Emmanuel Macron dispose d’un double mandat, présidentiel et législatif, maintenant qu’il a obtenu la majorité absolue à l’Assemblée nationale. Toute contestation de son autorité est à la fois illusoire et mensongère.
Le second tour des législatives n’a pas produit le raz-de-marée annoncé par les sondages qui se sont trompés sur ce point et sur la dimension de l’abstention. À 57 %, elle a déjoué les prévisions de plus de quatre points. La République en marche (REM) a obtenu 351 sièges, dont 41 MoDem, la France insoumise, 17 sièges, dont celui de Jean-Luc Mélenchon à Marseille, les Républicains et l’UDI ont fort bien résisté, à 131 sièges, et deviennent le premier parti d’opposition, tout en perdant presque la moitié des effectifs de la législature précédente. Le PS est en pleine déroute, avec 29 sièges, le FN envoie 8 députés à l’Assemblée, dont Marine Le Pen. Les six membres du gouvernement qui étaient candidats à la députation ont été élus et conservent donc leur place au sein du gouvernement. Parmi les battus, des ténors de la politique, comme Nathalie Koscisuko-Morizet, Florian Philippot, Najat Vallaud-Belkacem, Myriam El Khomri, Jean-Jaques Urvoas, tandis que sont élus le communiste André Chassaigne, Éric Woerth, Éric Ciotti, Thierry Solère, Stéphane Le Foll, Olivier Faure, Sylvia Pinel, Gilbert Collard, qui l’a emporté de justesse contre une torera de REM. Fait majeur : le Premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, quitte son poste. L’ancien Premier ministre, Manuel Valls, est réélu dans son fief de l’Essonne, mais seulement avec une marge de 139 voix, contestée par sa rivale de la France insoumise qui, dès ce matin, exigeait un second comptage des suffrages.
La déroute du PS.
Le grand vaincu de ces élections est sans nul doute le parti socialiste qui ne cherche d’ailleurs pas à minimiser l’ampleur de son échec et qui est appelé à un très profond aggiornamento. Bien que le second tour ait quelque peu corrigé les effets du premier, les semaines et mois qui viennent seront consacrées par tous les partis à une réflexion sur la signification d’un chambardement politique dont le seul précédent est le retour du gaullisme en 1958, et à une réorganisation pour adapter toutes les formations politiques à la nouvelle donne créée par le président Macron. Toutefois, contrairement à nombre d’analyses déjà publiées, l’abstentionnisme ne diminue pas la légitimité du gouvernement ou de sa majorité. On explique le pourcentage des abstentionnistes (57 %) de diverses manières, à commencer par la fatigue électorale d’une séquence à huit tours de scrutin ou par le fatalisme dû à la succession des victoires de REM. Ces deux facteurs ne signifient pas que ceux qui ne sont pas allés voter auraient tous voté pour l’opposition de droite ou de gauche. Jean-Luc Mélenchon, pour sa part, n’a pas hésité à confisquer les abstentionnistes : ils seraient tous hostiles, sans exception, à la réforme du code du travail. Enhardi pas sa victoire à Marseille, il n’a pas renoncé à la démagogie, bien au contraire. Sa campagne a été merveilleuse, ainsi que les résultats qu’il a obtenus. Il parle comme Trump.
Une page historique se tourne.
Les autres partis politiques sont menacés par leur propre perplexité. Le Front national sait qu’il a fait une très mauvaise campagne et que nombre de ses électeurs ont voulu donner sa chance à Macron. Le leadership, le programme, l’unité du Front posent de sérieux problèmes, même s’il a triplé sa représentation à l’Assemblée (sans pour autant pouvoir former un groupe). La France insoumise, pour sa part, exprimera son hostilité à M. Macron par tous les moyens qui lui sont offerts, mais n’a pas encore la possibilité de peser sur le cours des événements. Les Républicains doivent éviter à tout prix de se quereller sur des questions idéologiques, entre « constructifs » prêts à voter les dispositions qui leur conviennent et conservateurs qui refusent de faire un bout de chemin avec le nouveau pouvoir. Une page historique se tourne qui mérite mieux que du rapiéçage. Il faut maintenant admettre qu’on ne fera plus la bonne vieille politique de papa et que toutes les mouvements doivent envisager de se reconstituer sur la base du non-cumul des mandats, d’une limite dans le temps à la succession des mandats (pas plus de trois), et d’une éthique impitoyable. On veut croire, par exemple, que les deux ministres élus députés, Richard Ferrand et Marielle de Sarnez, sauront quitter leurs fonctions si, au terme des enquêtes qui les concernent, ils sont mis en examen.
Ce que Macron a déjà fait.
Cela veut dire que la « révolution » lancée par Emmanuel Macron concerne ses troupes tout autant que celles des oppositions diverses qui occupent d’étroits créneaux dans la nouvelle Assemblée. Gouvernement et députés de REM ne contestent pas du tout le nombre des responsabilités que leur confère la victoire. Ils promettent de tout faire pour réussir, objectif qui devrait être celui de tous les Français de bonne volonté. M. Macron a déjà beaucoup fait. Il a écarté les extrêmes, et loin d’apparaître comme le potentat que ses adversaires veulent décrire, il a rendu toute sa vigueur à une démocratie que l’appauvrissement du pays et de ses habitants a affaiblie. Il a surpris le monde et même soulevé de l’admiration en Europe et ailleurs. Il a relancé l’Union européenne, que le Brexit menace, en administrant la preuve que la montée des extrêmes n’est pas inéluctable, ni le désarroi provoqué par les déséquilibres financiers et politiques, ni le scepticisme démocratique. Aujourd’hui, l’image de la France à l’étranger est plus enthousiasmante qu’elle ne l’était. Mais commence un travail de très longue haleine, semé d’énormes difficultés et qui doit se traduire par une forte réduction du chômage dans un climat de réconciliation de nos concitoyens.
Richard Liscia
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