Comment la droite la plus bête du monde est devenue la plus ridicule

Incapables de trouver le bon ton et les bons moyens de s’opposer à Macron, Les Républicains sont en train de se déchirer jusqu’à en devenir ridicules. Et laissent un boulevard à Mélenchon. Une situation qui n’est pas saine.

Et soudain, pour s’en prendre à Edouard Philippe, l’orateur LR attaqua… Christiane Taubira. Il était temps… Rien de tel qu’une charge contre Taubira la laxiste multiculturaliste pour soulever les ardeurs oppositionnelles de la droite et les spectateurs et téléspectateurs qui suivaient le morne débat suivant la déclaration de politique générale du Premier ministre, ce mardi, à l’Assemblée, commençaient à s’ennuyer. Ça somnolait ferme, et voilà que d’un coup, Christian Jacob, leader charismatique du groupe Les Républicains, sonnait enfin le réveil des vieilles troupes engourdies.

Il n’est qu’un seul problème soulevé par ce choix stratégique. Christiane Taubira n’est plus ministre depuis janvier 2016. Elle n’est plus députée. Elle n’a jamais soutenu Emmanuel Macron, mais Benoît Hamon. Et la dernière trace de vie publique laissée par l’ancienne ministre de la Justice, visible à Villeurbanne, date de l’entre-deux tours des élections législatives, quand elle avait cru nécessaire de s’en aller soutenir Najat Vallaud-Belkacem en détresse… Depuis, Christiane Taubira, de l’ancien monde politique, a disparu…

Mais non. Il fallait Taubira, forcément Taubira… Christian Jacob est comme toute la droite française. Incapable de trouver les moyens de s’opposer au rouleau compresseur démocratique et révolutionnaire central conduit par le tandem du dépassement, Macron-Philippe, il en a été réduit à tenter d’accrocher au duo présidentiel le mistigri Taubira… Hélas pour lui, et pour la droite, c’est aussi crédible que l’invention par une plume de l’ombre, le jour républicain de gauche, la nuit filloniste, que le concept « Emmanuel Hollande »… Ça ne peut pas prendre parce que c’est stupide… La droite française, de plus bête du monde, est devenue la plus ridicule…

Pschitt!

Constatons en outre que Christian Jacob, après s’être défoulé sur Taubira la laxiste, ne s’est même pas donné la peine de refuser la confiance au gouvernement… Pschitt! a fait le Jacob, le soir, au fond de la buvette de l’Assemblée, à l’heure où les lions de l’opposition vont boire après avoir lutté… Pschitt! Comme les Constructifs qui ne servent à rien, partagés entre confiance et abstention. Pschitt! comme les deux tiers des députés socialistes qui se sont aussi dégonflés… Et pendant ce temps-là, Jean-Luc Mélenchon s’amuse sur BFMTV de Christian Jacob: « Il fait un discours méchant comme une gale. Il tape, il tape, il tape monsieur le Premier ministre. Et à la fin, tchouf, les trois-quarts du groupe s’abstient, dont lui. Qu’est-ce que c’est une opposition qui s’abstient au moment où on vote la confiance? » Et il a bien raison de rire, Mélenchon, qui est en passe de conquérir le monopole de l’opposition en ces premiers mois de pouvoir macronien…

Car Mélenchon, lui, connait ses classiques. Face à une réplique politique de type 1958, il n’y a pas 36 solutions possibles. Le vainqueur de demain, ou d’après-demain, sera celui qui, le premier posera les jalons d’une opposition inconditionnelle. Oui, inconditionnelle. Totale. Absolue. Déterminée. Résolue. Observons Mélenchon, qui fait son Mitterrand le petit. Comme le rebelle au retour du général porté par le coup du 13 mai 58, Mélenchon ne cesse de parler de « coup de force » dès qu’il évoque la praxis gouvernementale Macron. Le congrès? « Coup de force ». Une session extraordinaire? « Coup de force ». L’ordonnance pour réformer le code du travail? « Coup de force ». Soit le mot qu’usa Mitterrand, durant des années, pour qualifier le retour au pouvoir du général. « On n’en a pour vingt ans » avait dit Mitterrand une nuit de juin 58, regagnant sa Nièvre. Il en avait donc tiré la conclusion qu’il fallait être le premier des opposants à la droite de l’époque. Sans attendre. Et sans réserve. Mélenchon a fait ce choix.

