La droite a bénéficié du vote des catholiques et des juifs de France, et la gauche de celui des musulmans. Mais les partis plus explicitement «confessionnels» n’ont pas fait recette. Dans cette étude, l’Ifop analyse le vote des Français revendiquant leur appartenance à une religion.
Catholiques à droite, pas un vote catholique
Aux élections législatives, 45 % des catholiques pratiquants ont choisi un candidat des Républicains, UDI ou divers droite, soit un étiage équivalent à celui de François Fillon au premier tour de la présidentielle (46 %). 14 % optèrent pour des candidats FN et 27 % pour des représentants de La République en marche. Les catholiques pratiquants ne furent en effet que 10 % à voter pour des candidats de gauche. (…)
Mais ces pratiquants n’ont pas été tentés par un vote en faveur d’un parti se revendiquant chrétien. À côté des représentants LR et UDI, le Parti chrétien-démocrate de Christine Boutin et Jean-Frédéric Poisson avait présenté 91 candidats au premier tour. Cette offre n’a pas trouvé son public. Le score moyen du PCD dans ces circonscriptions fut de 1,2 %. Avec quelques résultats plus significatifs: 5,6 % dans la 4e circonscription du Maine-et-Loire (Saumur), 4,1 % dans la 3e des Yvelines (La Celle-Saint-Cloud) ou bien encore 3,8 % dans la 1re circonscription du même département (une partie de Versailles).
Il en va de même pour les candidats que l’on peut rattacher à la mouvance de la Manif pour tous. Sens commun avait réussi à faire investir six candidats sous l’étiquette des Républicains. Ils ont tous réalisé de très faibles scores: 6,8 % pour Hayette Hamidi dans la 2e circonscription de Seine-Saint-Denis, 7,1 % dans la 3e circonscription des Pyrénées-Atlantiques pour Pierre Saulnier, 12,5 % pour Anne Lorne dans la 1re circonscription du Rhône, 14,5 % pour Sébastien Pilard, l’un des dirigeants initiaux du mouvement, dans la 2e circonscription de Loire-Atlantique et 16,6 % pour Charles d’Anjou dans la 10e de Seine-Maritime. Dans la 2e circonscription du Maine-et-Loire, Maxence Henry n’obtient pas un score beaucoup plus flatteur (12,1 %) mais, arrivé deuxième, il fut le seul qualifié pour le second tour.
D’autres figures de la nébuleuse gravitant autour de la Manif pour tous ont également subi un échec. Investi par Les Républicains, François-Xavier Bellamy est nettement devancé au premier tour dans la 1re circonscription des Yvelines: 27,5 % contre 42,2 % pour Didier Baichère, candidat de La République en marche. Sur la ville de Versailles, dont il est adjoint au maire, Bellamy fait tout juste jeu égal avec son rival au premier tour.
Autre foyer important de ce courant conservateur, la 10e circonscription des Yvelines, englobant Rambouillet, et précédemment détenue par Christine Boutin. Député sortant et candidat officiel de la droite, Jean-Frédéric Poisson n’a obtenu que 19,1 % des voix face à Aurore Bergé, juppéiste passée à La République en marche.
L’apparition de partis musulmans
Les musulmans affichent un net tropisme à gauche. Au premier tour de la présidentielle, Jean-Luc Mélenchon arriva largement en tête dans cet électorat et y réalisa un score double de son score national, Benoît Hamon, triplant quasiment le sien. Lors du second tour de la primaire du Parti socialiste, où il fut notamment question de la laïcité, on avait déjà constaté une prime pour le député de Trappes face à Manuel Valls dans les quartiers à forte population issue de l’immigration arabo-musulmane comme le plateau de Creil, les quartiers nord d’Aulnay-sous-Bois ou le Val Sud et le Val Notre-Dame à Argenteuil.
Plusieurs formations politiques spécifiquement musulmanes ont présenté des candidats aux législatives. Ce fut le cas du parti Égalité et Justice, émanation revendiquée de l’AKP turque en France, qui présenta 52 candidats. Si cette formation se rattache à la mouvance des Frères musulmans, la répartition de ses candidats sur le territoire correspond à l’implantation de la communauté turque (principalement dans l’est du pays), ce parti cherchant à jouer à la fois la carte religieuse et le réflexe de soutien au gouvernement turc puisque 65 % des Turcs de France avaient voté «oui» en avril au référendum organisé par Recep Erdogan.
