En héritier de Jacques Chirac, Emmanuel Macron a rappelé la responsabilité de l’État français lors des commémorations de la rafle du Vél’ d’Hiv. Refusant l’idée d’une « parenthèse Vichy », il a affirmé la préexistence et la survivance d’une France raciste et antisémite.
Dès les premiers mots, l’héritage est revendiqué : « Si je suis ici parmi vous, c’est pour que se perpétue le fil tendu en 1995 par Jacques Chirac », a commencé Emmanuel Macron lors de la cérémonie de « commémoration des victimes des crimes racistes et antisémites de l’État français et d’hommage aux Justes de France ». Au lendemain du décès de Simone Veil et devant les derniers rescapés des camps, le président de la République a rendu hommage à celui qui, le premier, a reconnu la responsabilité de la France dans la rafle du Vél’ d’Hiv. Le 16 juillet 1995, Jacques Chirac rompait le silence de ses prédécesseurs par cette phrase historique : « La France, patrie des Lumières et des droits de l’homme, terre d’accueil et d’asile, la France, ce jour-là, accomplissait l’irréparable. »
Soixante-quinze ans après l’arrestation de plus de 13 000 juifs, dont 4 115 enfants, par des fonctionnaires français, Emmanuel Macron s’est inscrit dans la continuité de ce discours, comme Nicolas Sarkozy en 2007 (par l’intermédiaire de son premier ministre François Fillon) et François Hollande en 2012. « Oui, je le redis ici, c’est bien la France qui organisa la rafle puis la déportation et donc, pour presque tous, la mort », a-t-il déclaré, refusant « les subtilités et les accommodements de ceux qui soutiennent que Vichy n’était pas la France », en référence directe à la polémique déclenchée par Marine Le Pen pendant la campagne. Mais au-delà d’une simple répétition, le nouveau président a paru vouloir prolonger le geste de Jacques Chirac.
Pendant plusieurs minutes, il a en effet battu en brèche l’idée que Vichy serait une parenthèse « ouverte en 1940 et refermée en 1945 » dans l’histoire de France : « C’est commode mais c’est faux », a-t-il tranché, avant de rappeler comment la IIIe République a fourni au maréchal Pétain la plus grande partie de son personnel, resté en fonction au sortir de la guerre. Le supplice des enfants arrêtés en juillet 1942 a « commencé ici, a-t-il poursuivi après une minute de silence en leur mémoire, parce qu’en France, dans la conscience de citoyens français, de dirigeants politiques français, de fonctionnaires français, de journalistes français, le racisme et l’antisémitisme avaient fait leur chemin ». Soulignant la longue et lente progression de la barbarie qui « se forged’abord dans les esprits », Emmanuel Macron a affirmé l’existence d’une France raciste et antisémite, bien avant et après Vichy – il a d’ailleurs rappelé les noms de ses plus récentes victimes à la fin de son allocution.
En 1995, Jacques Chirac cherchait à maîtriser la polémique en affirmant : « La France, nous le savons tous, n’est nullement un pays antisémite. » Vingt-deux ans plus tard, répondant par avance aux critiques, le président récuse un « discours de repentance ». Emmanuel Macron veut regarder la responsabilité de la France sur la longue durée, chère à l’historien Fernand Braudel, prononçant à son tour une phrase qui fera date : « Rien de tout cela ne naît avec Vichy, rien de tout cela n’est mort avec Vichy. »
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