La préfecture de police de Paris ouvre les archives des sinistres « brigades spéciales » au grand public, 75 ans après la rafle du Vél’ d’Hiv. Historique.
Elles ont joué un rôle-clé dans les rafles des 16 et 17 juillet 1942. Les sinistres « brigades spéciales » de la direction centrale des Renseignements généraux (RG) s’apprêtent à livrer leurs secrets. Les archives de cette unité de police, dédiée à la traque des « ennemis intérieurs » de la France et qui a contribué à l’arrestation et à la déportation de nombreux résistants, communistes et juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, seront en effet bientôt disponibles.
La convention signée, le 19 mai, par Michel Delpuech, préfet de police de Paris, Jacques Fredj, directeur du Mémorial de la Shoah à Paris, et Radu Ioanid, directeur du département des archives du Holocaust Museum de Washington, doit en effet permettre à ces trois institutions de mettre à disposition du grand public l’intégralité des documents (rapports et fichiers) émis par ce service administratif qui se montra si zélé pendant l’Occupation.
Une ouverture imposée par la loi
« La loi impose d’ouvrir les archives de la police et de la justice après soixante-quinze ans », témoigne Michel Delpuech. « Dans un souci de préservation des documents, il était nécessaire que nous les numérisions. Au terme de trois années de travail, nous y sommes parvenus », se félicite le préfet de police de Paris qui a remis aux deux institutions partenaires, un disque dur de 230 gigaoctets comportant une copie numérique de l’intégralité du fonds des archives des brigades spéciales.
Le musée américain cofinancera, à hauteur de 27 000 dollars, un poste d’archiviste pour indexer les dizaines de milliers de documents, émis par ses agents. Il mettra, dans un deuxième temps, en place un moteur de recherche facilitant la consultation du fonds. Ce travail bénéficiera aux historiens, mais aussi aux familles de déportés, désireux de faire la lumière sur cet épisode sombre de l’histoire de France. Il permettra aussi de mieux comprendre comment fonctionnait ce service dont tous les membres étaient volontaires pour collaborer avec les autorités allemandes. Mais aussi d’élucider le rôle des 3e et 4e groupes du BS2, commandés par les inspecteurs Bouton et Barrachin, mis en cause dans plusieurs crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
« Nécessité pour notre pays d’étudier ce passé complexe »
Les archives des « brigades spéciales » n’étaient, jusque-là, accessibles que de manière très exceptionnelle. Seule une poignée de dossiers avait pu être communiquée aux historiens s’intéressant notamment à la vie d’Henri Krasucki et de sa fiancée, Paulette Sliwka, arrêtés pour faits de résistance au sein du réseau dit « de la Main-d’œuvre immigrée » (MOI), dont le plus célèbre membre, Missak Manouchian, fut fusillé au mont Valérien, le 21 février 1944 avec vingt-trois autres combattants de « l’Affiche rouge ».
« Plus de sept décennies après la fin de la guerre, la décision du préfet de police de Paris de mettre à disposition du plus grand nombre ces documents est symboliquement forte », souligne Radu Ioanid. « Poursuivant courageusement le travail du préfet de police, Pierre Mutz, qui, le premier, ouvrit les archives de la police sur cette période douloureuse de notre histoire, Michel Delpuech fait œuvre utile en autorisant l’institution qu’il représente à regarder le passé en face », a ajouté Jacques Fredj.
Les archives seront consultables gratuitement sur divers postes informatiques installés à la préfecture de police, au mémorial de la Shoah, mais aussi au musée de Washington. La Cnil ayant émis un avis négatif à leur diffusion à plus grande échelle, ils ne seront, pour le moment, pas disponibles sur Internet. En concluant son discours où il a également rendu hommage aux policiers qui résistèrent, le préfet a insisté sur « la nécessité pour notre pays d’étudier ce passé complexe et tourmenté pour éviter que le pire ne se reproduise et préserver un avenir de paix, de respect et de fraternité ».
Sur les 220 policiers constituant les brigades spéciales, 50 ont été jugés après la guerre, 8 ont été condamnés à mort, 6 à une peine de réclusion à perpétuité et 12 à des peines de prison (dont 9 supérieures à dix ans).
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