Opposition inconditionnelle

De même, avec beaucoup d’habileté, le leader de la France insoumise a remis au gout du jour le mot « Hyperprésidence ». Astucieux. L’hyperprésidence est associée à Sarkozy. Coup double. « Coup de force » et « hyperprésidence » associés, cela permettra à Mélenchon de raconter le Coup d’Etat permanent 2 de Macron. « Il n’est d’opposition inconditionnelle » disait Mitterrand. Mélenchon le sait. Mais pas Christian Jacob. Et les 75 députés LR (sur 100) qui se sont abstenus piteusement.

Sur Europe 1, ce mercredi matin, Laurent Wauquiez parlait « d’opposition ouverte ». Erreur fatale. L’homme qui veut être président de la République se laisse enferme dans le piège tendu par Emmanuel Macron. Sans doute se dit-il que ses électeurs, séduits par le couple exécutif, ne seraient pas contents de le voir tomber dans l’opposition inconditionnelle. Nos électeurs sont modérés, soyons modérés… Un choix stratégique pas vraiment prescripteur de victoires électorales futures…

Laurent Wauquiez a-t-il mal lu les résultats du second tour des élections législatives, qui disent que l’électorat de la droite est bien moins fracturé que ses représentants élus? La droite a résisté mieux que prévu le 18 juin dernier, évitant la pelle promise le 11 juin précédent. Electoralement, la droite est encore forte, en tout état de cause, capable de se reconstruire plus vite que ses propres leaders semblent le penser. Ne pas en tirer les leçons dès maintenant, c’est préparer la réélection d’Emmanuel Macron en 2022.

Qui sera le Mitterrand de la droite 2017?

Viser Taubira, comme aux plus grands moments des années Hollande, c’est avouer en creux que Les Républicains ne savent pas par quel bout prendre l’opposition au président Macron. Economiquement, il nous a piqué notre programme. Socialement, il va faire en plus délicat ce que Fillon promettait en brutal. Comment faire? Notons un instant l’ironie. Nous sommes à un moment de l’histoire où, par souci d’équilibre démocratique, il faut rappeler les bases de la politique à la droite déboussolée, sans projet et sans présidentiable et sans idée et sans identité…

La solution est pourtant évidente. A portée de mains, pour qui possède un peu de flair et connait son histoire politique. Sans attendre, celui ou celle qui se veut à droite le ou la présidentiable de demain doit endosser le rôle de l’opposant irréductible à Emmanuel Macron. L’angle d’attaque est tout trouvé, qui consiste à poser de manière permanente et obsessionnelle l’équation Macron=pouvoir personnel, Macron=Giscard, Macron=Louis XIV, soit déconstruire sans relâche l’image jupitérienne d’Emmanuel Macron, puisqu’il est dit que toute situation est porteuse de son contraire…

Ce rôle ingrat, dans un premier temps solitaire, qui impose une traversée du désert, commande de disposer d’une volonté de fer, ce n’est pas à la portée des bébés Sarkozy, gavés d’entrée de jeu de titres et d’honneurs qui ne les ont pas prédisposés à une guerre de longue haleine… Mais alors qui? Qui sera le Mitterrand de la droite 2017 qui vit son mai 58 à l’envers? Qui écrira contre Macron le Coup d’éclat permanent? Qui saura se souvenir que « l’on ne peut rien contre la volonté d’un homme »? Droite cherche homme providentiel, désespérément…

Bruno-Roger Petit

Source challenges

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