Ça y est: il l’avait dit, il va le faire, et voilà donc qu’il nous l’annonce, la création d’un Centre national du contre-terrorisme, cette équip e installée directement à l’Elysée et rassemblant des responsables de tous les services chargés de la lutte anti-terroriste, une structure de 20 personnes disponibles 24h sur 24 et directement attachées au Président.
Questions : la task force, va-t-elle nous sauver ? A-t-il trouvé, notre Président, la formule, sinon magique, du moins efficace, qui nous protégera, a défaut de nous sauver.
On nous explique que la Taskforce, son but c’est de mieux coordonner et piloter, et nous, l’idée, on la trouve louable. Forcément.
Isabelle Dufour, consultante chez Eurocrise, nous explique que la task force, c’est une notion qui vient du monde militaire, un terme créé dans la marine américaine dans les années 1940, que ça consiste à réunir les compétences de différents services pour remplir une mission, et qu’une fois la mission terminée, la task force elle est normalement dissoute, les agents mobilisés retournant dans leurs services respectifs. Là, on l’a bien intégré, ton truc il n’aura rien de provisoire.
Sauf que cette nouvelle unité de coordination, faiblement dotée, elle semble se juxtaposer à trois trucs quoi, trois structures déjà existant
Candidat, vous nous promîtes une cellule spéciale du renseignement anti-Daech, permanente, de 50 à 100 agents, supposée associer les principaux services de renseignement et être placée auprès de Vous. Vous l’aviez même appelée Task Force.
Est-ce l’effet Manchester ? Vous accélérez, semble-t-il, et le Conseil de défense a validé le projet de décret qui va le créer, ce Centre national du contre-terrorisme. Que d’inconnues pourtant nous sautent aux yeux. Certes, ce centre, vous l’insérez au sein de la Coordination nationale du renseignement, et vous remplacez le préfet Yann Jounot par l’ancien directeur de la DST, Pierre de Bousquet de Florian : charge à lui de redonner de l’autorité à ce poste sensible. Exit l’appellation anti-Daech, nous expliquez-vous , la structure ayant une vocation plus large et englobant Al-Qaeda, Aqmi, Aqpa et consorts. Soit.
Mais vous rajoutez: En aucun cas, la structure n’est chargée de la conduite des opérations, nous expliquant qu’il y aurait alors collision avec les règles constitutionnelles, et que, en cas d’attentat, synonyme d’échec pour la cellule, elle vous exposerait directement, en votre qualité de Président. Par ailleurs, elle existe déjà, la cellule opérationnelle, même qu’elle s’appelle Allat, et que, placée au sein de la DGSI, elle rassemble des membres de tous les services de renseignement concernés.
Votre CNCT, donc, il va se superposer à Allat. Mais aussi à Emopt, l’état-major opérationnel de prévention du terrorisme, rattaché directement au cabinet du ministre, qui coordonne, anime et contrôle à l’échelon central le suivi des personnes radicalisées, et à l’Uclat, Unité de coordination de la lutte antiterroriste.
Et nous, on pige plus trop, Emopt et Uclat, à vocation interministérielle, et associa
Vous nous répondez que votre CNCT, lui, il va piloter la stratégie des services de renseignement, développe l’analyse et l’évaluation du renseignement pour avoir une vision globale de la menace et s’assure que les services de renseignement coopèrent vraiment, et que bref, le CNCT, arrimé au sommet de l’Etat, c’est comme un super-Uclat, quoi.
Vous précisez que vous ne voulez surtout pas déstabiliser l’édifice des services de renseignement, et que c’est De Bousquet de Florianqui s’y collera, au truc. Il aura avec lui une vingtaine de personnes : des membres des services, mais aussi des analystes, que tu nous dis. Bref, pour l’heure, ça ressemble à une cellule de veille, votre truc. Why not ?
Votre CNCT, à charge pour lui de te proposer des plans d’action concertés sur l’action des services de renseignement, et de te rendre compte chaque semaine au conseil de défense, où s’élabore la stratégie de lutte contre le terrorisme.
Nous, on est allés chercher qui vous nous avez mis à la tête de votre task force. Pierre de Bousquet de Florian, il fut le représentant personnel de Jacques Chirac en Andorre, et il dirigea Civipol Conseil, une société publique censée exporter à l’étranger le savoir-faire du ministère de l’Intérieur. Puis, il a dirigé la DST, chargée du contre-espionnage et de la lutte-antiterroriste.
Y a un expert en renseignement et en intelligence stratégique qui nous dit que votre task force, elle ne pourra pas tout, et qu’en réalité, vous nous faites là un homeland security à la française, inspiré du CNR créé par Sarkozy en 2008. Que cette structure ne repose que sur une gestion de crise régionale, et qu’elle n’intègre pas un fonctionnement centralisé, interservices, ni de centre de conduite des opérations place Beauvau, ni de permanence de veille, ni de capacité à produire une réponse armée ou à piloter une contre propagande anti Daesh.
Ils nous disent, les spécialistes, que parler de guerre aurait justifié de mettre sur pieds une force militaire de près de 10000 hommes sur le territoire.
Alors c’est quoi, votre task force ? Est-ce juste une manière de nous dire à tous que le boss, c’est Vous ?
Why not ? Sauf que nous, aujourd’hui, on attend des résultats concrets, on ne vous fera pas de cadeau, s’agissant de l’avenir de nos enfants. Nous, on a compris que lutter contre la radicalisation et le passage à l’acte meurtrier, c’est réfléchir à toutes vos compromissions successives, toutes vos petites lâchetés, lourdes de conséquences tragiques. C’est réfléchir aux quartiers que vous avez tous, l’un après l’autre, abandonnés, à la police de proximité dont vous avez cru qu’elle ne servait à rien, à l’école que vous avez tous, les uns après les autres, sacrifiée.
Vos agents, allez-vous revoir leur formation, vous inspirer d’Israël par exemple ? Leur apprendre à gérer un mouvement de foule et à permettre une évacuation rapide et/ou la mise à l’abri des personnes confrontées à une attaque? Sera-t-il pris en compte, le danger nouveau, pour toute conception des événements locaux. Certes, l’université Paris II Assas délivrera dès demain un diplôme universitaire en matière de sécurité et de renseignement, et la fédération hospitalière de France s’est engagée pour former ses cadres au risque terroriste.
Mais regardez: en Israël, la sécurité c’est carrément une seconde nature, et nous, on se dit que c’est là bas qu’il faut encore aller voir. Cette culture de sécurité, nous aussi nous devons l’intégrer. Hélas. Et demain chacun de nous devra bien y participer, savoir anticiper, rester vigilants et pourtant continuer à vivre. Comme les israéliens, je vous le dis.
Je ne connais rien de plus servile, de plus méprisable, de plus lâche, de plus borné qu’un terroriste, écrivait Chateaubr
Sarah Cattan
Pour connaître un petit peu le sujet je précise que pour disposer de 20 personnes H24 et 7 jours sur 7 il faut … 140 personnes. Avec un effectif de 20 personnes on dispose de moins de 3 personnes H24 et 7j/7.
Excellent article de Sarah Cattan, rien à ajouter.
Oui, il faut aller chercher le savoir-faire là où il se trouve.