La France libre, le fameux régime de résistance extérieure fondé à Londres par le général de Gaulle à la suite de son appel du 18 juin 1940, comptait de nombreux combattants juifs. Leur histoire est assez méconnue.
Il y a 75 ans, le 27 juillet 1942, l’Aspirant André Zirnheld a été le premier officier parachutiste français libre à avoir été tué par l’ennemi dans le désert Libyen. Il ouvre une série de douze destins héroïques de parachutistes juifs de la France Libre, signée François Heilbronn, que La Règle du jeu publiera en trois parties. Première partie.
a «Prière du parachutiste», le chant fétiche de tous les régiments parachutistes français, fut retrouvée en Cyrénaïque, le 27 juillet 1942, dans la poche du premier officier parachutiste de la France Libre, tué au combat, l’Aspirant André Zirnheld. Ce parachutiste français libre était d’origine juive alsacienne.
De Gaulle, en rendant hommage à tous les parachutistes de la France Libre, écrivit :
«Pour les parachutistes, la guerre fut le danger, l’audace, l’isolement. Entre tous, les plus exposés, les plus audacieux, les plus solitaires ont été ceux de la France Libre.»[1]
Combien étaient-ils, ces héros des troupes d’élite de la France Libre, à être d’origine juive ?
En parcourant les cahiers de marche de ces régiments illustres (le Bataillon de choc, le French Squadron des Special Air Service, les fameux SAS, les 3ème et 4ème SAS, la 1ère Compagnie de l’Air, les Commandos de France, les 1er, 2ème, 3ème Régiments de Chasseurs Parachutistes), les noms d’origine juive sont nombreux parmi les officiers, les sous-officiers et les simples soldats, dénommés «chasseurs».
Et aussi, en parcourant les listes des réseaux de renseignement et d’actions des services secrets anglais, américains et français, nombreux également étaient les Français juifs.
J’ai ainsi choisi d’évoquer, lors d’un colloque à l’université de Tel-Aviv sur «Les combattants juifs de la seconde guerre mondiale[2]» quelques figures historiques et représentatives de ces parachutistes juifs de la France Libre.
Ils furent pour la plupart des officiers aux avant-postes des premières unités parachutistes, d’autres des simples soldats, mais aussi des espions, des saboteurs et des chefs de maquis. Beaucoup d’hommes, mais aussi quelques femmes.
Voici donc l’histoire de douze destins héroïques de parachutistes juifs de la France Libre.
J’évoquerai tout d’abord les guerres de six officiers et soldats des unités parachutistes.
André Zirnheld
Le premier d’entre eux, André Zirnheld[3], l’auteur de la «Prière des parachutistes», est né en 1913 à Paris dans une famille juive alsacienne patriote qui a choisi la France en 1870. Orphelin de père à 9 ans, il suit des études de philosophie, se spécialisant en Spinoza. Il devient professeur de philosophie au collège de Sousse en Tunisie, puis au lycée Carnot de Tunis. Professeur également en Syrie en 1940, il rejoint les Britanniques en Palestine et s’engage dans l’Infanterie Coloniale. Il sert en Egypte puis en Libye où il rencontre en janvier 1941 «les rats du désert».
Il suit l’école d’officiers à Brazzaville. Sorti 5ème, il demande à servir dans les parachutistes de la France Libre, le «French Squadron» intégré au «Special Air Service Brigade» britannique, les fameux SAS du major Stirling.
Le rôle de ces «rats du désert» était d’attaquer en profondeur et de saboter les terrains d’aviation et les avions allemands en Libye. Zirnheld, à la tête de son commando, détruit ainsi 5 Messerschmitt 109 sur un terrain de Benghazi.
De retour d’une opération le 26 juillet 1942, sa Jeep crève, il est mitraillé par des Stuka. Blessé mortellement, il meurt le lendemain matin dans le désert de Cyrénaïque.
L’aspirant Martin, qui l’accompagnait, l’enterra et trouva sur lui cette «Prière du para» écrite de manière prémonitoire à Tunis en 1938.
André Zirnheld, dont son commandant, le Capitaine Jordan, disait qu’«Il a été l’un des plus aimé et admiré»[4], fut le premier officier parachutiste de la France Libre tué par l’ennemi. David Stirling, le légendaire patron des premiers parachutistes anglais, les Special Air Service, les SAS, l’avait lui surnommé «le good Frenchie»4.
Il fut nommé Compagnon de la libération − l’Ordre de la Libération institué par de Gaulle reconnaîtra ainsi 1.038 hommes et femmes «qui se seront illustrés dans l’œuvre de libération de la France et de son Empire». Vingt-sept, parmi ces Compagnons héroïques appartenaient à des unités parachutistes et trois parmi eux étaient juifs : André Zirnheld, que nous venons d’évoquer, mais aussi René-Georges Weill etJean-Salomon Simon.
La première Compagnie d’Infanterie de l’Air est créée le 15 septembre 1940, sous les ordres du Capitaine Bergé.
