bibliques, nouvelle spécialité d’ Omer, est maintenant une réalité. Et c’est sous la marque « Les oliviers d’ Albert » que la première production a été commercialisée. oliviers 1

Deux sortes d’olives

L’huile d’olive est produite à la Ferme d’Albert (54 BP  1421 Omer Israël) par pression à froid  à partir de 100 % d’olives récoltées la même année. Son degré d’acidité est de 0, 6 % . Il y a deux sortes d’olives, les syriennes et les Monzalino et c’est l’assemblage des deux qui donne au produit le piquant et la douceur en un équilibre parfait.
Albert  avait planté les oliviers : une longue patience, du découragement parfois, du savoir faire toujours. Il n’a pas eu une vie assez longue pour voir sa première récolte transformée en huile d’olive extra vierge par première pression à froid, pour voir son produit mis en bouteilles et en bidons cylindriques d’un litre. Son prénom est sur l’étiquette et son fils continue son œuvre, tout comme dans une histoire biblique où celui qui a commencé doit laisser sa place. oliviers 4
Les 40 familles pionnières ont maintenant beaucoup de projets qu’elles ont inscrites dans un plan de 3 ans . Les partenaires du moshav vont construire cette année des installations solaires sur 13 hectares ce qui leur permettra une auto suffisance électrique. D’autres champs d’oliviers arrivent en production . Une usine de fabrication est en cours de construction avec une salle de réception pour accueillir tous ceux qui s’intéressent au savoir faire et aux procédés techniques.
Enfin il est prévu d’édifier une maison médicale pour réunir sous un même toit, médecins, infirmiers, psychologues et assistantes sociales.

Ce sont les idées que mon ami Albert, séfarade de Tunisie et simple cultivateur intimidé par les ashkénazes si cultivés, développait sans jamais arriver à convaincre.

André Mamou

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