Marine Le Pen, la candidate d’extrême droite aux élections présidentielles françaises, a qualifié le vote de Dimanche « un choix de civilisation ». Presque deux tiers des électeurs ont tenu compte de cette affirmation, et ont donné leur vote pour la seule option « civilisée » : ils ont élu son rival de 39 ans , Emmanuel Macron.
Ce résultat semble bien constituer un soulagement des deux côtés de l’Atlantique. On avait gravement besoin d’une victoire après le double coup de poing du Brexit et de Donald Trump. La défaite de Le Pen a mis le holà à ses promesses de campagne de contenir l’immigration, de chasser les Musulmans et d’organiser le « Frexit ».
Mais, aurons-nous toujours Paris ?
Le Pen a enregistré un un record pour le Front National, en doublant le pourcentage de voix obtenu lors de l’election de 2002, contre Jacques Chirac. Au premier tour, Le Pen a également écrasé les deux partis traditionnels, jadis très puissants : les Socialistes et la droite des Républicains.
Durant sa campagne, Le Pen a tenté de séduire des populations très importantes : les Juifs, les gays, la classe ouvrière, et les femmes ; elle a tenté de s’éloigner des racines de son parti, qui a son origine dans le régime pro nazi de Vichy. Quarante ans auparavant, le FN ne parvenait pas à rassembler un nombre significatif de votes. Aujourd’hui, il aspire à devenir le « premier parti de France »*
Mais la France n’est pas tombée sous le joug de l’ancienne idéologie raciste et antisémite. Le FN est apparemment un parti différent de celui hérité de son fondateur, son père Jean-Marie Le Pen.
Il demeure un négationniste. Il conserve les faveurs des Catholiques intégristes. Marine Le Pen a promis d’être le meilleur « bouclier » pour les Juifs Français, se présente comme une « femme libre »* et évite les propos racistes. Elle a même éjecté son vieux père de son propre parti, avec une violence qui aurait fait rougir de honte les filles du Roi Lear…
Le message de campagne de Marine Le Pen fustige le « mondialisme » et l’Islam radical en les qualifiant de deux « totalitarismes ». Comme Trump, elle répète que les immigrants, sont invités en France par les élites, qui voient là une opportunité d’augmenter leurs profits. Ils menacent la survie de la France en éliminant les ouvriers français, refusent de s’assimiler, et sont à l’origine du terrorisme.
Ceci a un écho très fort, particulièrement dans le Nord industriel, où Le Pen rassemble le plus haut pourcentage d’électeurs Sa position envers l’immigration et l’islam radical montre une certaine amnésie historique. La France a colonisé les pays d’Afrique du Nord desquels descendent les Musulmans d’aujourd’hui. Le conflit existant entre ces immigrants et l’Etat provient de l’impérialisme et une très ancienne xénophobie qui explique la discrimination anti arabe.
Il faut aussi dire que Marine Le Pen n’est pas non plus l’amie des femmes et des homosexuels. Son parti est opposé au droit à l’avortement et au mariage gay. Elle copine avec Vladimir Poutine, le pire ennemi des libertés sexuelles.
Macron, un riche banquier**, devra diriger la France affligée d’une croissance zéro, d’un chômage élevé, et d’une profonde division sociale. Il aura à affronter l’impossible challenge de contenir Le Pen. Il lui faudra baisser les impôts, stimuler la croissance, tout en maintenant une protection sociale populaire, mais très couteuse ; lutter contre le terrorisme et accepter l’immigration ; imposer l’idée de fraternité à une société multiculturelle et très diverse.
La France a conduit le monde vers l’âge des Lumières. Son succès devrait montrer aux nations amies comment on peut triompher de l’extrême droite. Mais son échec plongerait les démocraties occidentales dans l’obscurité.
Un article du « Forward » de Daniel J. Solomon (7 mai 2017)
Traduit et adapté par Victor Kuperminc
* en français dans le texte
** la très approximative qualification de « riche banquier », n’est pas péjorative pour les américains, contrairement à ce qu’on en pense en France.
Poster un Commentaire