Le 25 décembre 1940, les premiers parachutistes de la France Libre reçoivent le brevet de parachutiste britannique. Ils sont 2 officiers, 4 sous-officiers et 19 soldats.
Les deux officiers sont le Capitaine Bergé et le Lieutenant René-Georges Weill.
René-Georges Weill
René-Georges Weill[5] est né en 1908 à Montpellier dans une famille d’origine juive lorraine. Avocat brillant, il est reçu 1er au concours d’avocat et devient secrétaire de la conférence du stage. Officier d’infanterie de réserve, il se bat courageusement pendant la Campagne de France et reçoit la Croix de Guerre le 9 juin. Le 21 juin, n’acceptant pas la défaite, il s’embarque de Sète pour Londres. Officier en second de la première unité parachutiste de la France Libre, il en prend le commandement en janvier 1941. Blessé gravement lors d’un saut d’entraînement, il rejoint les services secrets français, le BCRA, puis, en mars 1942, l’état major de de Gaulle.
Malgré ses blessures, il veut reprendre le combat. Il est parachuté en région parisienne le 28 mai 1942 comme chef de la mission «Goldfish» pour être l’officier de liaison des groupes communistes avec la France Libre.
Son sous-officier ayant parlé sous la torture après avoir été arrêté, il tombe dans un guet-apens de la Gestapo. Il avale sa pilule de cyanure et se donne ainsi la mort, pour ne pas parler.
René-Georges Weill fut nommé Compagnon de la Libération, chevalier de la Légion d’honneur, Croix de Guerre et Médaille de la résistance.
Jean-Salomon Simon
Le 3ème et non moins héroïque Compagnon de la Libération, parachutiste et juif, fut Jean-Salomon Simon[6].
Chaque semaine comme professeur à Sciences Po, je passe devant une plaque qui porte son nom. Je la lis. Cette plaque qui se trouve dans l’entrée du 27 rue Saint-Guillaume honore les anciens élèves morts au champ d’honneur pour la France.
Jean-Salomon Simon est né en 1908 à Paris, diplômé de Sciences Po, il est ancien élève et officier de réserve de Saint Cyr. Il est administrateur civil en Indochine et sert dans l’Infanterie Coloniale.
Début 41, il s’évade d’Indochine pour rejoindre les FFL à Shanghai. Il rejoint les bataillons de marche du Levant et se bat en Libye et en Somalie. Il rejoint les SAS en Angleterre en juin 1943. Son unité devient le 3ème Régiment de Chasseurs Parachutistes.
Jean-Salomon Simon est parachuté dans la nuit du 2 au 3 août 1944 en Vienne comme commandant du groupe «Moses» et se bat pendant deux mois derrière les lignes ennemies sur l’axe Montauban-Brive-Limoges, détruisant et harcelant convois et détachements allemands. Chargé de retarder la retraite allemande de l’Ouest, il fait sauter avec son détachement, le 29 août, le pont de Lésigny et canalise les colonnes ennemies sur une seule route.
Le 1er septembre, en reconnaissance à Lésigny en jeep avec quatre autres officiers, il attaque et prend un camion allemand avec un matériel très important et tue 27 ennemis.
Il renseigne également le commandement allié, permettant de faire subir à l’ennemi des bombardements aériens tellement sévères que le général allemand Elster se rend aux Américains, à Issoudun, le 10 septembre 1944, avec 19 000 hommes. Le capitaine Simon est présent lors de la reddition.
Après la libération de la région, les SAS retournent en Grande-Bretagne en attendant leur prochaine mission. Nommé commandant en décembre 1944, Jean-Salomon Simon participe ensuite à la campagne de libération de la Hollande.
Avec deux Régiments Français, deux Régiments Anglais et un Bataillon Belge, ils feront partie de l’opération Amherst. Près de 700 parachutistes français seront parachutés en Hollande au-delà des lignes d’avancée du 2ème corps Canadien.
Dans la nuit du 7 au 8 avril 1945, dans la région de Drenthe, le Commandant Simon est parachuté avec un groupe de sept hommes avec lesquels il exécute diverses missions de sabotage et d’embuscade.
Le 11 avril à Hoogeveen, il trouve une mort glorieuse en s’opposant avec acharnement à une contre-attaque alors que son tireur au fusil-mitrailleur, seul avec lui, vient d’être tué à ses côtés. Il est inhumé à Hoogeveen.
Le Chef du 3ème RCP, le Commandant Pierre Château-Jobert, a évoqué dans ses mémoires les origines juives de son courageux adjoint, il écrit :
«Le Capitaine Simon devint mon précieux adjoint. A aucun moment je n’eus à regretter d’avoir fait leur place aux Israélites. Ils ont combattu et se sont fait tuer comme les autres»[7].
Mais, au-delà du brillant parcours de ces héroïques officiers parachutistes juifs, je voudrai maintenant évoquer la guerre de trois jeunes chasseurs parachutistes.
Didier Heilbronn
Tout d’abord celle de mon oncle, Didier Heilbronn. Didier est né le 12 décembre 1926, il s’évada de France en avril 1944, à l’âge de 17 ans, en traversant les Pyrénées. Emprisonné en Espagne, puis libéré, il s’embarque en juin de Malaga pour Alger. Là, il s’engage à 17 ans et demi au Bataillon de Choc au camp de Staouéli.
