Pour les communautés juives vivant hors d’Israël, se trouver un chef religieux relève du parcours du combattant.
Le 12 octobre, les juifs de Lausanne n’auront peut-être plus de rabbin. Lionel Elkaïm quittera ses fonctions au lendemain de la fête des Cabanes pour retourner vivre en Israël. Une commission de recherche a été désignée pour lui trouver un remplaçant. Il s’agit de dénicher un rabbin dont le titre soit reconnu, d’obédience orthodoxe, ayant au moins cinq ans d’expérience à la tête d’une communauté, le baccalauréat, une parfaite maîtrise des rites ashkénaze et séfarade et parlant parfaitement français.
Des exigences élevées
Quelque quinze candidats ont fait part de leur intérêt. Pressenti pour reprendre ce poste-clé, Emmanuel Valency, rabbin à Bordeaux, a renoncé au dernier moment à venir se présenter à Lausanne. Son épouse menait une carrière incompatible avec un poste hors de France. Faute de diplôme rabbinique reconnu ou ne pouvant pas remplir une partie du cahier des charges, d’autres candidats ont été écartés. «Certains avaient six enfants ou plus et il faut tenir compte des contingences financières puisqu’il faut les loger. D’autres refusaient de scolariser leurs enfants à l’école publique ou ne voulaient rester que deux ans», explique le président de la Communauté israélite de Lausanne et du Canton de Vaud Alain Schauder.
Trois candidats encore en lice
Un candidat lausannois remporterait l’adhésion de certains membres de la communauté. Reste à savoir si cet homme connu pour sa rigueur religieuse sera disposé à assouplir son observation de la loi juive pour remplir un cahier des charges qui inclut de serrer la main des femmes, d’entrer dans des églises et de dialoguer avec des représentants d’autres religions. Des obligations incontournables pour une communauté reconnue comme institution d’utilité publique par le canton de Vaud. «Nous avons des droits, mais surtout beaucoup de devoirs, et nous entendons les respecter», souligne Alain Schauder. Trois candidats sont encore en lice. Et le président s’estime certain «à 80%» que la Commission aura trouvé un successeur à Lionel Elkaïm pour la mi-octobre. Dans le cas contraire, reste à savoir si l’actuel rabbin repousserait son départ.
Six ans de recherche à Genève
A Genève, cela fait six ans maintenant qu’on cherche un nouveau rabbin, pour prendre la succession de François Garaï, en fonction depuis 47 ans et qui aspire à devenir «rabbin emeritus». Mais du côté des juifs libéraux, les candidats ne se pressent pas au portillon. «Pour le dire de façon moderne, il y a un manque criant de main-d’œuvre», souligne le rabbin. Une situation qui s’explique par le ralentissement de la formation des rabbins libéraux dans les années 1970. Depuis, les écoles se sont développées et François Garaï espère bientôt voir un ou une assistant rabbinique venir lui prêter main-forte.
Un job d’équilibriste
La difficulté de trouver des rabbins tient aussi à la lourdeur de la tâche. «Le rabbin dit la loi juive et la transmet, accompagne les fidèles dans les rites quotidiens, hebdomadaires et lors des fêtes et comprend sa communauté pour lui offrir ses conseils de façon appropriée», énonce Jacques Ehrenfreund, professeur d’histoire des juifs et du judaïsme à l’Université de Lausanne. Or la loi juive compte 613 commandements, et son interprétation requiert des connaissances que l’on n’acquiert qu’après des années et des années d’études. Ensuite, il faut être capable d’assumer les profondes contradictions du métier.
«Le rabbin tire sa légitimité du fait d’être reconnu par une communauté, tout en étant son représentant et en lui dictant la bonne conformité de ses actions selon la loi», explique Jacques Ehrenfreund. Ce «jeu d’équilibriste», comme l’appelle Michel Margulies, rabbin de la communauté israélite du canton de Neuchâtel, nécessite de savoir interpréter finement la loi juive pour qu’elle reste casher tout en respectant l’évolution de la société. (24 heures)
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