D’autres collectifs ont également participé aux législatives. Le parti Français et Musulmans a présenté cinq candidats en Seine-Saint-Denis et un dans le Val-de-Marne et l’Union des démocrates musulmans français (UDMF) en a aligné quatre en métropole, un à Mayotte et un dans la 9e circonscription des Français de l’étranger (Maghreb et Afrique de l’Ouest). Ils ont obtenu des scores marginaux. Quatre des candidats de l’UDMF firent moins de 1 % et Abdelmajid Aodella, dont la suppléante voilée apparaissait sur l’affiche, obtint 2,1 % dans la 1re circonscription des Hauts-de-Seine (Colombes-Gennevilliers). Les scores ne furent guère plus probants pour les candidats du parti Français et Musulmans, entre 0,6 % et 1,8 %. Les candidats du mouvement turc Égalité et Justice ne rencontrèrent pas plus d’écho avec une moyenne de seulement 0,6 % des voix.
Vote juif: le cas Meyer Habib
L’ancrage à droite des Français de confession juive s’est confirmé lors de ces élections législatives. À Sarcelles, dans les bureaux de vote du quartier à forte population juive appelé la «Petite Jérusalem», le candidat de la droite dans la 7e circonscription du Val-d’Oise, Jérôme Chartier, arrive nettement en tête alors qu’il est largement devancé par le candidat de La République en marche dans le reste de la ville. Dans les bureaux 21, 22 et 24, lieux d’implantation historique d’une forte communauté séfarade d’origine majoritairement tunisienne et où se regroupent les Français juifs qui quittent le reste de la banlieue nord, le candidat des Républicains dépasse les 40 % voire les 50 % dès le 1er tour.
Dans le VIIIe arrondissement de Marseille, Dominique Tian, candidat LR, bénéficie d’un fort soutien dans les bureaux de vote du boulevard du Prado, où de nombreux Français juifs résident. Dans les bureaux 803 et 805, il obtient 43,1 % et 36,3 % au 1er tour, contre 26,1 % sur l’ensemble de l’arrondissement.
On remarque également que ces électeurs n’ont pas été insensibles à En marche!, notamment dans le cas d’affrontements de second tour avec La France insoumise, formation réputée pro-palestinienne. À Paris, dans certains bureaux du XIXe arrondissement où ces électeurs avaient soutenu François Fillon à la présidentielle, les candidats étiquetés En marche! réalisent leurs meilleurs scores de l’arrondissement.
Si cet électorat juif ne s’est pas vu proposer en France de «candidats communautaires», il en va tout autrement dans la 8e circonscription des Français de l’étranger. Dans cette circonscription, qui regroupe les pays de la façade nord du bassin méditerranéen (Italie, Grèce, Turquie, Malte, Chypre, Saint-Marin, Vatican et Israël), le député sortant UDI Meyer Habib a mené une campagne essentiellement dirigée vers les Français d’Israël qui représentent 61 % des inscrits. Or, les Français d’Israël ne sont pas des expatriés comme les autres: nombre d’entre eux sont des binationaux voire des olims (des juifs ayant effectué leur Alya et donc définitivement installés en Israël). Fort du soutien de Benyamin Nétanyahou, du grand rabbin séfarade d’Israël, Itshak Yossef, et de rabbins francophones de Netanya, Meyer Habib est arrivé largement en tête en Israël au 1er tour avec 73,2 % des suffrages contre seulement 12,6 % à la candidate En marche ! Florence Drory. Cette dernière le devance pourtant sur l’ensemble de la circonscription.
Meyer Habib s’est posé en parfait défenseur de l’État juif et des «implantations». Il a notamment insisté sur l’appartenance pendant quarante ans de Florence Drory au Parti socialiste, parti coupable à ses yeux d’obsession anti-israélienne et anti-colonie. Il a tout misé sur l’électorat résidant en Israël et a délaissé les autres territoires. Cette stratégie a été payante puisqu’il l’a emporté au second tour avec 57,9 % et que la participation en Israël a augmenté de 4,5 points entre les deux tours alors qu’elle a chuté d’environ 1 point dans le reste de la circonscription. En Israël, il écrase littéralement son adversaire avec 87,6 % des voix. Un autre indice de l’impact de cette campagne menée sur les positions de la droite israélienne réside dans la répartition des votes en Israël puisque Meyer Habib recueille plus de 90 % dans les villes dirigées par le Likoud (Jérusalem, Netanya, Ashdod) mais a plafonné à 75-80 % dans les communes travaillistes (Tel-Aviv, Haïfa ou encore Beer Sheva).
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