Le Bataillon de Choc, unité de Commandos Parachutistes, sera de tous les plus durs combats : de libération de la Corse, de l’Ile d’Elbe, de la rade de Toulon, des batailles des Vosges, d’Alsace et d’Allemagne. Le Général de Lattre dira de lui :
«Le Bataillon de Choc s’est vu confier les missions les plus dures. Il n’a pas connu d’échec.»[8]
Mon oncle, après son entraînement, quitta Alger le 12 novembre 1944 pour rejoindre ses camarades parachutistes lors des terribles combats des Vosges et d’Alsace. Il respecta toujours leur devise «En pointe toujours». A tout juste 18 ans, il se vit décerner la Croix de Guerre avec deux citations. La première, le 12 février 1945, avec la citation suivante :
«Chasseur d’un grand sang-froid, très calme, qui a brillamment participé à la prise d’une position ennemie lors de l’attaque du village de Dureenentzen dans le Haut-Rhin le 1er février 1945».
La seconde, après l’attaque en Allemagne d’un poste ennemi, avec la citation suivante :
«Le 5 avril 1945, à l’attaque de Durrenhuchig, a audacieusement participé à l’assaut d’une pièce anti-char. A permis par son action, la capture et la neutralisation des servants de la pièce».
Il fut blessé une semaine plus tard, le 12 avril 1945 en Forêt Noire. On peut lire dans le journal de marche du Bataillon de Choc :
«La Section de Commandement, près de Kaltenbronn. Ces 2ème et 4èmeSections subissent au carrefour 892 un violent tir d’artillerie qui inflige les pertes suivantes : Blessés : Chasseurs Heilbronn et Charlot, Caporal Orsini.»[9]
Didier Heilbronn se remettra de sa blessure, un éclat d’obus lui avait déchiré la jambe.
Et mon oncle si modeste, comme le sont les héros, n’évoquait jamais sa guerre, sauf, parfois, avec deux de ses très proches amis.
Avec Maurice Rheims, membre de l’Académie Française. Officier de réserve, il créa à Alger, avec Henri d’Astier de la Vigerie, «Les Commandos de France», une unité de commandos parachutistes qui devint le 3ème Bataillon de Choc. Le Commandant Maurice Rheims commandera en second ce glorieux Bataillon dans les combats meurtriers des Vosges et d’Alsace non loin du Bataillon de mon oncle. Maurice Rheims, était d’origine juive lorraine et son père, héros de Verdun, fut général.
L’autre ami de Didier Heilbronn, avec qui il évoquait parfois ces combats terribles de l’hiver 44-45, était Roland Sadoun.
Roland Sadoun, était un officier des services secrets de la France Libre, le BCRA, ayant participé au débarquement de Normandie et s’étant illustré dans des opérations de renseignement derrière les lignes ennemies.
Mon oncle ne me parla qu’une fois de sa guerre. Ce fut lorsqu’à mon tour, j’obtins mon brevet de parachutiste militaire et servis comme officier au 9ème Régiment de Chasseurs Parachutistes. A cette occasion, il me remit l’écusson de son béret.
Revenons au Bataillon de Choc.
En examinant la liste des officiers pendant les opérations d’Allemagne d’Autriche[10], nous lisons les noms suivants :
Aspirant Blum, Sous-Lieutenant Attali, Aspirant Benichou, Aspirant Lamsfuss, Lieutenant Touboul, Lieutenant Isaac.
Soit 6 officiers juifs sur 48, ou 1 sur 8, là où les juifs ne représentaient que 1% de la population française.
François Heilbronn
[1] Revue de la France Libre, numéro spécial, Parachutistes SAS de la France Libre, juin 1953.
[2] Référence : Honorer les héros juifs – «Les Combattants juifs de la Seconde guerre mondiale» à l’Université de Tel-Aviv.
[3] Source : Site du Musée de l’Ordre de La libération : André Zirnheld.
[4] Source : Christophe Prime, Les commandos SAS dans la Seconde Guerre mondiale, Editions Tallandier.
[5] Source : Site du Musée de l’Ordre de La libération : René Georges Weill.
[6] Source : Site du Musée de l’Ordre de La libération : Jean Salomon Simon.
[7] Source : Pierre Château-Jobert, Feux et lumières sur ma trace : faits de guerre et de paix, Presses de la Cité.
[8] Source : Bataillon de Choc en action, rapport des Officiers et Chasseurs du Bataillon, 1961.
[9] Source : Le Bataillon de Choc en action, de Staouéli à l’Arlberg, Editions Gilbert, 1947.
[10] Source : Raymond Muelle, Le 1er Bataillon de choc, Presses de la Cité.
Passionnant, des parcours riches, exemplaires d’engagement et de sens.
On est loin des jérémiades stériles de notre société d’enfants gâtés.
des exemples le père, bernard dupuy dominicain,connaisait mes problémes de santé peuton m’aider à me soigner?