L’État islamique vit-il ses derniers instants ?

Une superficie atrophiée, une population divisée par trois : d’ici la fin de l’année, le groupe État islamique (EI), appelé aussi Daech, pourrait avoir perdu la quasi-totalité de son assise territoriale en Irak et en Syrie.

La Russie a annoncé, ce vendredi, qu’un bombardement de son aviation en Syrie pourrait avoir tué le chef de l’organisation terroriste, Abou Bakr al Baghdadi. Ce qui ne signifiera pas, pour autant, la fin de Daech.

L’État islamique (EI) vivrait ses derniers mois. Après la perte de Syrte en Libye en décembre dernier, l’avancée de l’armée irakienne à Mossoul, désormais libérée à 90 %, et les revers essuyés en Syrie, Daech se trouve actuellement encerclé à Raqqa, son bastion syrien, centre névralgique de la préparation des attentats perpétrés dans plusieurs pays européens. La mort probable du chef de l’organisation terroriste, Abou Bakr al-Baghdadi, lors d’un raid de l’aviation russe à Raqqa, a été annoncée ce vendredi.

D’après Fabrice Balanche, chercheur associé au Washington Institute for Near East Policy, « l’État islamique devrait être presque entièrement exclu de Syrie et d’Irak au début de l’année 2018 ».

L’EI perd du terrain

Au pic de son expansion, le territoire de l’EI s’étendait sur 240 000 kilomètres carrés, soit la taille du Royaume-Uni. La population vivant au sein du califat avoisinait quant à elle les 10 millions d’habitants.

En Syrie, le groupe possède encore une grande partie de la province de Deir Ezzor dans la vallée de l’Euphrate et quelques poches dans le désert entre Palmyre et Salamiyé. En Irak, sa présence se limite à une infime portion de Mossoul, l’ex-capitale économique du califat, et quelques pans de territoires dans la province d’Al Anbar.

Au total, près de 70 000 kilomètres carrés sont toujours sous contrôle ou influence de l’État islamique, à l’intérieur desquels résident près de 3 millions de personnes.

Le secrétaire américain de la Défense Jim Mattis devant une carte du Moyen-Orient montrant les positions de Daech, lors d’une conférence de presse au Pentagone, le 19 mai dernier. (Photo : Saul Loeb / AFP)

Trois ans après la création du « califat » autoproclamé en juin 2014, l’organisation la plus puissante de l’histoire du terrorisme islamique ne cesse de perdre du terrain. Ses recettes s’amenuisent elles aussi à grande vitesse. « Daech vit sur ses réserves », assure Fabrice Balanche.

La perte de villes densément peuplées comme Hassaké, Manbij, Mossoul ou Ramadi a amputé l’EI de sa première source de financement : les extorsions et taxes imposées aux habitants vivant au sein du califat. Ces impôts – ponctions sur les revenus des commerçants et des fonctionnaires, droits de douane, amendes pour non-respect de la charia, taxes sur les minorités – représentaient 33 % d’un budget annuel évalué fin 2015 à plus de 2,4 milliards de dollars par le Centre d’analyse du terrorisme (CAT).

Le pétrole, une manne fragilisée

Pour assurer ses dépenses, à commencer par la rémunération de ses combattants, Daech compte aussi largement sur le pétrole. En 2015, l’extraction de l’or noir a rapporté pas moins de 600 millions de dollars au groupe, soit 25 % de l’ensemble de ses revenus globaux. En Irak, l’EI a perdu la totalité des puits qu’il détenait. S’il contrôle toujours 60 % de la production pétrolière syrienne, les ventes, elles, sont en chute libre.

En cause : les bombardements russes et de la coalition internationale sur les infrastructures pétrolières et la fermeture des voies de contrebandes vers les frontières turque et jordanienne. Le rapport du CAT mentionne également « l’incapacité de l’EI à renouveler des installations vieillissantes et à recruter du personnel qualifié » ou encore « l’épuisement naturel des puits syriens » en état d’assèchement progressif avant même le début du conflit.

« Actuellement, cette production sert essentiellement à alimenter la population encore sous contrôle de l’EI et les pick-up des djihadistes, indique Fabrice Balanche. Des commerçants locaux achètent le pétrole brut, le raffinent de manière artisanale et le vendent aux habitants », poursuit le géographe.

Menace sur les barrages

Sur le plan agro-hydraulique, l’EI est également mis à mal depuis la reconquête par l’armée irakienne et les Kurdes des immenses barrages de Mossoul en Irak et de Tabka en Syrie.

L’électricité et l’eau continuent cependant d’être acheminées dans les zones encore en possession de l’État islamique, « l’armée américaine souhaitant éviter une crise humanitaire », souligne Fabrice Balanche.

Si les terres sont irriguées, le secteur agricole fonctionne tout de même au ralenti. Les agriculteurs ne parviennent plus à importer les engrais de phosphate indispensables à la culture céréalière. « Les rendements de blé ont été divisés par trois », note le géographe.

Les attentats à l’étranger vont continuer

Si « le business-model de l’État islamique est en passe de s’effondrer, ce déclin ne devrait pas avoir d’impact immédiat sur la capacité du groupe à mener attaques terroristes à l’étranger », affirme pour sa part le Centre international d’études sur la radicalisation.

« La coalition a certes stoppé la capacité de Daech à organiser des attentats massifs mais n’a pas vaincu l’idéologie du groupe, son pouvoir de radicaliser des gens et de leur faire commettre des attentats comme celui de Manchester ou du marché de Berlin », souligne de son côté Fabrice Balanche.

L’EI est entrain de se transformer en « guérilla » avec « des cellules dormantes basées dans les zones grises où l’État est inexistant », notamment dans le Sinaï égyptien, le sud libyen, l’est du Yémen ou encore le sud des Philippines.

« Daech risque de reprendre son rôle de gentil qui soutient la population contre un État prédateur », prévient Fabrice Balanche. Son éradication réelle dépendra aussi de la capacité des nouveaux pouvoirs à satisfaire les demandes des populations locales.

Source ouest-france

 

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mardi 5 novembre 2024