Pendant la Seconde Guerre Mondiale, une petite fille juive a été cachée et sauvée du pire dans un village auvergnat. Mais elle n’a conservé aucun souvenir des lieux et des noms. Suzanne Berliner, qui vit désormais au Canada, est revenue en Auvergne sur les traces de son enfance.
Dans l’ancienne synagogue de Clermont-Ferrand, Suzanne Berliner regarde les photographies qui témoignent de sa jeunesse : une petite fille blonde de deux ans au regard pétillant est dans les bras de sa maman. L’image date de 1943. 74 ans plus tard, Suzanne se souvient seulement du tissu de sa robe.
En 1941, sa famille polonaise immigre en France. Sa mère, couturière, sera arrêtée et déportée à Auschwitz. Son père, militaire, va mourir sous les bombardements. Orpheline, la petite fille juive est cachée par une famille d’accueil…. quelque part en Auvergne, probablement dans le Cantal.
Suzanne est hébergée de 1943 à 1945 dans une famille dont le nom reste inconnu. Après la guerre, elle est adoptée par un couple d’Américains. Aujourd’hui, elle vit au Canada et revient en Auvergne pour tenter de retrouver celles et ceux qui l’ont sauvée.
Pourquoi éprouvez-vous le besoin de revenir en Auvergne ?
« Quel bonheur d’être de retour en Auvergne, 72 ans après mon départ, à l’âge de quatre ans. Enfant juive sous l’Occupation, j’étais destinée à la déportation. Ce sont les Auvergnats qui m’ont hébergée. Je dois la vie à leur hospitalité. »
Quels souvenirs gardez-vous de cette période ?
« J’ai peu de souvenirs. Mais je sais que j’étais dans une ferme paysanne et que j’étais heureuse dans ma famille d’accueil. Je me rappelle de l’air frais, des châtaignes, des volcans et des vaches. Ma maman de la montagne prenait soin de moi. Elle m’aimait et ne voulait pas que je reparte. Pourtant, à la Libération, je suis allée à Paris dans la communauté juive d’où j’étais issue. Ma mère était morte à Auschwitz. Mon père est mort suite à des blessures de guerre. J’ai vécu dans plusieurs orphelinats. A neuf ans, j’ai été adoptée par une famille américaine et mes liens avec la France ont été rompus. »
Quand avez-vous décidé d’enquêter sur votre passé ?
« Dans les années 1980, avec l’aide de mon mari, j’ai commencé à chercher des informations. J’ai retrouvé des traces de mon voyage, de Paris jusqu’à l’Auvergne. J’ai appris le plus possible sur les enfants juifs cachés pendant la guerre. J’ai aussi essayé de découvrir le lieu où j’étais hébergé avec l’aide de l’ethnologue Martin de la Soudière et des amis français. Aujourd’hui je veux surtout remercier les Auvergnats pour l’humanité et la générosité dont ils ont fait preuve en accueillant des juifs, ou non juifs, qui fuyaient les persécutions nazies. »
Suzanne Berliner à la recherche de son passé
Suzanne Berliner sait que les chances s’amenuisent pour retrouver sa famille d’accueil, mais aujourd’hui elle veut surtout transmettre un message aux jeunes générations pour qu’elles n’oublient jamais les horreurs de la guerre.
LES JUSTES D’AUVERGNE
Pendant la Seconde Guerre Mondiale, l’Auvergne fut une terre d’asile pour des réfugiés, juifs ou non juifs. 200 Auvergnats ont reçu le titre de « Juste parmi les Nations. » Mais de nombreux sauveteurs n’ont pas encore été identifiés. C’est le travail de l’historien Julien Bouchet qui continue de collecter les témoignages. Dans un livre, il raconte les actes de résistance, de bravoure et de courage de celles et ceux qui n’ont pas eu peur d’accueillir des migrants et des réfugiés.
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Honneur aux Justes dont j’aurais certainement fait partie avec quelques décennies de plus.