Je suis surpris par le déferlement de propos injurieux, haineux, menaçants repris et partagés sur les réseaux sociaux depuis deux jours suite à la programmation de ma pièce, « Moi, la mort je l’aime comme vous aimez la vie », à la Manufacture d’Avignon et mise en scène, avec courage, talent et pudeur, par Yohan Manca, avec le soutien du CDN de Rouen, dirigé par David Bobée à qui le spectacle doit beaucoup. 

Parmi tous les détracteurs personne n’a vu la pièce et bien sûr tous les coups sont permis « apologie du terrorisme », « Fabrication d’un héros », « éloge du fanatisme » « brûlot antisémite » etc.
Certains sont allés même à signer une pétition pour demander à la Ministre de la Culture d’interdire la pièce !
J’ai déjà publié l’argumentaire de la pièce sur ma page mais j’aimerais rappeler deux ou trois choses :
1- Je suis originaire d’un pays, l’Algérie, qui a été mis à feu et à sang, à jamais, par les islamistes dont la terreur a fait plus de 200000 victimes, parmi lesquelles des membres de ma famille et beaucoup de mes amis. Sur ce point là je n’ai de leçon à recevoir de personne. Et toutes mes œuvres, souvent inspirées du judaïsme, « Babel », Abraham, la table de l’éternité, inspiré du livre de Job dénoncent les religions meurtrières.
2- Le théâtre a été inventé par les Grecs pour conjurer les peurs de la Cité. J’écris toujours là où ça fait mal. Le propos de la pièce sur Merah ne consiste pas en faire un héros, mais à dénoncer la misère sociale et culturelle dans laquelle est plongée une grande partie de la jeunesse française aujourd’hui, et qui, ajoutée à la cécité des services de la police, transforme un gamin paumé en machine à tuer. En faire simplement un monstre, ne suffira jamais à recoudre la plaie, à ressusciter les morts et encore moins à faire tourner la page de ce crime.
Au cœur même des ténèbres d’Auschwitz, Primo LevI refusait qu’on applique ce qualificatif aux SS, préférant le terme de « fonctionnaires », du mal, de l’horreur. Merah était lui aussi « un désœuvré « de l’horreur. Et ce n’est pas en niant au meurtrier son humanité que nous pourrons comprendre la raison de ses crimes inhumains. Au contraire ! Merah, ainsi que tous les autres jeunes français qui partent se faire exploser à Raqqa ou à Mossoul, ne sont pas des monstres tombés du ciel, mais des enfants, les nôtres, nés dans cette société qui parfois, à force de misère, ne leur laisse que la religion comme issue de secours. Quand le négociateur de la DCRI pose la question à Merah pour savoir de quelle identité il se réclamait, français ou musulman, Merah lui répond « Je me sens 100% français ». Voilà, la pièce n’avait pas d’autre but que de montrer au public l’itinéraire de ce « gamin » ou d’un Alien si on veut , perdu passionné des Simpson, qui rêvait de se faire enlever par les Talibans et qui comprenait mieux Mesrine que Mahomet avant de sombrer dans sa folie meurtrière.
3- Les accusations de connivence avec le terroriste ou d’apologie de l’Islamisme qu’ on porte à mon égard ont un fort relent de racisme odieux Pour beaucoup un Mohamed Kacimi congénitalement ne peut être que solidaire avec un Mohamed Merah. Ils partagent les mêmes prénoms et doivent avoir la même religion. Seulement, il existe aussi des Mohamed, laïcs, rationalistes, engagés parfois seuls dans la lutte contre l’intégrisme et se battent pour l’accès à la culture de tous. Et ce n’est pas en interdisant une pièce de théâtre qu’on mettra fin au terrorisme et à la violence qui l’engendre, tout comme on ne soigne pas un cancer en fermant les yeux sur le mal.
Mohamed Kacimi