Avec une start-up pour 2.000 habitants, Israël a fait des nouvelles technologies un axe fort de développement. L’éducation ne fait pas exception. Le secteur, encore jeune, mise sur l’ouverture à l’international pour gagner en puissance. Décryptage après la Learning Expedition organisée par EducPros du 14 au 19 mai 2017.
Dans le domaine de l’éducation, Israël compte 120 start-up. La France en recense le double. Dans un pays qui s’enorgueillit de son ratio de 1 start-up pour 2.000 habitants, où la culture de l’innovation et de l’entrepreneuriat irrigue tous les secteurs de l’économie, l’EdTech reste ici un secteur de niche comparé aux licornes de la cybersécurité, de la médecine ou encore de la biologie. Apparus ces dernières années, des lieux d’innovation se proposent de favoriser l’entrepreneuriat dans l’éducation et de contribuer au développement des technologies éducatives.
C’est dans un kibboutz de la banlieue de Tel-Aviv que Yaki Dayan, le fondateur d’EdTech Israël, a pris ses quartiers. Après une carrière dans les télécoms, ce sexagénaire a fondé ce hub de l’EdTech israélienne, où se croisent entrepreneurs, investisseurs et sociétés du monde entier. EdTech Israël met à la disposition des acteurs de ce secteur une série de services allant de l’étude de marché à l’organisation de salons professionnels, en passant par un soutien à la levée de fonds et à l’identification d’investisseurs. EdTech Israël est soutenu par des entreprises (dont Microsoft) et des fonds d’investissement israéliens et étrangers.
LE TEMPS DU MACHINE LEARNING
“Qu’est-ce que l’EdTech au fond ?”, interroge Yaki Dayan. Et de tenter une définition : “L’e-learning est à l’EdTech ce que le software est aux applications.” L’apport d’innovation de l’EdTech ne résiderait ainsi plus dans les contenus diffusés (Mooc), ni même dans le service proposé (coaching en ligne) mais bien dans la seule technologie qui transforme profondément la manière d’apprendre. “Avec le développement du machine learning et de l’intelligence artificielle, la deuxième révolution de l’EdTech est aujourd’hui en plein essor”, complète-t-il.
Autre caractéristique de la filière : son caractère national. “L’EdTech est un phénomène global et mondial mais qui se manifeste avec des particularités locales”, en fonction du pays et des caractéristiques du système éducatif visé, insiste l’Israélien. Dans un pays aussi petit qu’Israël (8 millions d’habitants), où la langue utilisée à l’école est l’hébreu, une start-up de l’EdTech doit ainsi, dès sa création, être pensée pour l’international.
UN SECTEUR ENCORE JEUNE
Retour dans le centre de Tel-Aviv. L’association MindCet, fondée il y a cinq ans par le Center of Educational Technology (CET), est l’un des centres névralgiques de l’EdTech israélienne. Indépendante et “non profit”, MindCet est à la fois un lieu d’innovation, un accélérateur de start-up, un organisateur d’événements, un média, un point de connexion entre éducation et technologie. En permettant à des entrepreneurs, des chercheurs et des enseignants de travailler ensemble, l’institution se propose de réinventer les manières d’apprendre.
L’association MindCet, fondée il y a cinq ans par le Center of Educational Technology (CET), est l’un des centres névralgiques de l’EdTech israélienne. Forte de ses 2 millions de dollars de budget, MindCet développe plusieurs programmes : un accélérateur qui a déjà conduit à de belle réussite comme la start-up Code Monkey, un programme d’entrepreneuriat pour une cinquantaine d’enseignants qui souhaitent mener un projet EdTech dans leur classe, un centre de recherche et développement sur les technologies éducatives innovantes, associant des universités comme le Weizmann Institut et des entreprises telles qu’Intel ou Microsoft. Dans le cadre de ce programme, l’entreprise américaine est ainsi en train de développer un chatbot pour accompagner les étudiants dans leur vie quotidienne.
Mais MindCet, c’est aussi un prix international richement doté : “The Global EdTech Startup Awards”. À gagner pour les start-up candidates : l’investissement de Venture Capital ! L’association anime aussi son réseau d’enseignants, Team (Technology Early Adopters of MindCet), et soigne sa stratégie d’influence via son blog, son site et son magazine… papier.
Ce faisceau d’initiatives réunies en un même lieu contribue à soutenir le dynamisme de la filière EdTech israélienne… qui en a besoin. “Nous sommes un secteur encore assez jeune”, explique Ovi Jacob, directeur de l’entrepreneuriat. Et de pointer lui aussi les barrières à l’entrée de ce marché (la langue, la spécificité des programmes scolaires), la nécessité de s’inscrire dans une dimension internationale, et le défi de la commercialisation à grande échelle de ces technologies. Ovi Jacob en est néanmoins certain : “Nous allons très bientôt arriver à un point d’inflexion.”Ce faisceau d’initiatives réunies en un même lieu contribue à soutenir le dynamisme de la filière EdTech israélienne… qui en a besoin.
TANT QU’IL Y AURA L’ARMÉE…
La vision israélienne de l’EdTech apparaît profondément ancrée dans la volonté de transformer le système éducatif du pays, décrié pour sa piètre qualité. Si l’on compare les filières EdTech israélienne et française, le secteur semble ainsi buter sur les mêmes contraintes : une difficulté à pénétrer de manière significative le marché de l’éducation, à s’exporter, et une filière encore sous-capitalisée par rapport à d’autres domaines de la “Tech“.
Mais le véritable terreau commun entre les deux pays réside sans doute dans l’ambition, au-delà du “business”, d’apporter un “mieux” d’éducation et de contribuer à une école plus efficace pour le plus grand nombre. La vision israélienne de l’EdTech apparaît profondément ancrée dans la volonté de transformer le système éducatif du pays, décrié pour sa piètre qualité.
Car, ce qui frappe en Israël, c’est l’écart entre le niveau secondaire, mal classé dans Pisa et jugé très médiocre, et l’excellence académique d’universités de renommée mondiale, telles que le Technion ou encore le Weizmann Institute. Comment expliquer ce paradoxe ? Yoki Dayan risque une explication : entre le lycée et l’université, l’armée – tous les jeunes israéliens ont l’obligation de faire trois ans de service militaire – joue à plein son rôle de formation de la jeunesse en développant l’initiative, l’intelligence émotionnelle, les compétences sociales, la résistance au stress et le goût du risque… Autant de “soft skills” valorisées dans les processus d’innovation et qui, dès l’université, seront mises au service d’un projet entrepreneurial.
Poster un Commentaire